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civile, et une sentence étrangère, non revisée en France, peutelle y avoir ce caractère et remplir la condition dudit article? 4° Les assureurs sont-ils recevables et fondés à prétendre que Milliot aurait fait l'aveu de la fausseté de l'expédition;

5o La fausseté de ladite expédition et des pièces la constituant, n'a-t-elle pas formé la question principale jugée par les arrêts attaqués par requéte civile, et par celui qui a rejeté l'inscription de faux; cette fausseté prétendue n'a-t-elle pas été repoussée par ces arrêts, et est-il permis, sous prétexte de requête civile, de remettre en question la chose définitivement jugée ?

ARRÊT.

Sur les conclusions conformes de M DESOLLIERS, premier avocat général;

Attendu qu'il est avoué par les parties que plusieurs des assureurs sont décédés antérieurement à la citation en requête civile, et qu'il a lieu, par conséquent, d'annuler cette citation, en ce qui concerne lesdits assureurs décédés, soit qu'elle ait été donnée en leur nom ou au nom de leurs héritiers collectivement, sans aucune désignation individuelle, ce qui constitue pour ces derniers une violation des dispositions de l'art. 61 du code de procédure civile;

Et en ce qui concerne les autres demandeurs en requête civile, et d'abord, quant à la fin de non-recevoir tirée de ce qu'ils ont signifié leur requête plus de trois mois après la date de l'arrêt du sénat dirigeant de Saint-Pétersbourg, déclaratif du faux sur' lequel ils appuient leur requête civile;

Attendu que l'appréciation de cette fin de non-recevoir oblige déjà d'examiner la valeur, en France, des jugemens rendus à l'étranger, puisqu'il s'agit de savoir si l'arrêt du sénat de Saint-Pétersbourg a pu, par sa prononciation seule, ou soit par sa date, faire courir, en France, la délai fatal d'une action;

Et à cet égard, attendu que les jugemens rendus en pays étrangers ne sont susceptibles d'aucun effet en France, tant qu'ils n'ont pas été déclarés exécutoires par les tribunaux français; qu'il s'ensuit, par une première application de ce principe, qui servira aussi à juger le fond, que l'arrêt de SaintPétersbourg n'ayant pas été déclaré exécutoire en France, n'a pas fait courir le délai de trois mois fixé par l'art. 488 du code de procédure civile, et qu'ainsi, la fin de non-recevoir n'est pas fondée.

Quant au fond :

Attendu que la loi, en ouvrant la voie de la requête civile

lorsqu'il a été jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses, depuis le jugement, n'a entendu parler que d'une déclaration qui met le faux au-dessus de tout doute et à l'abri de toute contestation; que tel n'est pas le caractère d'un jugement rendu à l'étranger, qui, d'après les principes du droit, n'a force et valeur en France, qu'autant qu'il a été, après examen, sanctionné et rendu exécutoire par un tribunal français;

Que si, lorsqu'il s'agit d'une simple constatation de fait matériel, la force des choses oblige quelquefois, en matière commerciale surtout, à se contenter de procès-verbaux dressés par des officiers publics étrangers, il faut remarquer d'abord que ces actes sont admis, seulement, comme élémens de la conviction du juge français sur un point remis à sa décision, et, en second lieu, que la condamnation pour faux prononcée contre Milliot, français, par le sénat dirigeant de Saint-Pétersbourg, en appréciation d'une longue et volumineuse procédure criminelle, ne peut, en aucune façon, être assimilée à la simple constatation d'un fait matériel;

Attendu qu'en matière de requête civile, la preuve du faux sur lequel elle est motivée, doit être préexistante et complète; que ce double caractère manque lorsque la déclaration du faux 5 est émanée d'un juge étranger; que si la cour admettait la requête civile qui lui est présentée, son arrêt renfermerait en réalité deux décisions qui, d'après nos lois de procédure actuelles, ne doivent jamais être jointes; en effet, il déclarerait, d'abord, le faux en France par adoption et consécration, en cette partie du moins, de l'arrêt du sénat de Saint-Pétersbourg; et cette déclaration de faux devenue ainsi l'œuvre de la cour, serait au même instant admise par elle comme ouverture de requête civile, confusion qui pouvait avoir lieu sous l'empire de l'ordonnance de 1667, mais qui est manifestement proscrite› par l'art. 480, no 9, du code de procédure civile;

Attendu, quant à la reconnaissance du faux ou aveu prétendu fait par Milliot, dans le cours de la procédure criminelle qu'il a subie en Russie, que cet aveu n'est nullement établi ni par les pièces de ladite procédure, ni par aucune autre;

LA COUR annule la citation en requête civile en ce qui concerne les assureurs décédés, et quant aux autres demandeurs en requête civile, sans s'arrêter à la fin de non-recevoir proposée par Boy de la Tour frères et comp., rejette ladite requête civile au fond et condamne les assureurs à l'amende et aux dépens.

Du 8 février 1839. --Cour royale d'Aix, première chambre. Prés. M. PATAILLE, P. P. - Plaid. MM. PERRIN, pour Boy de la Tour; DE LABOULIE fils pour les Assureurs.

Commissionnaire. Pays étranger.- Commettant. -Action.Compétence.

Le négociant français qui a donné commission à une maison de commerce composée de français, mais établie dans un pays étranger où se trouve un consul français, peut-il, à raison de cette commission, assigner son commissionnaire devant les tribunaux français? (Rés. nég. ) Dans de telles circonstances, les tribunaux français sont-ils incompetens, quoique l'un des membres de la maison commissionnaire soit résidant en France et yreçoive la citation donnée par le commettant? (Rés. aff.)

L'incompétence doit-elle étre reconnue, même dans le cas où la maison commissionnaire a promis au commettant de lui tenir compte du produit de son opération, en remises payables au lieu du domicile de celui-ci? (Rés. aff.)

(Cheillant contre Philip, Alexandre et comp.)

LE sieur Cheillant, négociant à Toulon, avait expédié des marchandises aux sieurs Philip, Alexan dre et comp., négocians français établis à Athènes, avec mandat de les vendre pour son compte.

Quelque temps après, les sieurs Philip, Alexandre et comp. annoncent au sieur Cheillant la vente d'une partie de ses marchandises et une prochaine remise de mille francs.

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Le sieur Philip, l'un des membres de cette maison, fait ensuite un voyage à Marseille, sa ville natale.

Le 17 octobre 1836, le sieur Cheillant assigne les sieurs Philip, Alexandre et comp., en la personne du sieur Philip, leur représentant, devant le tribunal de commerce de Marseille.

Il demande paiement de la somme de mille francs, montant de la remise annoncée, et reddition de compte du restant de ses marchandises.

Le sieur Philip, pour sa raison de commerce Philip, Alexandre et comp., décline la juridiction du tribunal de commerce de Marseille, sur le motif qu'en leur qualité de commissionnaires établis à Athènes, ils ne peuvent être distraits du tribunal du lieu de leur établissement et qu'un agent consulaire français, ayant juridiction entre français, existant à Athènes, c'est devant ce consulat que la demande aurait dû être portée.

Le sieur Cheillant, de son côté, soutient que la juridiction des consuls français dans les pays étrangers est bornée aux contestations qui s'élèvent entre français résidans ou de passage dans le lieu où le consulat est établi et ne peut être étendue aux procès qui peuvent exister entre une maison de commerce établie en France et une maison établie en pays étranger;

Que, dans la circonstance actuelle, le déclinatoire est d'autant plus mal fondé, que le sieur Philip, un des membres de la maison d'Athènes, n'a jamais cessé d'avoir son domicile légal à Marseille; qu'il y

résidait même depuis assez longtemps lorsque la citation du sieur Cheillant lui a été signifiée, et qu'ainsi, il a été assigné devant le tribunal de son propre domicile;

Qu'il a pû être cité personnellement devant ce tribunal, puisqu'il est solidairement tenu avec le sieur Alexandre, son associé, de la dette de leur maison envers le sieur Cheillant;

Qu'enfin, le tribunal de commerce est compétent sous le double rapport du domicile du défendeur et du lieu du paiement, puisque la maison Philip, Alexandre et comp. devait tenir compte du produit des marchandises expédiées par Cheillant, en remises sur Marseille.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est constant, en fait, que les sieurs Philip, Alexandre e comp. sont français et ont un établissement de commerce à Athènes, où est le siége de leur société;

Que c'est comme commissionnaires et comptables des marchandises à eux expédiées par le sieur Cheillant, pour être vendues pour son compte, qu'ils sont actionnés devant le tribunal;

Attendu que, hors le cas de convention contraire, le commissionnaire n'est justiciable que du juge de son domicile et que, dans la circonstance, l'on ne peut considérer comme une dérogation à ce privilége la promesse faite par Philip, Alexandre et comp. de faire compter au sieur Cheillant une somme de mille francs, à valoir sur le produit de sa marchandise; qu'en effet, ce n'est là qu'une remise qui entre dans l'exécution du mandat;

Attendu qu'aux termes de l'art. 59 du code de procédure civile, toute action formée contre une société peut être portée

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