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part de celui qui était déjà en arrière de répondre à plusieurs dépêches; mais la bonne foi ne permit pas de croire, qu'un général français peut être capable d'employer le mensonge en des matières aussi graves, à la face d'un souverain.

Ferdinand résolut d'aller au-devant de l'em

pereur jusqu'à Burgos: Savary assurait que ce serait là le point le plus éloigné de Madrid où, d'après les dernières nouvelles qu'il avait reçues, le roi rencontrerait S. M. I.

Ferdinand écrivit à son père, le 8 avril, en lui demandant une lettre pour l'empereur, dans laquelle il déclarât que son abdication avait été volontaire, et que son fils était animé des mêmes sentimens que lui envers la France. La reine Louise envoya le jour suivant cette lettre au grand-duc de Berg, en lui demandant ce que son mari devait répondre, et lui faisait savoir qu'il n'était nullement disposé à accéder à la demande de son fils. Murat lui répondit qu'il devait la refuser. Charles IV la refusa en effet,

mais il ne faut pas oublier que déjà au 20 mars précédent, il avait écrit à l'empereur dans ce sens. La bonne foi du roi et de ses conseillers, relativement à la mission de Savary, était d'autant plus remarquable, que la conduite de l'armée française et de celui qui la commandait,

était des plus équivoques. Il arrivait des nou velles de Valladolid, de Burgos et d'autres endroits, donnant avis d'une foule de mesures et de précautions plus hostiles qu'amicales. A Madrid même, sous les yeux du roi, le grand-duc de Berg s'empara du palais royal, appelé Casa de Campo, sur la rive droite de la rivière Manzanares, et dont l'enceinte renferme une colline prolongée propre à faire un point militaire pour y placer de l'artillerie destinée à agir contre Madrid.

Avant de partir, Ferdinand créa une junte suprême de gouvernement, composée de son oncle l'infant don Antonio et des ministres secrétaires-d'état, dont l'un d'entr'eux, don Pedro Cevallos, l'accompagna dans son voyage, de même que ses conseillers intimes de cabinet, le duc de l'Infantado, le duc de San-Carlos et don Juan Escoiquiz, auxquels il agréga encore le marquis de Muzquiz et don Pedro Labrador, ex-ambassadeurs et autres; de la même manière qu'avait été accompagné l'infant don Carlos, dans son voyage, par don Pedro Macanaz et don Pascual Vallejo.

Le roi partit de Madrid le 10 avril; arrivé à Burgos, il n'y trouva pas l'empereur, ni aucune lettre de lui, ni d'autres nouvelles que celles que voulait bien lui donner le général

Savary, voyageur officieux, qui, affectant le plus vif intérêt et le plus grand desir de se rendre agréable, avait témoigné au rỏi sa satisfaction de pouvoir accompagner S. M. pour lui donner des preuves de son dévouement. Ces preuves se réduisirent à presser le roi d'aller jusqu'à Vitoria, avec tant de véhémence, que la bonté du roi y consentit, après avoir néanmoins montré de la répugnance de cette nouvelle démarche.

le

Ferdinand étant arrivé à Vitoria sans y ren contrer l'empereur, s'arrêta pour délibérer. II se détermina à écrire de cette ville à Napoléon, sous la date du 14 avril, lui faisant ses plaintes de ce qu'il n'avait pas été traité en roi par grand-duc de Berg ni par l'ambassadeur, comme également de ce que S. M. I. et R. n'avait pas daigné lui écrire après que lui, Ferdinand, avait fait à l'égard de l'empereur et de ses troupes tout ce qu'on avait pu desirer; qu'ainsi il le suppliait de le tirer d'incertitude. Ce même jour l'empereur arriva à Bayonne. L'infant don Carlos, qui s'était arrêté à Tolosa de Guipuzcoa, entra en France pour complimenter S. M. I. Le général Savary partit également de Vitoria pour Bayonne, en portant la lettre de Ferdinand; il retourna le 18, en apportant au roi la lettre de l'empereur du 16 du même

mois, laquelle a été publiée depuis par les gazettes et par don Pedro Cevallos (1).

Cette lettre était suffisante pour faire voir que Napoléon ne reconnaissait Ferdinand que comme prince héritier du trône, et tel était le titre qu'il lui donnait. Mais comme S. M. I. et R. témoignait le désir de s'entretenir à ce sujet avec le roi, pour s'assurer si Charles IV avait abdiqué librement ou par force, Ferdinand et ses conseillers intimes résolurent de se rendre jusqu'à Bayonne. Ce qui est remarquable, c'est que Ferdinand écrivit à son oncle et à la junte, en se disant très-content et satisfait de l'empereur. On avait déjà remarqué dans l'armée française certains mouvemens capables d'exciter le soupçon, à ce qu'assure Cevallos dans son Exposition des faits et des machinations qui ont préparé l'usurpation de la couronne d'Espagne; mais cette observation, ni le mé contentement général des habitans de Vitoria, qui fut poussé jusqu'au point de perdre le respect dû à la majesté, et de couper les traits des mules du roi, ne furent pas capables d'empêcher ce dernier d'entreprendre le voyage.

(1) Cevallos. Exposé des faits et des machinations qui ont préparé l'usurpation de la couronne d'Espagne. Appendix, no 3.

Il faut donner ici la notice de quelques évè nemens très-intéressans.

Don Joseph Martinez de Herbas, fils du marquis d'Amenara, beau-frère du grandmaréchal Duroc, était allé à Madrid, accompagnant le général Savary. La circonstance d'avoir demeuré à Paris, lui avait procuré l'occasion d'entendre quelques entretiens opposés à ce qu'il desirait comme Espagnol attaché au bien de sa patrie. Quand il entendit à Madrid que le roi Ferdinand projetait son voyage, il crut de son devoir de dire tout ce qu'il savait pour en éviter les conséquences. Il révéla son secret pour le faire savoir aux ministres du roi Ferdinand, en assurant qu'il craignait que S. M. ne revint pas à Madrid si elle en sortait, parce qu'il était bien instruit que les intentions du gouvernement français étaient de se saisir de sa personne royale. Le ministre Ofarril (qui était absolument dévoué à Ferdinand par affection et reconnaissance) fit tout ce qu'il put pour éviter ce voyage. Mais les ducs de l'Infantado et de San-Carlos, et don Juan Escoiquiz (qui étaient les conseillers du roi les plus intimes, et possédaient sa prédilection et sa préférence) l'emportèrent. Quand le roi fut à Vitoria, M. Herbas découvrit le même secret au duc de l'Infantado. Tout fut inutile; le

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