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qui fait courir les intérêts des créances garanties par un nantissement, est sans fondement, dans l'espèce, parce qu'il y aura, dans les marchandises formant le nantissement, grande insuffisance pour le capital des créances des sieurs Double et Lançon; d'ailleurs, si le règlement était fait avant l'échéance du terme convenu, les intérêts seraient déduits.

L'argument tiré de l'art. 547 n'a pas plus de force, car si, d'une part, les syndics ont la faculté, en tout état de cause, de retirer le gage en remboursant la dette, d'autre part, une preuve incontestable que la créance du créancier nanti devient exigible comme toutes les autres, c'est que, une fois le gage liquidé, il doit être compris pour le déficit que ce gage peut présenter, dans la masse chirographaire; or, un tel résultat ne peut avoir lieu que par une liquidation de gage anticipée, c'est-à-dire, antérieure au terme convenu dans l'acte de nantissement, car il pourrait arriver que la faillite fût entièrement terminée et les fonds répartis, avant l'échéance du terme du nantissement.

Les syndics eux-mêmes ont bien reconnu qu'un tel cas pourrait se présenter, mais ils ont prétendu qu'on agirait alors, par analogie, conformément aux dispositions de l'article 499 de la nouvelle loi, dispositions qui ne sont point applicables.

Les syndics du sieur Farrenc soutiennent donc une prétention très préjudiciable aux créanciers gagistes, sans avantage pour la masse; il serait donc juste qu'en agissant ainsi, ils fussent personnelle

ment exposés aux torts et dommages que le retard de la liquidation du gage peut occasioner.

En effet, pendant ce retard, un coulage considérable a lieu; les frais de magasinage, de préposés, etc., courent;

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Et en attendant, l'écoulement du terme ne peut être d'aucun profit pour la masse; car, si un dégrèvement sur les sucres a lieu, c'est aux gagistes qu'il devra profiter puisque, en l'état, leur gage

est insuffisant.

Il ne reste donc pas même aux syndics l'espérance qu'ils pouvaient avoir de profiter du dégrèvement s'il a lieu, et s'il y a perte, de la laisser pour le compte des créanciers gagistes.

JUGEMENT.

Ouï M. BAZIN, juge-commissaire de la faillite du sieur Edouard Farrenc, dans son rapport verbal;

Attendu que l'intervention des sieurs Lançon et comp. dans. l'instance entre le sieur Emile Double et les syndics de la faillite d'Edouard Farrenc, n'a pas été contestée:

Attendu que la loi du 28 mai 1838, comme celle qui régis-. sait les faillites avant sa promulgation, exige la vérification de toutes les créances, sans distinction de leur nature; qu'elle admet, également, tout créancier vérifié à fournir des contredits aux vérifications à faire; que ce serait donc créer une exception là où la loi n'en a admis aucune et enlever au créancier vérifié le droit qu'elle lui accorde, que d'exempter le créancier gagiste de la vérification et affirmatiou de sa créance;

Attendu que, dans l'économie de la loi, elle a voulu nécessairement établir une distinction entre le créancier gagiste et le créancier ordinaire d'une faillite; que s'il en était autrement, le principe d'égalité qui régit la faillite, comme celui qui veut qu'au moment de son ouverture les droits de tous les créanciers soient fixés, sans leur en faire perdre ni acquérir de nouveaux, seraient violés, si l'on appliquait au créancier gagiste, au préjudice de la loi de son contrat, le principe d'exgibilité proclamé par les art. 1188 du code civil et 444 de la loi des faillites;

Qu'il en résulterait, en effet, que le créancier nanti serait payé, immédiatement, par la vente du gage, du montant de sa créance, tandis que le créancier ordinaire bien que sa créance soit devenue exigible par le fait de la faillite, est renvoyé, pour le paiement, à la répartition;

Que cette distinction ressort encore des dispositions de l'art. 445 qui fait cesser tous intérêts pour les créances ordinaires et en conserve le cours aux créances nanties ou hypothéquées;

Qu'enfin, sans cette distinction, le privilége que l'art. 547 accorde aux syndics de retirer, à toute époque, le gage, en remboursant la dette, serait illusoire pour la masse;

Qu'il n'est pas exact de dire, que, par la faillite, le créancier nanti voit diminuer les sûretés que le débiteur lui avait promises, car il faut reconnaître qu'en matière de prêt sur gage le créancier fait confiance à la chose bien plus qu'à la personne;

Attendu que, dans le système de la loi, le créancier nanti est en dehors de la faillite; que, n'en supportant pas les éventualités, il ne saurait en invoquer le bénéfice; qu'entre lui et le débiteur, leur loi est dans le contrat, mais les conditions en étant indivisibles, il ne saurait en réclamer l'exécution avant l'arrivée du terme convenu;

Attendu que le terme convenu dans l'acte de nantissement dont le sieur Emile Double demande l'exécution, non seulement n'est pas encore arrivé, mais la créance résultant de cet acte n'a été ni vérifiée ni affirmée.

LE TRIBUNAL reçoit les sieurs Lançon et comp., partie jointe et intervenante dans l'instance entre les sieurs Emile Double et les syndics de la faillite du sieur Edouard Farrenc, et de même suite, sans s'arrêter à la demande du sieur Emile Double, dans laquelle il est déclaré tout à la fois non recevable et mal fondé, en l'état, met, sur cette demande, les syndics de la faillite d'Edouard Farrenc, hors d'instance et de procès avec dépens (1).

Du 13 août 1839. - Prés. M. Cr ROUSSIER. Plaid, MM. REY DE FORESTA, pour les Syndics; BUREL, pour Double; MASSOL-D'ANDRÉ, pour Lançon.

(1) Voy. Cours de droit commercial, de M. PARdessus, tom. IV, 3me édit., nos 1127, 1184 et 1235. Esprit du code de commerce, par LocRÉ, sur l'art. 537 du code de commerce, soit 548 de la nouvelle loi.

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Les pommes de terre; objet d'une assurance, doivent-elles être classées parmi les légumes et, comme telles, comprises dans les marchandises dont les avaries sont à la charge des assureurs, sauf la franchise convenue? (Rés. aff.)

(Nayral contre assureurs.)

LES sieurs Nayral et fils, de Montpellier, avaient fait assurer par divers assureurs de la place de Marseille, un chargement de pommes de terre embarqué sur le navire l'Eole, pour le voyage de Pont-l'Abbé à Cette.

Ce chargement éprouve des avaries qui sont constatées à Cette.

Le 24 mai 1839, les sieurs Nayral et fils assignent leurs assureurs devant le tribunal de commerce de Marseille, à fins de règlement et répartition des avaries particulières dont il s'agit, s'élevant à la somme de 943 fr., y compris les frais de constatation, déduction faite de la franchise de 15 pr. cent stipulée au profit des assureurs.

Les assureurs prétendent que les pommes de terre doivent être classées parmi les fruits auxquels s'applique la clause franc d'avaries particulières; que dès lors, il n'y a lieu, dans l'espèce, à aucun règlement.

T. XVII. Ire p.

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Les sicurs Nayral et fils, assurés, soutiennent au contraire, que les pommes de terre sont classées parmi les légumes dont les avaries sont à la charge des assureurs, sauf la franchise de 15

JUGEMENT.

pr. cent.

Attendu que, dans le commerce, les pommes de terre sont classées parmi les légumes; que, d'après les conditions de la police d'assurance souscrite par les assureurs au procès, les légumes sont au nombre des marchandises qui jouissent de la franchise de 15 pr. cent sur les avaries particulières; que la prétention élevée par les assureurs de ranger ce tubercule au nombre des fruits et de lui appliquer, en conséquence, la clause de franc d'avaries particulières ne saurait être accueillie par le tribunal; qu'il y a donc lieu d'ordonner le règlement demandé par l'assuré;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter aux exceptions proposées par les assureurs, faisant droit, au contraire, aux conclusions prises par les sieurs Nayral et fils, ordonne que, par Me Cler, avocat, expert répartiteur, à cet effet nommé d'office, il sera procédé, aux formes de droit, entre les sieurs Nayral et fils et leurs assureurs, sur le chargement de pommes de terre dont il s'agit, au réglement des avaries particulières souffertes par ledit chargement, sous la franchise, toutefois, de quinze pour cent, le tout à frais privilégiés.

Du 27 mai 1839.-Prés. M. Auge BAZIN. -Plaid. MM. SERMET, pour les assurés; MASSOL-D'ANDRÉ, pour les assureurs.

Commissionnaire. Avances.

Compétence.

Compte courant.

Le commettant est-il valablement assigné devant le tribunal du domicile du commissionnaire, à

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