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velles troupes françaises dans la péninsule.

Le roi décida en même-temps, par un autre décret, adressé au conseil royal de Castille, ou à son défaut, à toutes les chancelleries ou audiences du royaume, que dans la situation où il se trouvait, privé de sa liberté pour agir par lui-même, sa royale volonté était qu'on convoquât les cortès dans l'endroit qui paraîtrait le plus à propos; que ces cortès s'occuperaient d'abord uniquement à procurer les moyens et les secours nécessaires pour s'appliquer à la défense du royaume, et qu'elles resteraient en permanence pour les autres affaires qui pourraient survenir.

Ces décrets furent envoyés à Madrid; et don Joseph de Palafox trouva moyen de passer de France en Espagne, sans être reconnu par les espions français avec des instructions hostiles; mais aucun des deux décrets ne pût être exécuté, parce que d'autres évènemens, dont nous allons rendre compte, mirent Ferdinand dans le cas d'ordonner (avec la même liberté secrète qu'il avait employée pour la rédaction des deux décrets ci-dessus) des mesures entièrement contraires, envoyant à cet effet don Evaristo Perez de Castro, dont il a été parlé plus. haut.

CHAPITRE IV.

Cessions du droit de régner en Espagne.

Nous avons vu que Charles IV avait remis

au général français Monthion, le 23 mars, une protestation contre son abdication du 19, et une lettre datée du 21, adressée à l'empereur, par laquelle il se remettait entre ses mains. Il est présumable qu'il fit cette démarche sans prévoir alors l'issue quelle eut depuis, et qu'il crut de bonne foi aux promesses que lui fit Murat de lui restituer la royauté qu'il avait abdiquée.

C'est sans doute aussi par suite de cette croyance, que se trouvant déjà, avec la permission de son fils, à l'Escurial, il signa le décret du 17 avril, et la cédule royale du 20 du même mois, ainsi que les autres pieces qui furent insérées depuis dans la proclamation du 8 mai, dans laquelle il parle en roi actuellement régnant en Espagne, sans reconnaître en son fils le droit de régner, à cause de la violence indirecte de son abdication, ainsi

qu'il le fit connaître à la junte suprême de gouvernement, en renouvelant sa protestation.

par

La junte résolut de donner connaissance de tout à Ferdinand pour lui servir de règle. Elle lui communiqua tout ce qui précède, quoique le conseil de Castille ne s'explique pas à ce sujet dans son Manifeste (1). Aussitôt que Charles IV se vit à Bayonne, il exposa la même chose à l'empereur, qui fit remettre une note officielle le ministre de Champagny à don Pedro Cevallos le 30 avril, portant que S. M. I. et R. ne pouvait reconnaître Ferdinand comme roi d'Espagne, attendu que, vu la protestation et tout ce qui avait eu lieu, Charles IV était le seul roi légitime. Celui-ci, en conséquence de cette déclaration, et recevant à peine la seconde lettre de son fils, du 4 mai (2), fit une nouvelle déclaration officielle, portant qu'il était résolu de reprendre les rênes du gouvernement d'Espagne. Il ordonna en même temps, comme roi actuel, à son frère l'infant don Antonio de cesser les fonctions de président de la junte suprême de gouvernement, et de se rendre à Bayonne au

(1) Pages 46 et 47.

(2) Citée dans le chapitre précédent, et publiée par Cevallos dans son Exposition.

près de lui; enfin il nommait le grand-duc de Berg son lieutenant-général pour le gouvernement du royaume.

Il serait difficile de se faire une idée de la célérité du service des postes de l'empereur, pendant toute la durée de ces machinations. Plusieurs lettres furent reçues à Madrid un jour et demi après la date de leur départ de Bayonne (la distance étant de cent-dix lieues espagnoles), de sorte que les courriers faisaient plus de trois lieues par heure. Celui qui était porteur des papiers dont nous venons de parler, et de la lettre de l'empereur à Murat, arriva à Madrid dans le courant de la journée du 5 mai. Le grand-duc de Berg fit sur-le-champ convoquer la junte de gouvernement pour lui en faire part, et lui faire prendre les mesures nécessaires, à l'exception toutefois, de celles relatives au départ de l'infant don Antonio, dont il se chargeait lui-même.

La junte de gouvernement résolut, entr'autres choses, d'envoyer dans la matinée du jour suivant, 6 mai, une députation de trois de ses membres, qui étaient le marquis Caballero, don Francisco Gil de Lemos, et don Gonzalo Ofarril, au conseil de Castille, pour lui rendre compte de la nouvelle inattendue qui venait de lui parvenir, et pour que, après avoir

entendu la députation, le conseil délibérât sur sur ce qu'il serait utile et juste de faire dans les circonstances, et fit connaître sa résolution pour servir de règle à ladite junte.

Don Arias Mon, doyen et président, par interim, du conseil de Castille, membre de la junte de gouvernement, se rendit au conseil dans la matinée du jour précité, et rendit compte de la mission des trois commissaires susdits. Ceux-ci donnèrent lecture des pièces, et y ajoutèrent leurs observations, après quoi ils se retirèrent. Le conseil délibéra que don Gonzalo Vilches, don Joseph Colon, et don Manuel de Lardizabal, conseillers de Castille, iraient conférer avec les trois députés de la junte, et viendraient ensuite faire leur rapport

au conseil.

Les trois conseillers se rendirent le même. soir à l'hôtel du marquis Caballero; mais la conférence ne put avoir lieu, par l'indisposi tion de don Gonzalo Ofarril, et par la demande que fit M. Gil de Lemos d'être dispensé de la commission. Lorsque les trois conseillers

y retournèrent le jour suivant, le marquis Caballero leur annonça que les conférences de venaient inutiles, l'affaire se trouvant terminée au moyen d'un décret qui serait adressé au conseil.

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