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français. Le premier consul qui, plus que l'Angleterre, avait intérêt à maintenir le traité d'Amiens, s'attache à le rompre par de nouveaux envahissemens. Cette conduite engage l'Angleterre à ne point se dessaisir de Malte. Bonaparte s'écarte alors de toutes les bienséances; les diatribes les plus virulentes, comme les reproches les plus bizarres, sont adressés à l'Angleterre, qu'on croyait avilir, en lui opposant qu'elle était une île, comme si ce genre de localité ou de conformation topographique lui donnait moins de droit aux égards des autres nations. La séparation de la Grande-Bretagne du continent, loin d'être une disgrace de la nature, en est une faveur signalée, puisqu'elle est par-là plus inaccessible aux coups de ses ennemis, et se trouve en communication plus facile avec les deux hémisphères.

La guerre recommence au mois de mai 1803, entre les deux rivales. Le premier consul fait arrêter les Anglais de tout âge et de toute profession, qui n'avaient pas eu la précaution de quitter la France, parce qu'ils se reposaient sur l'article 2 du traité du 26 septembre 1786,

et sur l'assurance positive que

les

voyageurs anglais étaient en sûreté sur le territoire français. La Grande-Bretagne répond à la haine de son ennemi par le serment d'une guerre viagère.

Bonaparte, en vue d'accélérer l'exécution de la paix de Lunéville, avait concerté, avec des princes d'Allemagne du second rang, de nombreuses mutations, ou plutôt de vastes bouleversemens. Par suite de ses manéges, et de la terreur inspirée par des armées toujours prêtes à marcher, on vit une partie de l'Allemagne recevoir, au sein de la paix, des lois plus rigoureuses qu'à la suite des plus éclatans revers. L'arrogance du premier consul se manifeste sans pudeur dans la distribution des indemnités.

Ce fut un juste sujet d'indignation que cette destruction sourdement préparée de tant de souverainetés, ainsi que l'inégalité capricieuse des répartitions, en dépit des plaintes même de la Russie qui était co-médiatrice. Bonaparte semble affecter de mortifier l'Autriche par la modique indemnité qu'il accorde au grand-duc de Toscane. Il fait

la part de la maison d'Hanovre avec la même inconvenance et la même affectation de supériorité. Il abolit des électorats et en crée d'autres, préparant ainsi d'avance la chute de la constitution germanique.

Au moment où Bonaparte semblait se plaire par ces actes de prépotence à avilir le pouvoir souverain, il se fait conférer, au mois de mai 1805,par le sénat, le titre d'Empereur des Français. Le succès de cette intrusion avait été préparé par des promesses de places aux plus ambitieux, et par des dons d'argent aux plus cupides. Le prix de la Louisiane, que Bonaparte vend de son chef aux ÉtatsUnis, sert à payer le sceptre et le couronnement. Ainsi des généraux romains s'élevaient à l'empire en corrompant le sénat et l'armée.

La couronne de France ne suffisait pas à la vanité de Bonaparte transformé en empereur Napoléon, il lui fallait celle d'Italie. Elle lui est décernée, à la manière du temps, par un vœu supposé ou commandé; et bientôt, pour ennoblir sa nombreuse famille, il confère la république de Lucques, con

vertie en principauté, à sa sœur Éliza, qui, peu après, vient siéger à Florence comme grande-duchesse. Une autre sœur de Napoléon reçoit l'investiture du duché de Guastalla. La république ligurienne subit la destinée à laquelle depuis long-temps elle tendait; elle est incorporée à la France, avec compensations dérisoires pour sa liberté perdue. L'intrigue, la corruption et des menaces sourdes préparaient toujours les événemens connus sous le nom de réunions.

des

Cependant Pitt s'arrachant à sa retraite philosophique, Pitt, que les Anglais appelaient un géant reposé, avait formé, en 1805, une ligue entre l'Angleterre, l'Autriche, la Russie et la Suède. Mais la nouvelle coalition succombe dans les champs d'Austerlitz, par la faute des Russes dont le courage impatient, au lieu d'attendre l'archiduc Charles qui accourait avec 90,000 hommes, va affronter l'armée française.

La paix de Presbourg, du 26 décembre 1805, enlève à l'Autriche tout ce qu'elle possédait de l'ancien territoire de Venise; elle céde à la Bavière le Brisgaw, le Tyrol, le

Voralberg, etc.; au roi de Wirtemberg, les cinq villes du Danube; et, au grand-duc de Bade, plusieurs possessions. Pour tant de såcrifices, la cour de Vienne ne reçoit que le pays de Saltzbourg; et l'archiduc Ferdinand est transféré à Würtzbourg. Ces translations, fréquemment répétées, convertissaient les souverains en fonctionnaires révocables.

La paix de Presbourg fut aussi fatale à l'Autriche qu'à l'Allemagne, qui cessa d'être protégée par l'empereur relégué dans ses états héréditaires. Tout ce que la maison d'Autriche perd en influence et en puissance, passe à la France et à ses alliés d'Allemagne devenus de timides vassaux.

Pitt, qui avait disposé avec tant d'art cette coalition sitôt dissipée, s'éteint dans la langueur. L'homme d'état dépérissant au spectacle des malheurs publics, offre un caractère plus magnanime que celui du guerrier terminant dans les combats une vie dévouée aux hasards.

La violence du gouvernement français avait forcé la cour de Naples à s'unir à la coalition de 1793. Ferdinand avait depuis conclu, avec

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