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compte de qui il appartiendra, la somme de 28,000 fr. sur les 4/5mes du corps du navire espagnol Marinero, capitaine Camoyano, évalué de gré à gré à 33,750 fr., de sortie de la Havane jusques à la Corogne et Cadix, moyennant la prime de 1 et 3/4 pr. cent.

Les polices contiennent la clause sur bonnes ou mauvaises nouvelles.

Le 20 juillet, le navire était parti de la Havane, et le 3 août suivant il avait péri sur le rescif du Mort, île du grand Bahama.

Le 23 janvier 1838, les sieurs Régny née Bernadac et comp. signifient délaissement à leurs assureurs, et les assignent à fins de paiement de la somme assurée.

Les assureurs opposent l'exception de réticence fondée sur ce que l'assuré ne leur avait pas fait connaître l'époque du départ du navire-assuré, bien qu'il en fût instruit, soit son commettant, lors de l'assurance.

Les assureurs soutiennent que l'époque du départ était d'autant plus essentielle à déclarer que, le 2 août 1837, un ouragan avait éclaté dans les mers des Antilles et fait périr ou endommagé plusieurs navires; que, d'ailleurs, les lettres portant l'ordre de faire assurer faisaient mention du départ du navire.

Les assurés expliquent, d'après les lettres d'ordre de leur commettant, qu'il ne s'est pas écoulé entre l'époque du départ du navire et l'ordre de faire assurer un temps suffisant pour faire présumer que

le commettant avait connaissance de la perte; qu'il n'y avait alors ni retard dans la navigation du navire, ni crainte sur son sort; que dès lors l'exception de réticence n'est pas fondée.

JUGEMENT.

Attendu que par polices des 26 et 30 octobre 1837, courtier Rambaud, les sieurs Régny née Bernadac et comp. ont fait assurer, pour compte de qui il appartiendra, sur les quatre cinquièmes du corps, agrès et apparaux du navire espagnol Marinero, capitaine Camoyano, évalué de gré à gré à trentetrois mille sept cent cinquante francs, la somme de vingthuit mille francs, pour un voyage de sortie de la Havaně jusques à la Corogne et Cadix, à la prime de un et trois-quart pour cent;

Que cette assurance qui leur avait déjà été annoncée par une lettre de Cadix du 19 septembre 1837 leur a été définitivement commise par une lettre subséquente du 4 octobre suivant, qui portait également ordre de faire assurer en même-temps trois autres navires appartenant au même commettant, le Cavallo-Marino, le Neptuno et l'Independante, assurances qui ont toutes été effectuées le même jour 26 octobre et souscrites par les mêmes compagnies;

Attendu qu'il est établi par les documens produits, et d'ailleurs non contesté par les assureurs, que le navire Marinero, parti le 20 juillet de la Havane, a péri le 3 août suivant sur le rescif du Mort, île du grand Bahama;

Attendu que, sur la demande en validité du délaissement et en paiement de la perte, les assureurs, se fondant sur ce qu'on ne leur avait pas fait connaître l'époque du départ du navire, bien que cette circonstance fût connue de l'assuré, ont demandé la nullité de l'assurance pour cause de réticence; Que le tribunal a donc à examiner s'il y a eu, ou non dans la cause, réticencé dans le sens de l'art. 348 du code de commerce invoqué par les assureurs

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Que la preuve que cette circonstance n'avait pas, alors, sur leur esprit, l'influence qu'ils veulent lui donner pour le besoin de la cause, résulte de ce que le même jour qu'ils signaient l'assurance du Marinero, ils prenaient également le risque de l'Independante, parti du même port, pour le même voyage, et dont ils ont reçu la prime, bien que l'époque du départ de ce navire ne leur eût pas été déclarée;

Attendu qu'on ne saurait induire de ce que la lettre d'ordre du 4 octobre contenait la désignation des époques du départ l'intention du des navires dont l'assurance était commise, que était commettant des sieurs Régny née Bernadac et comp., que cette époque fût dénoncée aux assureurs;

Que cette lettre ayant pour but principal une assurance à tous, et n'autorisant l'assurance au voyage que subsidiairement et pour le cas où la première ne pourrait s'effectuer à la prime limitée, il est évident que l'époque du départ ne se rapportait qu'à cette assurance, et que les sieurs Régny née Bernadac et comp. n'ayant pu l'effectuer, ont dû n'attacher aucune importance à cette désignation;

Attendu que, de l'aveu même des assureurs, l'assurance dont il s'agit a été faite de bonne foi, et sans aucune dissimulation de la part du commissionnaire;

Que, de la part du commettant, cette assurance avait été annoncée dès le 19 septembre, quoi qu'elle n'ait été définitivement commise que le 4 octobre; qu'à cette première époque ce commettant n'avait certainement aucune crainte sur le navire assuré; que la lettre même du 4 octobre n'en fait pressentir aucune; qu'il suffit, en effet, de la lire, pour se couvaincre que l'assurance a été commise de bonne foi et sans aucune prévision présumée de sinistre;

Qu'au surplus, la clause sur bonnes ou mauvaises nouvelles, insérée dans l'imprimé des polices, mettrait à la charge des assureurs la preuve que l'assuré connaissait la perte au moment de l'assurance;

Et sur ce, attendu qu'en régle générale, l'assuré n'est pas obligé de déclarer à l'assureur l'époque du départ du navire. Que cette obligation n'est pas comprise dans celles énoncées dans l'art. 332 du même code;

Que la jurisprudence, il est vrai, par interprétation de l'art. 348 a, quelquefois, exigé, de la part de l'assuré, cette déclaration; mais c'est seulement dans le cas où, entre le jour où l'assurance a été commise et celui du départ du navire, il s'est écoulé un laps de temps assez considérable pour constituer le navire en retard, en égard au temps ordinaire que comportait le voyage assuré;

Attendu que, dans l'espèce, l'assurance portait sur un voyage de la Havane à la Corogne et Cadix;

Qu'il résulte des attestations qui ont été produites par l'assuré, que le temps moyen pour la traversée de la Havane à la Corogne, est de deux mois, environ;

Que si, à ce délai, on ajoute le temps nécessaire pour avoir à Cadix des nouvelles de la Corogne, temps qui, d'après l'attestation de l'administration des postes de Madrid, est de vingt jours environ, ou aura un laps de temps de près de trois mois;

Or, le navire Marinero étant parti de la Havane le 28 juillet, et l'assurance ayant été commise de Cidix le 4 octobre, il ne s'était écoulé que soixante-sept jours entre l'ordre de faire assurer et le départ du navire, d'où la conséquence qu'il n'y avait pas retard;

Attendu que rien n'établit au procès que l'ouragan qui éclata dans les mers des Antilles, le 2 août 1837, et dont les assureurs se prévalent pour soutenir l'obligation qu'avait l'assuré, de leur faire connaître le départ du navire; que cet ouragan, disons-nous, fût connu de l'assuré au moment où il a commis l'assurance; que c'était aux assureurs, au contraire, s'ils attachaient à cet événement autant de gravité qu'ils le soutiennent aujourd'hui, à s'informer de l'époque de ce départ;

Attendu qu'en l'état de ces diverses circonstances, le tribunal ne saurait voir, dans le défaut de déclaration, de la part de l'assuré à ses assureurs, de l'époque du départ du navire Marinero, une réticence on une dissimulation dans le sens de l'art. 348 du code de commerce;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter aux exceptions progressives des assureurs, faisant droit, au contraire, à la demande des sieurs Régny née Bernadac et comp., déclare valable le délaissement du navire Marinero, capitaine Camoyano et condamne, chacun en droit soi, les assureurs, au paiement de la somme de 28,000 fr. par eux prise en risque sur le susdit navire, sous la déduction de la prime et avec intérêt et dépens.

Du 4 septembre 1838. Prés. M. FOURNIER fils. -Plaid. MM. REY DE FORESTA, pour les assurés; MASSOL-D'ANDRÉ, ESTRANGIN, pour les assureurs. Sur l'appel émis par les assureurs.

ARRET.

Adoptant les motifs des premiers juges,

LA COUR confirme (1).

Du

avril 1839 Cour royale d'Aix. - Prés. M. PATAILLE, P. P. - Plaid. MM. PERRIN, pour les assurés; MOUTTE, pour les assureurs.

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La déduction à opérer, pour différence du neuf au vieux, sur les objets de bord sacrifiés et jetés en

(1) Voy. ce Recueil ci-devant, pag. 116.

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