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lettre de change dont il s'agit; que les sieurs Boulet ef comp. peuvent d'autant moins se refuser un paiement, qu'ils ont promis bon accueil à la traite; enfin, qu'après une telle promesse, il ne peut dépendre d'eux de changer l'application des fonds destinés à être la provision de cette traite et de les confondre dans leurs autres comptes avec le tireur, au préjudice du privilége du preneur.

JUGEMENT.

Attendu que la réserve de bon accueil exprimée par Boulet et comp. dans leur lettre du 24 juillet dernier, en réponse à celle du 18 dudit de Salvator Turi, annonçant la traite de fr. 7,193 88 c. dont il s'agit, ne saurait suppléer l'acceptation exigée par l'art. 122 précité;

Attendu qu'aux termes de l'art. 116 également précité, pour qu'il y ait provision, il faut qu'à l'échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est fournie soit redevable au tireur, d'une somme au moins égale au montant de la traite;

Qu'il résulte du compte-courant de Salvator Turi avec Boulet et comp., qu'à l'époque du 25 septembre, échéance de la lettre de change dont Casassa et Morbilli sont porteurs, Boulet et comp. ne devaient à Salvator Turi qu'une somme qui était loin d'atteindre le montant de ladite lettre de change; Attendu qu'il est de rêgle en commerce, qu'entre deux négocians qui sont en compte courant, toutes leurs opérations viennent se fondre dans ce compte, et leur position respective ne peut être établie qu'à la suite de son apurement;

Qu'il faut distinguer entré le privilége du porteur d'une lettre de change sur la provision, à l'encontre de la masse des créanciers du tireur, et les droits du tiré, résultans de son compte avec le tireur;

Que si, dans le premier cas, le privilège du porteur serait fondé, il ne saurait en étre de même, dans le second, par la

raison qu'à l'encontre du tiré, il n'y a réellement provision en ses mains que là où ce compte le présente débiteur du tireur; à l'époque de l'échéance de la lettre de change;

Attendu qu'en prenant de Salvator Turi, la traite dont il s'agit, Casassa et Morbilli n'ont fait confiance qu'à Turi, puisqu'ils ne connaissaient pas la lettre, du 24 juillet, de Boulet et comp.;

Attendu que Boulet et comp. se sont reconnus débiteurs de Salvator Turi d'une somme de trois mille trois cent soixantecinq francs vingt-huit cent. qu'ils ont offert de payer; que, néanmoins, ce solde n'étant pas établi contradictoirement avec Salvator Turi, il ne peut être admis que d'une manière provisoire et sanf règlement entre les parties.

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter à la demande des sieurs Casassa et Morbilli, déclare l'offre faite par Boulet et comp. de leur compter, en déduction et à compte de la lettre de change dont il s'agit, la somme de trois mille trois cent soixantecinq francs vingt-huit cent., dont ils se reconnaissent debitenrs de Salvator Turi, et à la charge, toutefois, de réaliser ladite offre, déboute lesdits Casassa et Morbilli du surplus de leur demande avec dépens, sauf et réservé aux parties tous leur droits en tant que le règlement de leur compte ne justifierait pas le solde du chiffre dont Boulet et comp. se reconnaissent débiteurs à ladite époque.

Du 18 janvier 1839. Prés. M. RABAUD AINE, chevalier de la Légion-d'Honneur. - Plaid. MM. ALBANÉLY, pour Casassa et Morbilli; DUFAUR, pour Boulet.

Appel de la part de Casassa et Morbilli devant la cour royale d'Aix.

ARRÊT INFIRMATIF.

Attendu que Boulet et comp. et Turi avaient fait en participation l'opération dont il s'agit, portant sur une partie de soie

achetée à Naples par Turi, en part pour un tiers, et expédiée à la vente, à Marseille, à Boulet et comp., participant pour les deux autres tiers;

Attendu qu'avec la facture d'achat, est parti pour Marseille l'avis d'une disposition de Turi, à l'ordre de Casassa et Morbilli, qui se composait de la totalité de l'avance faite par Turi pour Boulet et comp., et de la majeure partie du tiers auquel le tireur avait à pourvoir pour lui-même, en tout 7,193 fr. 88 c.;

Que Casassa et Morbilli sont réputés n'avoir avancé la contre-valeur de cette traite qu'après s'être assurés que la marchandise dont leurs fonds venaient sans doute d'effectuer le paiement, partait pour aller servir d'aliment à la disposition qui les remboursait;

Que, par ce moyen, cette provision devenait leur gage, leur bien, il n'appartenait ni à Turi, ni à Boulet et comp. de les en priver, de la divertir pour tout autre usage: 5,193 fr. 88 c. étaient la dette de Boulet et comp. eux-mêmes; ils acquittaient leur part d'intérêt dans l'opération, d'où il suit qu'au moins pour cette portion, ces derniers ne pouvaient répondre à l'avis de la disposition autrement que par la promesse d'y faire face;

Attendu que, cette promesse, ils l'ont faite par leur lettre du 24 juillet dernier, pour le montant total de la traite dont Casassa et Morbilli sont porteurs; que, dès ce moment leur engagement a été irrévocable et ne saurait plus dépendre de l'énoncé de l'acceptation sur la traite même; que les appelans possesseurs de la lettre précitée, du 24 juillet, ont négligée;

Attendu que l'art. 116 du code de commerce, en faisant dépendre l'obligation de payer, de la provision à l'échéance, est loin d'autoriser son détournement lorsqu'elle est entièrement faite. Elle est ici arrivée à Boulet en même-temps que l'avis de la lettre de change tirée à 70 jours, dans le seul objet de leur laisser toute faculté de réaliser l'argent nécessaire pour la payer au moyen de la vente de la marchandise.

LA COUR infirme, et condamne Boulet et comp. au paiement

Intégral de la lettre de change dont il s'agit et de tous accessoires, avec dépens (1).

Du 13 avril 1839.- Cour royale d'Aix, 1 chambre.-Prés. M. PATAILLE P.-P.- Plaid. MM. MoUTTE, pour Casassa et Morbilli; PERRIN, pour Boulet et C.

Marchandise chargée.

Prohibition.

-Capitaine. Dommages-intérêts.

Douane.

Le capitaine obligé, sur l'injonction de la douane, de débarquer une marchandise chargée à son bord, dont la sortie pour le lieu de destinatioa du navire est prohibée, a-t-il droit d'être indemnise, sur la marchandise, des obstacles et des retards que son expédition éprouve par suite de cette mesure? (Rés. aff.)

Son action pour obtenir cette indemnité, est-elle utilement dirigée contre celui qui a souscrit le connaissement, quoique la marchandise ait été chargée et expédiée pour compte et aux risques d'un tiers, et sans qu'il soit nécessaire d'appeler celui-ci en cause ? (Rés. aff.)

Dans de telles circonstances, et d'après le refus que fait celui qui a signé le connaissement de retirer la marchandise, doit-elle étre débarquée et reçue par un tiers-consignataire nommé d'office et chargé de payer au capitaine le fret et les dommages-intérêts qui lui sont dus?) Rés. aff.)

(1) Voy. ce Recueil, tom. XIV, 1re part., pag. 304 et 306 et tom. XVII, 1 part., pag. 327.

(Rogliano contre Tourrette ).

EN février 1837, le sieur Tourrette, négociant à Marseille, charge à bord de la goëlette la Constance, commandée par le capitaine Rogliano, 12,239 kilogrammes écorces noires de chêne vert en grenier, à consigner à Bastia aux sieurs Lazzarotti frères, pour compte et aux risques de qui cette marchandise ést embarquéé.

Le 7 février, la douane de Marseille enjoint au capitaine Rogliano de débarquer et remettre à terre lés écorces dont il s'agit, attendu que la sortie de cette marchandise pour la Corse est prohibée, aux termes de l'art. 67 de la loi du 8 floréal an x1 (28 avril 1803), relative aux douanes, et, jusqu'à la mise à terre, la douane refuse au capitaine toute expédition.

Le même jour, le capitaine Rogliano assigne le sieur Tourrette devant le tribunal de commerce; il demande que celui-ci soit tenu, dans le jour de la prononciation du jugement à intervenir, de faire. débarquer à ses frais la partie écorces dont il s'agit et condamné à payer, 1o le fret et chapeau en entier; 2o les dommages-intérêts soufferts par le navire par suite des retards qu'il éprouve, à raison de cent francs par jour, à compter du 7 février, jusqu'à l'ențier débarquement; et à défaut par le sieur Tourrette de procéder de suite au débarquement, le capitaine requiert la nomination d'office d'un tiers-consignataire chargé de l'effectuer pour compte de qui il appartiendra, aux frais de la marchandise et à la charge de payer le fret et chapeau, les

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