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que

le blé a péri par son vice propre plutôt que par suite des événemens de mer auxquels il avait

été exposé;

Qu'en effet, le blé jeune, le mieux conditionné, est, aussi bien que le vieux dans le cas de s'échauffer et de se charançonner, pour peu qu'une partie soit mouillée;

Qué la vétusté du blé n'est donc pas, par elle seule, un principe d'échauffement et de détérioration; qu'il faut faire la part des accidens, et si ces accidens sont des événemens de mer à la suite desquels le blé a été mouillé et échauffé, ce n'est pas au vice propre de la chose que la détérioration peut être attribué.

Or, que, dans l'espèce, il est établi que le blé chargé sur la goelette Nostra-Signora-del-Soccorso a été atteint par l'eau de la mer qui, à plusieurs reprises, avait pénétré dans le navire; donc si, dès la première expertise, il y a eu dans le blé des parties mouillées et échauffées, ce n'était pas parce que le blé était vieux, mais, évidemment, parce qu'il avait été atteint par l'eau de la mer;

Que pour obtenir cette conclusion il suffit aux assurés de prouver que le blé dont il s'agit était en bon état, lors de son embarquement.

Pour fournir cette preuve, les assurés produisent des certificats émanés du courtier qui avait traité pour eux l'achat des blés dont il s'agit et des portefaix employés à les transborder des bâtimens qui les avaient apportés à Marseille, sur la goelette du capitaine Maggiorelli,

Ces certificats attestent que ces blés étaient de bonne qualité, qu'ils n'étaient nullement mouillés ni avariés, qu'ils n'exhalaient aucune odeur, ni chaleur, et ne présentaient aucun signe de la présence de charançons.

Les assurés produisent, en outre, un certificat de plusieurs commerçans en blé, de la place de Marseille, attestant:

1° Que le charançon existe en germe dans toute espèce de blé, dans un blé jeune comme dans un blé vieux;

2o Que le blé le mieux conditionné à l'embarquement peut s'échauffer et se charançonner par le seul effet du contact d'une partie mouillée et en fermentation dans le navire.

Les assurés induisent de ces attestations que le blé dont il s'agit, fût-il vïeux, ce que les experts qui l'ont examiné à Carlo-Forte, n'ont pu affirmer avec parfaite connaissance de cause, il n'en était pas moins bon.

lors

Ils ajoutent qu'on doit raisonner à l'égard de cette marchandise, comme on raisonne à l'égard d'un navire et de même qu'il a été jugé que la circonstance que le navire est vieux, ne suffit pas pour faire attribuer l'innavigabilité au vice propre, qu'il y a preuve que des fortunes de mer ont été éprouvées par le navire (1), de même on doit décider qu'un blé embarqué en bon état et qui a souffert des accidens de mer en cours de voyage ne peut, quoique vieux, être censé s'être avarié et

(1) Voy. ce Recueil, tom. 14, 1re part., pag. 86 et 161; tem. 15, xre part., pag. 114, et ae part., pag. 17 et 174.

propre, plutôt que par for

détérioré par son vice propre,

tunes de mer.

JUGEMENT.

Attendu qu'il résulte du consulat fait par le capitaine Maggiorelli à son arrivée à Carlo-Forte, île Saint-Pierre, lieu de relâche forcée, que, pendant le cours de sa navigation, le navire la Vierge-du-Secours a éprouvé diverses fortunes de mer qui l'ont considérablement fatigué; qu'il a été plusieurs fois submergé par les lames qui remplissaient le pont et même la chambre; que le capitaine a été obligé de faire jet d'une partie de la cargaison et de divers agrès de navire pour le soulager; qu'enfin, entre autres dommages occasionnés par ces événemens, une voie d'eau s'est manifestée, qui a exigé le jeu presque constant des pompes;

Qu'il résulte également de la déclaration faite dans leur rapport, par les experts commis pour visiter le navire à son arrivée, qu'ils ont trouvé qu'une partie du blé composant la cargaison était mouillée ;

Attendu qu'en présence de ces faits, légalement constatés, il est impossible de ne pas reconnaître que l'état d'échauffement dans lequel les premiers experts nommés pour visiter le chargement ont trouvé le blé, et qui, plus tard, a nécessité sa vente, ne soit le résultat du contact de la partie mouillée et en fermentation, avec la partie saine;

Qu'inutilement les assureurs, s'étayant de l'opinion émise par les experts, que la cause de l'échauffement provenait de ce que le blé était vieux et par suite charançonné, ont soutenu que l'on devait attribuer à cette cause la détérioration qui en avait exigé la vente;

Que cette prétention des assureurs, qui ne repose que sur l'opinion purement conjecturale et même erronnée des experts, ne saurait être accueillie par le tribunal, en l'état de la justification faite par les sieurs Hermès Berniard et comp. que. le blé a été embarqué en bon état, et des fortunes de mer éprouvées par le navire;

Qu'il ne suffit pas, en effet, que l'objet assuré soit susceptible de se détériorier par un vice dont il porte le germe, pour que les assureurs, se retranchant derrière la disposition de l'art. 326 du code de commerce et le pacte de la police puissent se décharger de la responsabilité qu'ils assument en

signant le contrat; il faut encore que ce vice propre ne doive pas le développement et l'intensité qui en ont causé la perte à des événemens qui sont à la charge des assureurs; que, s'il en était autrement, les assurances sur les blés seraient presque illusoires, puisqu'il est établi par les attestations produites par les assurés, et que celles produites par les assureurs ne contredisent pas, que le charançon existe en germe dans toute espèce de blé jeune comme vieux, et que le blé le mieux conditionné à l'embarquement peut s'échauffer et se charançonner par le seul contact d'une partie mouillée et en fermentation dans le navire, circonstances qui se rencontrent dans la cause;

Attendu qu'il n'est pas contesté par les assureurs, et d'ailleurs, qu'il est justifié au procès, que les blés qui ont fait l'objet de l'assurance dont il s'agit ont été vendus à Carlo-Forte par suite de leur état d'avarie, et pour prévenir une détérioration totale ;

Que cette vente, qui a privé l'assuré de la marchandise assurée, ce qui équivaut à sa perte, étant le résultat d'événemens à la charge des assureurs, a donné incontestablement ouverture à l'action en délaissement introduite par les sieurs Hermès Berniard et comp.;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter aux exceptions proposées par les assureurs, faisant droit à la demande des sieurs Hermès Berniard et comp., déclare valable et valide comme tel, le délaissement par eux faits à la Compagnie d'assurance de Marseille, de la partie blé chargée sur le navire la Vierge-duSecours, capit. Maggiorelli, et assurée par la police du vingthuit novembre dernier; condamne, en conséquence, le sieur Bouquet, en sa qualité de gérant de la Compagnie, au paiement, en faveur des sieurs Hermès Berniard et comp., de la somme de vingt mille francs assurée, sous toutes les déductions de droit, avec intérêts et dépens.

Du 13 août 1839. Prés. M. C ROUSSIER. Plaid. MM. REY DE FORESTA, pour Berniard; MASSOL-D'ANDRÉ, pour les assureurs.

Assurance.

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Avarie. Relâche. -Déclaration.Consulat. -Distinction. Preuve. - Livre de bord.-Réparation. - Avances. Autorisation. Règlement. Change maritime. -Commis

sion.

La déclaration que le capitaine doit faire, aux termes de l'art. 245 du code de commerce, en cas de relâche forcée, est-elle soumise, quant à ce qu'elle doit énoncer, aux mêmes règles que le rapport ou consulat prescrit par l'art. 242, lorsque le capitaine arrive au lieu de la destination? (Rés. nég.)

Suffit-il, dans le premier cas, que le capitaine déclare les causes de la relâche, sans spécifier les dommages que le navire a éprouvés et qui, d'ailleurs, sont énoncés dans son livre de bord? Rés. aff.)

Par suite, les assureurs peuvent-ils assimiler la déclaration ou protêt fait au lieu de la relâche, au Consulat, pour se refuser à supporter les dommages éprouvés par le navire dans l'évènement qui a forcé la relâche, par le motif que ces dommages n'ont point été mentionnés dans la déclaration, si, d'ailleurs, ils ont été constatés par experts sur les lieux, si le capitaine les a déclarés dans son Consulat au lieu de la destination, et si la cause en est indiquée dans son livre de bord? (Rés. nég.)

Lorsque sur la connaissance donnée aux assureurs 23

T. XVIII, p.

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