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teur, mais aussi sous réserve très expresse de leurs droits.

Le 18 juin 1838, jugement qui, sans préjudice d'aucuns des droits et exceptions des parties, nomme d'office un expert répartiteur, pour procéder au règlement demandé, avec pouvoir d'estimer le navire, et pour faire le rapport des contestations qui pourraient s'élever entre les parties.

En exécution de ce jugement, l'expert estime le navire; les sieurs Armand et comp. communiquent un mémoire contenant l'état des articles d'avaries dont ils demandent l'admission en avaries com

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Les parties en cause se présentent devant l'expert répartiteur pour discuter les articles d'avaries et leur classification.

Mais les assureurs des sieurs Armand et comp., déclarent s'opposer au règlement dont il s'agit, contre lequel ils prétendent avoir à élever des fins de

non-recevoir.

.

Les parties reviennent à l'audience pour vider la contestation.

Les sieurs Armand et comp. demandent qu'il soit donné suite au règlement et que leurs assureurs soient condamnés au paiement des avaries qui seront reconnues à la charge des assurés, et du solde du billet de grosse par eux payé et qui excédera le montant de ces avaries.

Les assureurs des sieurs Armand et comp., sur facultés, soutiennent que la demande des assurés

doit être rejetée, tant par fin de non-procéder, que comme non-recevable et mal fondée.

Selon les assureurs, il y a fin de non-procéder, en ce que les sieurs Armand et comp. ont pris l'initiative de la demande en règlement d'avaries, tandis qu'aux termes de l'art. 414 du code de commerce, cette action doit être intentée à la diligence du capitaine.

Il y a fin de non-recevoir, en ce que les sieurs Armand et comp. n'ont fait aucune protestation pour avaries, dans les vingt-quatre heures de la réception de leur marchandise.

Il y a encore fin de non-recevoir, en ce que le capitaine Régnès, en livrant la cargaison, n'a, non plus, fait aucune protestation.

Enfin, on manque des élémens nécessaires pour régler et répartir les avaries communes, puisque le navire la Virginie a été vendu et que la cargaison pas été évaluée.

n'a

Le capitaine Régnès, de son côté, demande qu'en l'état du délaissement par lui signifié, le 28 avril 1838, à ses assureurs sur corps, et sauf à statuer ce qu'il appartiendra, ils soient maintenus dans l'instance en règlement d'avaries introduite par les sieurs Armand et comp., à l'effet d'assister le capitaine, d'y surveiller et faire valoir leurs droits et de relever et garantir le capitaine des adjudications qui pourraient être prononcées contre lui en qualité de co-propriétaire du navire la Virginie.

Les assureurs du capitaine Régnès, demandent qu'il soit déclaré à leur égard non-recevable et mal

fondé, attendu qu'aux termes de leur police, ils sont francs d'avaries.

Les moyens par lesquels les sieurs Armand et comp. combattent les fins de non-recevoir opposées par leurs assureurs sont indiqués dans les motifs du jugement ci-après.

JUGEMENT.

Attendu que l'art. 414 du code de commerce dispose, il est vrai, que « l'état des dommages et pertes est fait dans le lieu ́« du déchargement du navire, à la diligence du capitaine et par experts»; mais on ne doit pas considérer cette disposition comme tellement impérative, qu'elle soit un obstacle invincible à ce que le règlement des avaries communes soit poursuivi par tout autre que par le capitaine;

Que les motifs qui ont déterminé le législateur sont, évidemment, parce que le capitaine est ordinairement muni de tous les documens nécessaires pour dresser l'état des pertes et dommages, et surtout parce qu'il arrive très souvent que le lieu du déchargement n'est pas celui de l'armement et que, dans ce cas, toutes les actions du navire et de l'armement reposent sur la tête du capitaine;

Qu'en règle générale, il suffit d'avoir intérêt, pour avoir ́action; que c'est d'après ce principe qu'EMÉRIGON et après lui M. PARDESSUS et autres auteurs, ont pensé que si le capitaine néglige de réquérir la contribution, elle peut être demandée et poursuivie soit par les armateurs, soit par les chargeurs particuliers;

Attendu que les sieurs Amédée Armand et comp. dont la marchandise est grevée du billet de grosse souscrit par le capitaine Régnès, ont incontestablement intérêt à faire fixer la portion pour laquelle leur marchandise aura à contribuer au susdit billet de grosse, soit pour répéter du capitaine le remboursement du surplus qu'ils ont pu payer à la décharge du

navire, soit contre leurs assureurs, non-seulement pour ce surplus, mais encore pour leur contribution à l'avarie com→ mune; qu'à raison de cette action et pour en déterminer l'étendue, un règlement d'avaries communes était indispensable;

Que, pour réaliser cette action, les sieurs Amédée Armand et comp. ne pouvaient pas rester à la discrétion du capitaine Régnès, et se voir, même, exposés à la laisser périr par l'inaction de celui-ci, qui pouvait n'avoir plus d'intérêt à l'intenter;

Qu'au surplus, ce serait au capitaine Régnès, et non aux assureurs, à se plaindre de l'action dirigée par les sieurs Amé¬ dée Armand et comp.; que les assureurs ne sont pas parties essentielles dans le règlement des avaries communes, qui ne se fait jamais qu'entre le capitaine et les chargeurs;

Que leur appel en cause dans le règlement, qui n'a d'autre objet que d'y surveiller leurs droits, peut bien leur donner celui de contester la justification des dépenses et même le classement des avaries, mais il ne va pas jusques à dénier l'action, exception dans laquelle ils sont sans intérêt, peu leur important par qui le règlement est poursuivi;

Sur la fin de non-recevoir : attendu que l'art. 435 du code de commerce dispose << sont non-recevables toutes actions «< contre le capitaine et les assureurs pour dommage arrivé à « la marchandise, si elle a été reçue sans protestation »; que par l'expression dommage, le législateur n'a pu entendre que le dommage matériel tel qu'avaries ou déficit, mais qu'on ne saurait l'étendre à un droit qui peut grever ultérieurement la marchandise;

Qu'il est de principe incontestable que les fins de non-recevoir sont de droit étroit et qu'on doit les renfermer littéralement dans le cercle que le législateur leur a tracé;

Que, sans rechercher les motifs qui ont pu déterminer le législateur, dans ses dispositions, il suffit qu'elles soient écrites, pour qu'on doive s'y soumettre, d'après la maxime de droit; dura lex sed scripta est »

Attendu qu'il est convenu au procès qué la cargaison soufre, qui a servi d'aliment à la police d'assurance souscrite par les assureurs, a été livrée par le capitaine Régnès aux sieurs Amédée Armand et comp. sans avarie ni déficit ; qu'ils n'avaient donc aucune protestation à faire en la recevant; qu'on ne saurait, dès lors, leur faire l'application de l'art. 435 invoqué par les assureurs ;

Attendu qu'il n'est pas exact de dire que les élémens pour établir la répartition des avaries communes souffertes par le navire la Virginie manquent, puisqu'il a été justifié que ce navire, quoique vendu aujourd'hui, a été légalement estimé avant la vente, et qu'il est facile, quant à la cargaison, de déterminer par les mercuriales de la place, quelle était la valeur des soufres dans le mois de mars dernier, époque du déchargement de la cargaison;

Sur l'appel en cause, par le capitaine Régnès, de ses assureurs sur corps; attendu qu'aux termes de l'art. 409 du code de commerce, la clause franc d'avaries affranchit bien les assureurs de toutes avaries, soit communes soit particulières, mais il excepte les cas qui donnent ouverture au délaissement; que c'est dans cette prévision, que le règlement des avaries peut seul déterminer, que le capitaine Régnès, quoiqu'ayant con-senti à l'égard de ses assureurs la clause franc d'avaries, les a appelés dans l'instance en règlement d'avaries communes, pour y surveiller leurs droits; que ne s'agissant pas aujourd'hui de prononcer sur la garantie qui peut résulter de la police, le déboutement demandé par les assureurs est prématuré en l'état ;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter à la fin de non-procéder, non plus qu'à la fin de non-recevoir proposées par les assureurs, ordonne qu'il sera passé outre, par l'expert répartiteur, au règlement des avaries communes dont il s'agit, sur les états et pièces qui seront produits et débattus; ordonne que les assureurs sur corps du navire la Virginie assisteront dans l'instance,.

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