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pièces produites, des élémens suffisans pour rassurer sa religion sur la réalité de la perte et de l'existence des événemens qui l'ont amenée, pour que l'assuré ne puisse être tenu à d'autres productions;

Attendu qu'il est établi par les pièces produites par le sieur Petrocochino, et qui ont été communiquées aux assureurs, et notamment par le livre de bord du capitaine Beaumier, les procès-verbaux d'expertise et la sentence rendue par le jugecommissaire nommé par l'ambassadeur français à Constantinople; que le navire la Colombe partit de Galatz, le 28 juin 1838, avec un chargement de blé, en destination pour Marseille,

Que le lendemain 24, il échoua à Toultza, dans le Danube, où, pour le remettre à flot, on fut obligé de décharger sa cargaison qui se trouva fortement avariée;

Que, sur l'avis des experts qui furent nommés par l'autorité locale, le navire fut conduit à Coulina, d'où, après avoir reçu les réparations les plus indispensables, il continua sa route et arriva à Constantinople le 29 juillet suivant;

Attendu qu'il est également établi par les mêmes documens, qu'à son arrivée à Constantinople, et en exécution d'un décret rendu par M. l'ambassadeur de France, le navire la Colombe et sa cargaison furent visités en présence d'un curateur nommé d'office pour représenter les assureurs;

Qu'il fut reconnu par les experts que le chargement blé était dans un état tel d'avarie, qu'on ne pourrait le transporter au lieu de sa destination, sans l'exposer à une perte totale, et qu'en conséquence, il devait être vendu;

Que, par suite de cette opinion des experts, la vente aux enchères publiques du chargement fut ordonnée par M. l'ambassadeur et effectué en la chancellerie de l'ambassade; son produit brut s'éleva à 9,133 fr. 68 c.;

Que la cargaison ainsi vendue, le capitaine Beaumier fut autorisé, par sentence du tribunal de l'ambassade, à terminer

T. XVIII.

Ire P.

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son voyage à Constantinople et fut payé du nolis dû par la marchandise à raison du voyage avancé;

Qu'enfin, il fut procédé au réglement des avaries communės d'autorité du même tribunal et le produit de la vente de la cargaison, prélèvement fait du nolis proportionnel et de la contribution du chargement aux avaries.communes, se trouve réduit net à fr. 1,268, qui furent déposés en la chancellerie de France;

Attendu qu'en l'état de ces faits, il est constant, pour le tribunal, que la vente de la cargaison blé du navire la Colombe a eu lieu à la suite d'avaries éprouvées par fortunes de mer et pour prévenir une perte totale;

Attendu, en droit, qu'aux termes de l'art. 369 du code de commerce, la perte ou détérioration des trois-quarts des objets assurés donne lieu au délaissement;

Que, d'après les auteurs et la jurisprudence, il y a perte pour l'assuré, lorsqu'il est privé de l'objet assuré par suite de fortunes de mer;

Que, si l'art. 364 du code de commerce, dans le cas d'innavigabilité du navire, autorise l'assuré à faire le délaissement lorsqu'il n'y a que privation temporaire de sa marchandise, à plus forte raison cette action doit-elle lui être ouverte lorsque, comme dans l'espèce, la privation est définitive, par la venté de la marchandise en cours de voyage

Attendu que l'obligation de l'assureur est de garantir à l'assuré l'arrivée de la marchandise au lieu de sa destination, que tous les événemens qui empêchent cette arrivée sont à la charge de l'assureur, s'ils proviennent de fortunes de mer; Attendu qu'en supposant, même dans le système des assureurs, que l'événement qui a privé le sieur Petrocochino de sa marchandise, fût un simple cas d'avarie, il suffit qu'il y ait ouverture à l'action en délaissement, pour que l'assuré ait été en droit de choisir cette dernière action.

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter aux fins et conclusions tant

principales que subsidiaires prises au nom des assureurs sur facultés dn navire la Colombe, capitaine Beaumier, faisant droit, au contraire, à la demande du sieur Petrocochino, déclare valable et valide comme tel, le délaissement par lui fait du chargement blé dont il s'agit; condamne, en conséquence,' les assureurs au procès, chacun en droit soi, au paiement de la somme de vingt-deux mille cinq cents francs par eux respectivement prise en risque, avec iutérêts et dépens.

Du premier mars 1839. Prés. M. RABAUD AINÉ, chevalier de la Légion d'Honneur. -Plaid. MM. COURNAND, pour l'assuré; MASSOL-D'ANDRÉ, pour les

assureurs.

Avarie. Réglement. - Jet. -Echouement. - Re- lâche. - Débarquement et rembarquement. Chancellerie.-Logement du capitaine. -Salaires et nourriture. - Curateur.

Les dommages résultans de l'échouement délibéré et volontairement exécuté, afin d'empêcher le navire de se briser sur des rochers, sont-ils des avaries communes? (Rés. aff.)

Lorsque le débarquement de la cargaison est opéré au lieu de la relâche, afin de pouvoir réparer le navire, les frais de déchargement, magasinage et rembarquement, sont-ils avaries communes? (Rés. aff.)

Les frais de chancellerie et des divers actes de procédure à raison de la relâche nécessitée par le besoin de réparer le navire, doivent-ils être

répartis entre l'avarie commune et l'avarie particulière? (Rés. aff. )

Les frais de logement du capitaine, à terre, pendant les réparations faites au navire, sont-ils avaries particulières, lorsque les réparations se rapportent à des dommages provenant de simples fortunes de mer, et avaries communes, lorsque les réparations ont pour objet des dommages provenant de sacrifices volontaires faits pour le salut commun? (Rés. aff.)

Dans ces dernières circonstances, si le navire a été affrété au voyage, les frais de nourriture et les salaires de l'équipage, pendant la réparation des dommages volontairement soufferts, sont-ils avaries particulières au navire? (Rés. aff.)

Les frais du curateur nommé par l'autorité, au lieu de la relâche, sont-ils un accessoire de la relâche et des formalités que les avaries souffertes par le navire ont occasionnées? (Rés. aff.) Par suite, ces frais sont-ils avaries communes, si la relâche a pour objet de réparer des avaries communes et avaries particulières, si la relâche n'a lieu que pour réparer des avaries particulières? (Rés. aff.)

le

Les marchandises débarquées en cours de voyage, après les sacrifices volontairement faits pour salut commun, doivent-elles contribuer à l'avarie commune réglée au lieu du reste? (Rés. aff. )

(Lachaud contre divers consignataires et assureurs.)

LE 25 novembre 1837, le navire la Mariette) commandé par le capitaine Lachaud, part d'Enox, près Constantinople, pour Marseille, avec un chargement composé de diverses marchandises adressées à divers consignataires.

Le même jour, à 4 heures du soir, un grain survient et fait incliner le navire à tel point qu'il est presque chaviré; l'équipage consulté décide d'amener à l'instant les huniers, le grand foc, la brigantine et de larguer les écoutes de la grande voile pour faire relever le navire; mais la violence du vent s'oppose à cette manoeuvre et le navire reste incliné; dans ce danger imminent, le capitaine et l'équipage décident, pour le bien et le salut communs, de couper les drisses des huniers, du grand foc, de la brigantine, de l'écoute et de la grande voile; cette opération faite, tout est amené en gros, mais la secousse est tellement violente, que la vergue du pic, le bout de hors du foc sont rompus en deux pièces, et les huniers, la grande voile, le grand foc et la brigantine mis en lambeaux et emportés par le vent.

Malgré ces manoeuvres, le navire ne se relève pas; le péril devenant de plus en plus imminent, le capitaine et l'équipage, dans le but d'éviter une mort certaine et de conserver le navire et la cargaison, prennent la résolution de faire jet à la mer de tous les objets appartenant au navire qui obstruent le pont ce jet est exécuté.

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