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L'énonciation faite par le capitaine, dans son consulat, d'une pacotille lui appartenant, qui aurait été jetée à la mer, suffit-elle pour fournir la preuve de l'existence de cette pacotille à bord du navire, et par suite, pour la faire admettre en avarie commune? ( Rés. nég.) Cette preuve peut-elle résulter d'une facture sans authenticité, qui n'indique pas même le port où la pacotille aurait été achetée ? (Rés. nég..) (Vafiopulo contre Luce.)

Le navire grec Elisabeth, commandé par le capiVafiopulo, chargé de blé à Galatz pour Marseille, éprouve dans sa traversée de mauvais temps qui lui causent des avaries considérables.

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Pendant ces mauvais temps, le capitaine, après délibération de l'équipage, fait jet à la mer de divers objets de bord et d'une partie de blé qui lui appartenait.

Par suite, le navire relâche successivement dans les ports de Syphao et de La Ciotat.

A son arrivée à Marseille, le capitaine fait son consulat devant le président du tribunal de com

merce.

Il énumère, dans ce consulat, les divers objets dont il a été obligé de faire jet à la mer; il place en tête une pacotille de 180 quillots blé chargée pour son compte.

Il assigne ensuite le sieur Luce; consignataire de son chargement, à fins de règlement des avaries communes souffertes par son navire, et de la contribution qui en devra regarder la cargaison.

Le 3 avril 1839, jugement qui nomme un expert répartiteur et un expert estimateur pour procéder au règlement demandé.

Le capitaine présente l'état des articles dont il demande l'admission en avarie commune, comme suit :

1o 180 quillots de Turquie blé dur jetés à la mer, soit 40 charges, à 26 fr., 1,040 fr.;

20 Un câble de 80 brasses jeté, 616 fr. 80 cent.;

30 Deux grelins de 120 brasses chaque, jetés, 440 fr. 80 c.; 40 Cinq bayes, trois seaux, deux casseroles en cuivre et une cuillère, jetés, 52 fr.;

50 Une grande voile latine, 457 fr. 70 cent.;

6o Une misaine neuve, 362 fr. 60 cent.

70 Un grand foc, 169 fr.;

80 Cent kilogrammes vieux cordages, 60 fr.;
90 Deux paires avirons de chaloupe, 22 fr.;

10o Réparation à la cuisine, 26 fr.;

110 Frais de port pour la relâche à Syphao, 25 fr.; Id. pour la relâche à La Ciotat, 15 fr.;

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Le sieur Luce déclare, aux risques et périls de ses assureurs, s'en rapporter à justice sur le point de savoir s'il y a lieu, ou non, à règlement d'avarie commune, et en cas d'affirmative, il demande qu'il ne soit admis dans ce règlement que les articles 2, 3 et 4 de l'état présenté par le capitaine, sous déduction du tiers pour différence du

neuf au vieux.

Et quant à l'article 1er, relatif à une prétendue pacotille qui aurait été jetée à la mer, il en demande le rejet, faute par le capitaine d'en justifier, conformément aux articles 344 et 345 du code de

commerce.

Le capitaine soutient que la pacotille dont il s'agit est suffisamment justifiée par la facture qu'il produit et par la déclaration qu'il en a faite dans son consulat, comme ayant été jetée à la mer.

JUGEMENT.

Attendu que le capitaine Vafiopulo ne justifie pas le chargement des 180 quillots blé formant la prétendue pacotille dont il demande l'admission en avarie commune;

Que de ce qu'il est énoncé dans le consnlat fait par le capitaine, que cette pacotille aurait été jetée à la mer, il ne s'ensuit pas rigoureusement la preuve qu'elle eût été chargée;

Que, s'il en était ainsi, il serait par trop facile aux capitaines et à l'équipage de se créer un titre pour se faire rembourser par voie d'avarie commune, une marchandise qui n'aurait pas été chargée;

Que si la loi accorde au consulat, duement vérifié, foi en justice, pour les événemens de la navigation, c'est pour les cas où l'équipage et le capitaine, étrangers au navire et au char

gement, sont sans intérêt à altérer la vérité des faits qu'ils y affirment; mais cette confiance ne saurait être aussi entière, lorsque, comme dans l'espèce, le capitaine et l'équipage déposent dans leur intérêt personnel;

Attendu que, si le code de commerce ne contient aucune disposition expresse pour le cas du jet à la mer, les articles 344 et 345, relatifs aux assurances, posent des principes qui peuvent servir de base, dans la circonstance, au tribunal;

Attendu qu'il résulte de la facture informe qui est présentée au soutien de la demande du capitaine, que l'achat des 180 quillots blé dont il s'agit aurait eu lieu trois jours après le départ du navire l'Elizabeth de Galatz, et que l'on n'y indique pas même le port où ce prétendu achat aurait été fait; qu'en l'état d'une pièce aussi informe, la religion du tribunal n'est pas suffisamment rassurée sur la réalité du chargé, pour accueillir la demande du capitaine;

Attendu qu'à l'exception des dommages éprouvés par le corps du navire l'Elisabeth, et qui ne sont que le résultat d'événemens fortuits, les parties reconnaissent, et il est d'ailleurs établi par le consulat, qu'ils ont pour objet le jet à la mer effectué par le capitaine, d'après délibération de l'équipage, et pour le bien et le salut communs du navire et de la cargaison, et qu'aux termes de l'article 402 du code de commerce, ils constituent des avaries communes, et doivent, en conséquence, être admis dans le règlement à intervenir;

Qu'il en est de même des deux relâches faites par le capitaine: l'une à Syphao et l'autre à La Ciotat;

Attendu que les frais de l'instance en règlement d'avaries sont l'accessoire des avaries communes, et doivent, comme elles, être admises dans le règlement;

LE TRIBUNAL, ayant tel égard que de raison aux fins respectivement prises par les parties, déclare qu'il y a lieu au règlement demandé par le capitaine Vafiopulo; ordonne, en conséquence, qu'il sera procédé au susdit règlement par l'ex

pert répartiteur déjà nommé, et ce, aux formes de droit, dans lequel règlement seront admis les articles deux, trois, quatre, neuf de l'état d'avarie signifié par le capitaine et ayant tous pour objet les agrès du navire jetés à la mer par le capitaine, et ce, ́ d'après l'estimation qui en a été faite par l'expert nommé par le tribunal, sous la déduction, toutefois, du tiers, pour différence du neuf au vieux sur les objets qui en seront susceptibles; les articles onze et douze relatifs aux frais des deux relâches forcées, et enfin, les frais de l'instance en règlement d'avaries, dans lesquels seront compris les frais d'expertise et accessoires, d'après la taxe qui en sera faite; rejette, comme non justifié, l'article premier dudit état, relatif à l'admission en avarie commune de cent quatre-vingt quillots blé composant la prétendue pacotille du capitaine et de l'équipage; déclare avarie particulière au corps du navire l'Elisabeth tous les autres articles de dommages composant ledit état d'avarie; ordonne que les dépenses admises en avarie commune seront reparties sur la demie du navire, d'après l'estimation qui en a été faite par l'expert, sur la demie du fret et sur la totalité de la cargaison, d'après sa valeur au jour du déchargement à Marseille; concéde acte au sieur Jean Luce de la garantie par lui demandée contre ses assureurs sur facultés (1).

Du 16 mai 1839. - Prés. M. CANAPLE; Plaid. MM. MASSOL-d'ANDRÉ pour Luce, REY DE FORESTA pour le capitaine.

Vente. Vue en sus.

Délai. Usage.

Expertise.

La clause de vue en sus au profit de l'acheteur a-t-elle pour effet de lui donner le droit exorbi

(1) Voy. ce Recueil, tome xiv, 1re part., pag. 225.

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