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Bodin devant le tribunal de commerce de Marseille à fins de paiement :

1° De la somme de 945 fr. montant du nolis et et droit de chapeau des marchandises arrivées par son navire à la consignation du sieur Bodin.

2o De la somme de 2,096 fr. 37 c. montant de la contribution aux avaries communes, mise à la charge des mêmes marchandises par le règlement qui en a été fait à Bastia d'autorité de justice et que le sieur Bodin a promis de payer après la réception de la marchandise.

Le capitaine soutient que cette promesse et l'approbation, par le sieur Bodin, du règlement fait à Bastia résultent formellement de la lettre par lui écrite le 24 avril aux sieurs Granier frères, porteurs du billet de grosse et recommandataires du capitaine.

Le sieur Bodin qui s'était fait assurer sa marchandise par la comp d'assurances de Marseille, appelle ses assureurs en garantie sur la demande du capitaine.

Le sieur Bodin soutient, relativement aux ava ries, que le prétendu règlement fait à Bastia, dont le capitaine s'appuie pour réclamer la contribution que la marchandise doit supporter, n'est d'aucune valeur à l'égard du consignataire;

Qu'il est de principe, aux termes de la loi, que tout règlement d'avaries communes doit être fait au lieu du déchargement.

Que celui auquel il a été procédé à Bastia, lieu du départ, a été fait par des experts nommés à la

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requête seule du capitaine, sans le concours du chargeur et sans qu'il y ait été appelé;

Que, d'ailleurs, les experts ne pouvaient être nommés que pour constater et évaluer les avaries éprouvées par le navire et la cargaison; que le rapport de ces experts, en tant qu'ils ont été nommés légalement, ne peut donc servir que comme simple document pour constater la matérialité des faits et nullement comme règlement d'avaries communes entre personnes non présentes, ni même appelées ;

Que ce règlement qui n'a été consenti, ou approuvé, ni par le chargeur, ni par le consignataire, n'existe donc pas pour eux;

Que, vainement le capitaine Ersa prétend exciper de l'obligation qu'aurait prise le sieur Bodin, consignataire, envers les sieurs Granier frères, porteurs du billet de grosse souscrit par le capitaine, la somme que ceux-ci réclamaient de lui d'après le règlement de Bastia;

de

payer

Car, les porteurs du billet de grosse ayant le droit de contraindre le consignataire au paiement intégral de l'emprunt contracté par le capitaine, la promesse faite par le consignataire de payer la portion qui lui en était réclamée, n'entraînait pas nécessairement la renonciation du droit qu'il conservait contre le capitaine d'exiger de celui-ci relèvement et garantie de tout ce que le consignataire serait tenu de payer à raison de l'emprunt dont il s'agit contracté pour la réparation des avaries particulières au corps du navire, sauf toutefois, le rè

glement légal de la contribution du consignataire à l'avarie commune;

Que le sieur Bodin a si peu entendu renoncer à son droit contre le capitaine qu'il lui a formellement manifesté, dès son arrivée à Marseille, une intention contraire en lui refusant le paiement de son nolis ;

Que la contribution de la marchandise aux avaries communes constatées à Bastia ne peut donc être déterminée que par un règlement fait à Marseille, lieu du déchargement, par un expert réparti teur à nommer par le tribunal;

Mais que si le document venu de Bastia, invoqué par le capitaine, pouvait être envisagé comme un règlement d'avaries communes et être obligatoire pour le sieur Bodin, il devrait être relevé par ses assureurs de toute contribution à ces avaries.

En conséquence le sieur Bodin demande par ses conclusions:

1o Acte de la déclaration qu'il fait d'être prêt à payer au capitaine Ersa le nolis qui lui est dû et sa contribution aux avaries communes, d'après le règlement judiciaire à faire à Marseille, et à la charge, par le capitaine, de le faire libérer préalablement de toute action relative au billet de grosse dont il s'agit, et, au bénéfice de cette déclaration, rejet de la demande du capitaine;

2o Reconventionnellement, condamnation contre le capitaine à relèvement et garantie envers le sieur Bodin de toutes les sommes qu'il sera tenu de payer en sa qualité de consignataire pour le mon

tant du billet de grosse; toujours sous l'offre de sa contribution aux avaries communes, d'après le rè glement à faire;

3o Garantie de la part des assureurs de toutes contributions aux avaries communes, qui pourraient être imposées au sieur Bodin en vertu, soit du règlement de Bastia, soit du règlement à faire à Marseille.

Les assureurs soutiennent, quant aux prétendues avaries communes, qu'elles ne sont nullement justifiées, qu'ils n'ont reçu, à cet égard, aucune communication de pièces; ils déclarent, toutefois, ne point s'opposer à la nomination d'un expert répartiteur pour procéder, s'il y a lieu, à un règlement d'avaries communes, sous réserve des droits des parties, et, au bénéfice de cette déclaration, ils demandent que le sieur Bodin soit déclaré non-recevable et sans action.

JUGEMENT.

Attendu que le premier chef de la demande du capitaine Ersa tendant au paiement du nolis, ne peut être l'objet d'aucune condamnation, puisqu'il est offert par le sieur J.-C. Bodin;

Attendu, quant au deuxième chef de la demande du capitaine, que le règlement d'avaries sur lequel il repose a été fait par un juge incompétent, sans le concours et le consentement du chargeur; qu'il est donc, quant au sieur Bodin, consignataire de la cargaison, res inter alios acta;

Qu'il est, en effet, de principe, posé par l'art. 414 du code de commerce, qu'en matière de règlement d'avaries communes, le seul juge compétent est celui du lieu du déchargement;

Que ces principes ne sont pas méconnus par le capitaine,

sa

mais qu'il soutient que le sieur Bodin; en s'engageant par lettre du 24 avril dernier, envers les sieurs Granier frères, à. payer la somme de 2,096 fr. 37 c., montant de la quotité le concernant, d'après ledit règlement, sur l'emprunt à la grosse fait par le capitaine à Bastia, aurait acquiescé au susdit règlement et se serait, en conséquence, rendu non-recevable à l'attaquer; qu'il s'agit donc d'examiner jusques à quel point cette fin de non-recevoir peut être fondée;

Et sur ce, attendu qu'il est établi par les pièces produites et les explications fournies à l'audience par les sieurs Granier frères, qu'ils ont eu, dans cette affaire, deux qualités bien distinctes; celle de porteurs du billet de grosse et celle de recommandataires du capitaine Ersa;

Que, d'après ce qui a été reconnu à l'audience par les sieurs Granier frères, ce ne serait que postérieurement à leur lettre du 23 avril au sieur C. Bodin, qu'ils seraient devenus les recommandataires du capitaine;

Que, dès lors, ce ne peut être qu'en leur qualité de porteurs du billet de grosse, que lesdits Granier écrivirent au sieur Bodin la susdite lettre du 23 avril, en réponse à laquelle celui-ci prit l'obligation, envers eux, de payer, après l'entier déchargement de la marchandise, la quotité lui compétent sur le billet de grosse dont ils étaient porteurs; d'après, y est il dit, le rapport des experts nommés par le tribunal de commerce de Bastia;

Attendu que ce n'est qu'en argumentant de ces dernières expressions, que le capitaine Ersa a pu prétendre que le sieur Bodin s'est rendu non-recevable à demander un nouveau ́règlement; mais qu'il est de principe, en droit, que la renonciation à un droit que l'on tient de la loi ne se présume pas et doit être expresse;

Que, dans l'espèce, la lettre dont le capitaine Ersa voudrait se faire un titre contre le sieur Bodin, ne contient aucune renonciation des droits de celui-ci, contre le capitaine et qu'aug

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