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Ce traité, confirmatif de celui de CampoFormio, renouvelait la cession de la Belgique et de tout ce qui avait appartenu à l'Autriche et à l'empire germanique, sur la rive gauche du Rhin. L'empereur obtenait, pour la Belgique et le Milanais, l'Istrie, la Dalmatie et les îles vénitiennes de l'Adriatique, Venise, et la plus grande partie du pays jusqu'à l'Adige, qui devait servir de limite.

Le grand-duc de Toscane, le duc de Modène et les princes séculiers de la rive gauche du Rhin, devaient être indemnisés sur la rive droite, aux dépens des princes ecclésiastiques d'Allemagne, etc.

Le traité de Lunéville, en renversant l'ancien système européen en Italie et en Allemagne, produisait une immense révolution politique. Il assurait à la France la possession de la Belgique et des pays situés à la gauche du Rhin, et la plus vaste influence sur l'Italie; tandis que le silence du traité de paix à l'égard du Piémont, occupé par les Français, semblait le leur abandonner. Par cet agrandissement, la France devenait

dominante sur le continent; et un de ses plus puissants ennemis y donnait sa sanction.

Le gouvernement consulaire se conduisit quelque temps avec cette prudence qui est moins la réserve de la vertu que la souplesse de la politique : il pacifie l'Ouest, fait un concordat avec Rome, et conclut la paix avec Naples, la Bavière et la Russie, en trompant toutefois cette dernière puissance, à laquelle il avait promis la réintégration du roi de Sardaigne dans ses états. Cédant à la raison, le premier consul, après avoir épuisé contre l'Angleterre toutes les ressources de la guerre, de la politique et de l'intrigue, songe à la paix. De son côté, la cour de Londres, satisfaite d'avoir arraché Malte et l'Égypte aux Français, avait cru devoir se rendre aux clameurs de l'opposition, qui l'accusait de vouloir consacrer le principe de la perpétuelle. Pitt, qui ne voulait ni repousser ni approuver une paix dont il n'augurait rien de solide, avait donné sa démission. Déja, lors de l'installation du gouvernement consulaire, il avait dit: Les formes peu

guerre

vent changer, mais les principes seront toujours les mémes; et ce pronostic n'avait été que trop confirmé.

Des négociations ouvertes à Londres, par le nouveau ministère, avaient été suivies de préliminaires de paix. Dans l'intervalle de leur signature à celle de la paix définitive, Bonaparte s'était fait nommer, ou plutôt s'était nommé lui-même président à vie de la république italienne; déclarant à la Consulta réunie à Lyon, que lui seul était сараble de remplir ce poste difficile. Cette prétention, où l'ambition ne cherchait pas même à se couvrir du voile des bienséances, donnait à Bonaparte la facilité de gouverner la république italienne, ainsi qu'il régissait la France, afin d'arriver par l'une à régner sur l'autre, et enfin sur toutes les deux.

La cour de Londres eût pu se prévaloir de cette conduite tortueuse, ainsi que de l'influence despotique exercée sur les cantons, pour rompre les négociations d'Amiens; mais elle préfère de faire l'essai de la paix, qui est signée à Amiens, le 27 mars 1802. Le cabinet de Saint-James, dans la guerre

opiniâtre qui venait de se terminer, avait paru guidé par deux vues très-différentes, dont l'une consistait à faire à la France, comme à une rivale, tout le mal que permet la guerre; et l'autre avait pour but de servir la cause des Bourbons, autant par respect pour leurs droits que par estime pour leurs principes; mais ces deux buts distincts de la politique anglaise se nuisirent en plus d'une occasion. En effet, tandis que la cour de Londres faisait une guerre acharnée à la France comme puissance, la Convention nationale se portait à des mesures contre les partisans de la cause royale; en sorte que, que le cabinet anglais voulait s'occuper spécialement du rétablissement de l'ancienne monarchie, ce rétablissement était devenu bien moins facile; car les révolutions, semblables aux incendies, se fortifient de tout ce qui ne les étouffe pas. La distinction de ces deux vues de l'Angleterre, explique ces contradictions apparentes que quelques personnes crurent remarquer dans le cabinet de Saint-James, et même dans Pitt, un des ministres modernes qui suivirent le plus obsti

lors

nément leurs desseins, et dont les systèmes, en définitif, ont obtenu le plus de succès.

Par la paix d'Amiens, la France recouvrait toutes ses possessions dans l'Inde, en Afrique et aux Antilles, après les avoir entièrement perdues.

L'Angleterre gardait Ceylan et l'île de la Trinité, prises sur la Hollande et l'Espagne, quoiqu'il fût injuste et peu généreux de la part de la France, de faire supporter à ces deux états le poids d'une guerre dans laquelle ils n'étaient point partie principale. En Europe, le traité d'Amiens était favorable à la France, puisque l'Angleterre évacuait Minorque, Malte et l'île d'Elbe; trois points d'une haute importance pour l'offensive maritime. Ce traité, par son silence même, était confirmatif de toutes les acquisitions de la France sur le continent, et renfermait la reconnaissance de la République, que le cabinet anglais avait jusqu'alors refusée. Aussi la paix fut-elle moins regardée à Londres comme un acte glorieux que comme une opération de circonstance, et une épreuve dernière de la probité du gouvernement

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