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criminelles, on ordonna aux chefs d'y envoyer les personnes dénoncées, pour les juger selon les lois, dont les résultats ne produisirent que condamnation de ceux qui étaient convaincus de brigandages et d'assassinats. Les journaux du parti contraire ont beau réclamer vaguement, il n'y a aucun membre d'une junte criminelle qui craigne d'être jugé, pourvu qu'on joigne à son procès tous ceux dans lesquels il a intervenu comme juge; il se soumettra trèsvolontiers au tribunal, bien assuré de justifier que sa junte criminelle a été la planche du naufrage de la police militaire.

Que si on cite l'exemple d'un avocat, mort sans avoir commis d'autres crimes que ceux qui étaient enfantés par la révolution, on doit examiner son procès, où l'on verrait qu'il était un véritable conspirateur contre le gouvernement

du pays où il habitait, et avait formé des projets atroces et sanguinaires. Que la différence est très-grande entre ce cas particulier et les exemples barbares et inhumains donnés depuis à Cadix contre un honnête juge de Madrid, et dernièrement encore à Valladolid, contre un magistrat le plus pacifique et le plus tolérant de l'univers.

Ah! ce dernier était un modèle de vertus civiles, morales et patriotiques! Agé de soixante

dix ans, dont quarante passés dans la carrière judiciaire, il avait eu la gloire d'avoir rempli plusieurs missions du conseil de Castille d'une manière si satisfaisante, qu'il mérita que l'inflexible et austère don Arias Mon-y-Velarde, gouverneur ad interim dudit conseil, fit son panégyrique, et qu'après il fut plutôt son ami que son protecteur pour son avancement. Il avait écrit et fait imprimer, plus de vingt ans auparavant, un ouvrage intitulé : Des dîmes appartenans à des personnes laïques dans les églises d'Espagne, très-apprécié par les savans critiques. Il avait été maire et juge jurisconsulte dans plusieurs endroits, où, par un honneur non suspect, il avait toujours été redemandé par voie de prorogation; ce que Charles IV avait toujours accordé, d'après les informations prises à la chambre de Castille, hormis les cas où il reçut un avancement. Il avait rempli une mission du conseil, relative au district de Plasencia, en Estramadure, dans laquelle il s'était donné tant de peines et de fatigues, qu'elles lui occasionèrent une attaque de paralysie dont il demeura manchot et boîteux le reste de ses jours: on peut s'en convaincre à la secrétairerie du même conseil, et par les témoignages non suspects dudit don Arias Mon, alors régent de l'audience d'Estra

madure et du défunt évêque de Plasencia, don Joseph Santos Gonzalez de San-Pédro. Il reçut deux coups de fusil en 1808, déchargés par une populace soulevée à Ségovie, quand le maréchal de camp Cevallos, directeur du collége d'artillerie, fut sacrifié. Il était resté à Valladolid au moment de la retraité de l'armée française, en 1813, quoiqu'il eût été président de la junte criminelle, parce qu'il se crut à l'abri de tout péril, par son innocence, sa bonne renommée, l'amour général qu'on lui portait, et sa vénérable ancienneté. Il eut la gloire de mourir pauvre, après avoir passé quarante années dans l'ordre judiciaire; ce qui sera un monument éternel de la pureté de ses mœurs et de sa probité, comme de l'atrocité de ses juges, de l'injustice de ses accusateurs et de la barbarie de ses meurtriers, dont quelques-uns vivent avec des remords éternels, si toutefois ils peuvent en sentir.

Quand les Espagnols réfugiés en France lurent la circulaire du 24 mai, qui a été publiée quelque temps après dans la gazette de Madrid, du 30 juin, ils virent qu'elle ne désignait que les employés prétendans aux places, qui résidaient en Espagne; mais déjà ils appréhendaient qu'elle ne fût suivie d'une

autre qui les regardât directement, et leurs craintes se vérifièrent lorsqu'ils virent paraître la lettre circulaire du ministre de grâce et de justice, en date du 30 mai.

CHAPITRE XVI.

Lettre circulaire du ministre de grâce et de justice, contre les Espagnols réfugiés en France.

QUELQUES

UELQUES Espagnols réfugiés en France étaient encore dans la persuasion que Ferdinand VII attendait le jour de sa fête pour faire. publier quelque décret pour mettre un terme à la confiscation de leurs biens; donner à chacun la liberté de reprendre ses anciennes fonctions; ordonner la mise en liberté des partisans des cortès, qui gémissaient dans les cachots de Madrid et dans d'autres villes; et réunir ainsi tous les partis dans la célébration d'un jour si solemnel. Les décrets publiés avant la fête n'avaient pu affaiblir leur espoir; ils pensaient que le roi ne les avait promulgués que pour montrer que toutes les grâces que l'on accorderait le jour de la Saint-Ferdinand, seraient l'effet d'une faveur spéciale, émanée seulement de la bonté de S. M. dans sa première solemnnité royale.

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