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blé, chargées à bord du navire la Colombe, commandé par le capitaine Beaumier, de sortie de Galatz à Marseille.

Le 23 juin suivant, le navire la Colombe part de

Galatz.

Le 24, il échoue à Toultza, dans le Danube.

Là, on est obligé, pour relever le navire, de débarquer la cargaison déjà fortement endommagée par l'eau qui s'était introduite dans le navire.

- Le navire est conduit à Coulina où il reçoit les réparations les plus urgentes; il reprend ensuite sa route, et le 29 juillet, il arrive à Constantinople, atteint d'une voie d'eau considérable.

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Le 31 juillet, des experts nommés par l'ambassadeur de France, à la requête du capitaine, visitent le navire et sa cargaison en présence d'un curateur nommé d'office pour représenter les assu

reurs.

Les experts constatent que le chargement blé est dans un état d'avarie tel, qu'on ne peut le transporter plus avant, sans l'exposer à une perte totale.

Le 8 août, l'ambassadeur ordonne la vente du blé aux enchères publiques.

Les 8, 21 août et 3 septembre, cette vente est effectuée en chancellerie, et son produit brut s'élève à 9,133 fr. 68 c.

Par suite de la vente ainsi opérée, le capitaine est autorisé par sentence du tribunal de l'ambas sade de France, à terminer son voyage à Constantinople, et le nolis proportionnel qui lui est dû, pour

le transport de la marchandise jusqu'à Constantinople, est fixé à 6,039 fr.;

Enfin, le capitaine forme, devant le même tribunal une demande à fins de règlement d'avaries

communes.

Le 22 octobre 1838, sentence qui règle les avaries et fixe la contribution de la cargaison à l'avarie commune à 812 fr. 15 c.

En définitive, et prélèvement fait des frais de vente, du nolis proportionnel, et de la contribution à l'avarie commune, la valeur du chargement blé dont il s'agit, se trouve réduite à 1,265 fr. qui sont déposés à la chancellerie de l'ambassade de France.

Le 27 septembre, le sieur Petrocochino fait délaissement à ses assureurs, et les assigne en paiement de la somme assurée.

Il se fonde sur la vente qu'on a été forcé de faire, à Constantinople, des blés assurés, devenus hors d'état de continuer le voyage, à la suite de l'échouement du navire et de la voie d'eau qu'il avait éprouvée.

A l'appui de son délaissement, le sieur Petrocochino produit et communique aux assureurs le livre de bord du capitaine Beaumier, les procèsverbaux d'expertise, et les sentences rendues par le juge-commissaire nommé par l'ambassadeur. français à Constantinople.

Les assureurs contestent le délaissement, soit parce que l'assuré ne produit aucun consulat du capitaine, pièce essentielle pour justifier des évé

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nemens de mer qui ont donné lieu à la perte, soit parce qu'il résulte même des pièces produites par l'assuré, pièces, d'ailleurs, que les assureurs ne reconnaissent pas être obligatoires pour eux, que la perte ou détérioration matérielle des blés assurés ne s'est pas élevée aux trois quarts de leur valeur totale, ce qui ne permet pas à l'assuré de se placer dans le cas de délaissement prévu par l'art. 369 du code de commerce.

Les assureurs soutiennent que la perte des trois quarts dont parle cet article, s'entend, d'après les auteurs et la jurisprudence d'une perte ou détérioration réelle et matérielle, des trois quarts de la valeur brute de l'objet assuré, abstraction faite de tous frais faits pour parvenir à son recouvrement et en opérer la vente;

Que, dans l'espèce, l'événement arrivé aux blés assurés et à la suite duquel l'assuré prétend avoir été entièrement privé de sa marchandise est un simple cas d'avarie qui pouvait donner lieu à règlement entre lui et ses assureurs, mais seulement lors de l'arrivée de la marchandise à Marseille; or, que cette arrivée à destination n'ayant pas eu lieu et l'assuré ne fournissant aucune preuve légale soit des événemens de mer qui ont causé la détérioration des blés, soit de la nécessité où l'on a été de les vendre, les assureurs ne sont tenus, envers lui, d'aucune indemnité.

Parmi les décisions que les assureurs citent à l'appui de leur défense, ils invoquent le jugement

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1

rendu le ao février 1817, dans l'affaire entre le sieur Sonsino et ses assureurs (1).

L'assuré répond: .

Quant à l'absence d'un consulat : que cette pièce n'est pas indispensable pour prouver le sinistre, s'il est d'ailleurs justifié par d'autres preuves; que telle est l'opinion des auteurs, consacrée par jurisprudence (2).

la

Quant à la perte de l'objet assuré:que la question du procès n'est pas de savoir quelle a été la détérioration réelle et matérielle des blés dont il s'agit; que ce n'est pas sur ce motif que le sieur Petrocochino a fondé son délaissement, mais bien sur l'impossibilité constatée où l'on a été en cours de Voyage et par suite de fortunes de mer, d'acheminer les blés à leur destination, d'où il est résulté, pour l'assuré privation absolue, perte entière de l'objet assuré; que, dès lors, peu importe, dans de telles circonstances, quel a été le produit de la vente forcée qui a eu lieu; que ce produit, quel qu'il soit, n'est qu'un sauvetage légal devenu, par l'effet du délaissement, étranger à l'assuré ;

Que tout se réduit donc, dans l'espèce, à examiner, 1o si le fait sur lequel le délaissement est fondé et suffisamment prouvé; 2° si ce fait est de nature à autoriser le délaissement.

(1) Voy. ce Recueil, tom. 1er, 1re part., pag. 303. Voy. aussi tom. XVII, 1re part., pag. 57.

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(2) Voy. ce Recueil, tom. v, 1re part., pag. 217; tom, vi, tre part., pag. 193; tom. VII, 2me part., pag. 17; tom, VII, ame part., pag. 81; tom, XVII, Ire part., pag. 78.

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Or, sur le premier point, que les pièces produités l'assuré établissent de la manière la plus probante, que la marchandise assurée n'a pu, attendu son mauvais état, être rendue à destination et que 'cette impossibilité est provenue de fortunes de

mer;

:

Et sur le second point, c'est-à-dire, sur le droit résultant pour l'assuré du fait ainsi établi que l'assuré s'étant trouvé privé de sa marchandise par suite de fortunes de mer, il y a eu, pour lui, perte entière et qu'il a été, dès lors, fondé à faire délaissement à ses assureurs, aux termes de l'art. 369 du code de commerce.

Le sieur Petrocochino cite, en sa faveur, plusieurs décisions qui ont consacré en principe que la non arrivée de l'objet assuré au lieu de la destination, par suite de fortunes de mer, constitue une perte donnant ouverture à délaissement (1).

JUGEMENT.

Attendu que, quoiqu'en règle générale, le consulat soit la pièce légale pour faire preuve des événemens de la navigation, néanmoins, la représentation de ce document n'est pas tellement indispensable, que la preuve des événemens ne puisse étre faite au moyen d'autres pièces;

Que la loi, art. 383 et 384 du code de commerce, en se servant des expressions génériques actes justificatifs, attestations, a voulu laisser, quant à la preuve du sinistre, toute Jatitude à l'assuré ?

Qu'il suffit, en effet, que la justice puisse trouver dans les

(1) Voy. ce Recueil, tom. iv, 1'e part., pag. 89; tom. Ix, are part., pag. 289; tom. x, 2me Part., pag. 33; tom. XII, 1re part., pag. 113..

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