Page images
PDF
EPUB

un an,

à l'encontre des assureurs, pour justifier du bon état du navire au départ, si l'un et l'autre voyage se trouvent compris dans la ligne du grand cabotage? (Rés. aff.)

Le délaissement a-t-il à l'égard des assureurs, un effet rétroactif, en ce sens, qu'ils soient censés avoir été, dès le principe, propriétaires de la chose assurée? (Rés. aff.)

Par suite, le capitaïne est-il devenu, dès le moment du sinistre, le mandataire des assureurs, de telle sorte, que tout ce qu'il a fait ou omis de faire, ait été fait ou omis pour leur compte et à leurs risques? (Rés. aff. )

En conséquence, si le capitaine a négligé de faire procéder au réglement des avaries communes résultant de sacrifices volontaires antérieurs à la déclaration d'innavigabilité du navire, les assureurs sont-ils sans droit, à l'égard de l'assuré, pour exciper de cette négligence ou faute du capitaine, non partie au procès, et déduire du montant de la perte à rembourser la contribution à l'avarie commune qu'il n'a pas réclamée? (Rés. aff. ) Les assureurs n'ont-ils, dans ce cas, qu'une action en recours contre le capitaine? (Rés. aff.)

(Cohen contre assureurs.)

LE 6 juin 1838, le sieur Joseph Cohen fils de Samuel fait assurer à Marseille, pour compte de qui que ce puisse être, par divers assureurs de cette place, la somme de dix mille francs sur

corps, agrès et armement du navire français l'Heureuse-Victorine, évalué à cette somme, commandé par le capitaine Ferdinand-François Gibert, et appartenant aux sieurs Jean-François Gibert, père du capitaine, et autres.

Cette assurance a lieu pour deux mois de navigation dans la Méditerranée et dans l'Océan et deux mois à prorata, avec faculté de toucher et de naviguer dans toutes les rivières donnant dans lesdites mers, de dérouter, rétrogader, etc.

Les 29 mai et 2 juin, le navire l'Heureuse-Victorine, dont la destination était annoncée pour Oran, avait été visité par des experts visiteurs, et les certificats délivrés par ces visiteurs le déclaraient en bon état de navigation.

Le 9 juin, le navire part de Marseille et arrive heureusement à Oran; de là, il se rend à PortVendre.

Le 10 juillet, il remet à la voile de Port-Vendre avec un chargement de vin et esprit de vin en destination pour Rouen.

Dans ce trajet, il essuie des mauvais temps à la suite desquels il échoue sur un banc, d'où l'on ne parvient à le dégager qu'au moyen d'un forcement de voiles et de divers sacrifices d'objets de bord jetés à la mer, et de quelques futailles vin et eau-de-vie défoncées, après délibération de l'équipage, pour le bien et le salut communs.

Les dommages éprouvés par le navire atteint d'une voie d'eau, suite de l'échouement, ne lui permettant pas de tenir long-temps la mer, l'on

décide de relâcher au port le plus voisin, qui se trouve être celui de Gibraltar.

Le navire entre dans ce port le 30 juillet.

Dès le lendemain 31, le capitaine se présente au consul de France, et lui fait le rapport des événemens de sa navigation.

Le même jour, 31 juillet, le consul, à la requête du capitaine, nomme des experts pour visiter le navire et indiquer les réparations dont il a besoin.

Ces experts décident que le navire doit être déchargé et mis en carène pour qu'on puisse s'assurer des réparations qu'il y aura à lui faire.

Conformément à cette décision et avec l'autorisation du consul, la cargaison est débarquée et confiée aux soins d'un consignataire.

Ensuite, de nouveaux experts sont nommés pour reconnaître, d'après les dommages soufferts, quelles réparations sont indispensables, en faire l'évaluation approximative et déclarer la valeur du navire dans son état actuel.

Le 12 août, ces derniers experts remettent leur rapport duquel il résulte :

Que les dommages éprouvés par le navire et provenant de l'échouement se montent à 2,500 piastres fortes, outre les objets perdus évalués à 800 piastres, en tout, 3,300 piastres fortes;

Que la valeur du navire, dans son état actuel, est de 600 piastres fortes; qu'en bon état, il vaudrait 10,000 fr.,

- Et que la dépense à faire excédant cette valeur,

les experts sont d'opinion que le navire soit condamné.

Le 13 août, le consul, sur requête du capitaine, lui donne acte de sa déclaration d'abandon de son naviré et l'autorise à faire mettre aux enchères. l'entreprise des réparations indiquées par les experts.

Les enchères sont annoncées, mais aucun enchérisseur ne se présentc.

Le 18 août, le consul autorise le capitaine à faire vendre son navire,

Le 22, cette vente a lieu aux enchères publiques; le navire est adjugé pour 390 piastres fortes.

Le 19 septembre suivant, le sieur Joseph Cohen fils de Samuel, agissant pour compte de qui ce puisse être et comme porteur de la police d'assurance, signifie à ses assureurs délaissement du navire l'Heureuse-Victorine, pour cause d'innavigabilité de ce navire déclarée à Gibraltar, et il les assigne devant le tribunal de commerce de Marseille, à fins de paiement de la somme assurée. Il déclare dans son acte de délaissement qu'il n'existe sur le navire assuré qu'un billet de grosse de 600 fr., souscrit par le capitaine Gibert, pour le voyage pendant lequel le navire a éprouvé les dommages dont il s'agit.

Le sieur Cohen communique aux assureurs, à l'appui de son délaissément, toutes les pièces et documens relatifs aux évènemens qui ont amené l'innavigabilité du navire assuré. Il représente les certificats de visite délivrés au capitaine Gibért

avant le départ du navire de Marseille pour Oran. Les assureurs contestent. Ils soutiennent:

1 Que les certificats de visite représentés par l'assuré sont insuffisans, puisqu'ils n'ont été délivrés que pour le voyage du navire l'HeureuseVictorine, de Marseille à Oran, tandis que sa véritable destination, dissimulée aux officiers visiteurs, était pour Rouen, voyage plus long et plus périlleux, et à raison duquel ils auraient sans doute ordonné des réparations plus considérables; qu'il suit de là, que ces billets de visite doivent être considérés comme n'existant pas et que, dès lors, il y a présomption juris et de jure que la prétendue innavigabilité sur laquelle est fondé le délaissement est provenue du vice propre du navire;

2o Que, dans le cas contraire, c'est-à-dire, en supposant les billets de visite suffisans pour justifier du bon état du navire au départ; comme les pièces produites par l'assuré ne paraissent pas aux assureurs fournir la preuve complète de l'innavigabilité survenue en cours de voyage, ils doivent être admis, aux termes de l'art. 384 du code de commerce, à fournir la preuve contraire aux attestations de l'assuré, sauf à payer provisoirement sous caution;

3° Que dans tous les cas, les assureurs ont droit de retenir sur les sommes qu'ils pourront avoir à payer, le montant des pertes et avaries éprouvées par le navire, pour le bien et le salut communs, avant sa prétendue innavigabilité et dont le capitaine a dû poursuivre le règlement; et dans le cas

« PreviousContinue »