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néanmoins aux assureurs tous leurs droits et moyens pour les faire valoir ainsi qu'il appartiendra.

Enfin, le 30 août 1833, arrêt définitif, sur le fond, qui valide le délaissement et condamne les assureurs au paiement des sommes assurées.

Le 25 mars 1835, arrêt de la cour de cassation, qui rejette le pourvoi émis par les assureurs, contre l'arrêt de la cour d'Aix du 30 août 1833 (1).

Dans l'intervalle de ces derniers arrêts, les assureurs ayant repris pour leur compte, en Géorgie, les poursuites antérieurement dirigées contre Milliot et autres de la part des sieurs Boy de la Tour et abandonnées, voici les décisions intervenues.

Le 31 juillet 1834, jugement rendu par le tribunal d'arrondissement de Tiflis, qui déclare la culpabilité de Milliot;

Le 22 décembre 1834, sentence conforme de la chambre des enquêtes de Géorgie;

Enfin, le 15 septembre 1836, sentence confirmative du sénat dirigeant de Saint-Pétersbourg portant: ..... « Le sénat-dirigeant, trouvant que les recherches faites à ce sujet ne laissent aucun doute que, ni brick San-Nicolo, ni cargaison, n'ont jamais existé et ne sont que la malveillante conception de Milliot pour se procurer un moyen facile de rece voir de l'argent de ladite maison Boy de la Tour; considérant que Milliot s'est rendu coupable de vol, de faux et d'escroquerie, le condamne au knout et l'envoie en Sibérie. >>

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(1) Voy. ce Recueil, tom. XII, Ire part., pag. 289, et tom XV, I part., pag. 102

Par la même sentence, Scheweitzer et Pluvinet, impliqués dans l'affaire, sont bannis des états russes, et des dommages-intérêts sont réservés aux poursuivans contre Gamba, mort à cette époque.

Le 14 février 1837, le consul russe à Marseille donne connaissance officielle de cette sentence aux assureurs et aux sieurs Boy de la Tour.

Le 2 mai 1837, les assureurs se pourvoient, par requête civile auprès de la cour royale d'Aix contre les arrêts des 27 août 1830 et 30 août 1833.

Ils demandent la rétractation de ces deux arrêts, et par suite, la restitution des sommes payées aux sieurs Boy de la Tour.

La requête est appuyée d'une consultation qui présente pour seul moyen, la prétendue fausseté des pièces produítes comme justificatives du chargement et de la perte, fausseté qui, d'après la consultation, aurait été suffisamment constatée et déclarée, aux termes de l'art. 480, no 9, du code de procédure civile, par la sentence russe.

La cause est donc de nouveau liée devant la cour entre les assureurs et les sieurs Boy de la Tour.

Les assureurs représentent la volumineuse procédure russe qu'ils ont fait venir et traduire, et à la suite de laquelle sont intervenues les trois sentences de condamnation précitées.

L'on retrouve dans cette procédure tous les documens produits lors des arrêts de la cour d'Aix; ces arrêts eux-mêmes y sont mentionnés, ainsi que divers interrogats et de nombreux documens d'instruction dont auparavant, on n'avait pas eu connaissance,

Les assureurs soutiennent que la sentence russe, quoiqué rendue par des magistrats étrangers et ne pouvant recevoir d'exécution en France, doit, cependant, être admise comme preuve d'une vérité de fait. Ils citent à cet égard l'opinion d'Emérigon, tom. rer, chap. 4, sect. 8, § 2; « Quoique les jugegemens rendus par les tribunaux étrangers, dit cet auteur, n'aient aucune autorité contre les français, cependant, les enquêtes prises et autres preuves, dûment authentiquées par le juge étranger, sont admises parmi nous dans les affaires civiles concernant le commerce. Ainsi jugé par arrêt du 16 décembre 1745. » Il s'agissait d'une enquête prise par le juge de Nice, au sujet de certaines balles de laine mouillées. Il a été rendu plusieurs autres jugemens semblables.

Les assureurs citent, en outre, un arrêt de la cour d'Aix du 28 mars 1822, rendu entre un sieur Garrano, napolitain, et des assureurs de Marseille, dans une espèce où les pièces qui avaient servi de base à une condamnation prononcée par cette cour contre les assureurs, avaient été déclarées fausses la cour de Naples.

par

La cour d'Aix, sur la représentation de cette sentence étrangère, admit la requête civile des assureurs, par les motifs suivans:

<< Attendu que, par là, la cour n'entend nullement porter atteinte au grand principe du droit public qui refuse aux jugemens rendus à l'étranger toute force d'exécution en France; que l'arrêt de la cour de Naples n'est point ici considéré comme

décision judiciaire, obligatoire pour les tribunaux français; mais seulement comme acte déclaratif d'un fait duquel résulte, nécessairement, la fausseté des pièces dont il s'agit; qu'ainsi se trouve rempli le vœu de l'art. 480, § 9, du code de procédure civile, d'après lequel les pièces qui ont déterminé l'arrêt attaqué doivent avoir été déclarées fausses, sans que la loi ait prescrit, ni limité les formes. possibles de la déclaration; qu'en effet, il serait éminemment contraire à l'intérêt du commerce, dont les relations s'étendent nécessairement à l'étranger, qu'on dût s'interdire de prendre les preuves déclaratives de la fausseté de semblables pièces dans les actes ou titres qui les contiennent, par cela seul que ces actes ou titres seraient émanés d'un juge étranger.

Les assureurs soutiennent enfin, qu'il résulte des interrogats de Milliot, en Géorgie, qu'il avait fait l'aveu de la fausseté de l'expédition. Ils deman-` dent la restitution des sommes par eux consignées, conformément à l'art. 494 du code de procédure civile: (300 fr. pour amende et 150 fr. pour dommages-intérêts).

Les sieurs Boy de la Tour frères et comp. soutiennent, de leur côté, d'abord :

Que la requête civile est nulle en ce qui concerne plusieurs des assureurs, décédés avant sa présentation :

10 Que le prétendu aveu de Millot n'existait pas; 2° Qu'on ne prétendait trouver cet aveu que dans

un interrogat antérieur de quatorze mois à l'arrêt de la cour du 30 août 1833;

3° Que ce moyen, n'étant pas dans la consultation, il ne pouvait être présenté (art. 498 du code de procédure civile);

Qu'en droit, le faux n'est un moyen de requête civile, qu'autant qu'après l'arrêt attaqué, et préalablement à la requête, il a été reconnu par la partie à laquelle on l'oppose, ou déclaré par un jugement ayant force exécutoire en France;

Que la requête civile des assureurs n'est pas recevable, parce qu'elle a été formée plus de trois mois après la sentence russe, en supposant que cette sentence pût servir à constater en France le prétendu faux ;

Enfin, que la requête est mal fondée, parce que la sentence russe dont il s'agit n'est, en France, qu'une simple attestation qui peut être contestée, et qu'elle n'y a pas la force d'un jugement.

QUESTIONS Soumises à la Cour :

10 Plusieurs des assureurs étant décédés avant la requête civile, faite en leur nom, cette requête et la citation qui l'a suivie, ne sont-elles pas nulles?

2o En supposant que la sentence russe dont il s'agit, pût remplir la condition de l'art. 480, $ 9, du code de procédure civile, la requête civile ne serait-elle pas irrecevable pour avoir été présentée plus de trois mois après la sentence?

En d'autres termes, le délai de trois mois de l'art. 488 court-il à dater du jour ou le faux a été déclaré par jugement, ou bien de celui seulement où ce jugement a été signifié à l'impétrant?

3o En droit faut-il, d'après ledit art. 480, no 9, un jugement qui ait rendu le faux certain préalablement à la requête

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