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Des pourparlers ont lieu entre le tiers et le sieur Pissin aîné; le sieur Rozan croit la vente conclue. Mais lorsqu'il demande livraison, le sieur Pissin la refuse, sur le motif qu'on n'a pas été d'accord sur le prix.

Le 21 janvier 1839, le sieur Rozan fait sommation au sieur Pissin de lui livrer la partie pistaches dont il s'agit, au prix convenu de 100 fr. les 40 kilogrammes, 8 hectogrammes, à la consommation, escompte i pour cent, à défaut, il l'assigne devant le tribunal de commerce et demande d'être autorisé à se remplacer sur place aux frais et risques du sieur Pissin, celui-ci condamné au paiement de la différence qui pourra exister entre le prix de la vente et celui du remplacement; et, dans le cas où le remplacement ne pourrait avoir lieu, le sieur Rozan demande condamnation contre le sieur Pissin à 600 fr. de dommages-intérêts.

Le sieur Pissin dénie formellement la vente.

Alors, le sieur Rozan invoque pour preuve le témoignage du tiers qui a conclu le marché son compte.

pour

Le sieur Pissin s'oppose à cette preuve, sur le motif que n'y ayant eu entre les parties ni traité écrit, ni rapprochement direct, aucune preuve ne peut être admise.

JUGEMENT.

Attendu que la vente alléguée par le sieur Rozan est désavouée par le sieur Pissin;

Attendu que le sieur Rozan demande à administrer, comme

unique preuve de la vente qu'il allègue, le témoignage de la personne qui aurait traité l'achat pour lui;

Mais qu'il résulte des 'explications fournies à l'audience que les parties n'ont point traité directement, et qu'ainsi, le témoignage qu'on invoque, serait celui du mandataire dn sieur Rozan et non d'une personne désintéressée en présence de laquelle les parties auraient traité;

Que si l'art. 109 du code de commerce autorise, en matière de vente, la preuve par témoins, il est aussi de règle que lorsque les parties n'ont pas traité directement, mais par ministère de courtier, le témoignage de ce fonctionnaire ne peut être admis comme preuve; qu'il ne serait pas rationnel d'accorder à une personne sans caractère une confiance que l'on refuse au courtier qui, par sa qualité d'officier public, présente bien plus de garantie;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter à la demande du sieur Rozan, met le sieur Pissin aîné hors d'instance et de procès, avec dépens.

Du 25 janvier 1839.- Prés. M. RABAUD aîné, chevalier de la Légion-d'Honneur.— Plaid. MM. MAURANDI pour Pissin, MASSOL-D'ANDRÉ pour

Rozan.

Assurance. Billet de grosse. - Délaissement.
Innavigablilité. Vice propre.- Baratterie.

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Fin de non-recevoir. Recours.-- Abandon du navire et du fret.

Le préteur à la grosse qui s'est fait assurer l'argent qu'il a prété sur un navire, peut-il faire délaissement à ses assureurs, pour cause d'innavigabilité survenue en cours de voyage, si cette innavigabilité est provenue non de fortunes, de

mēr, mais du vice propre du navire affecté à l'emprunt? (Rés. nég.)

Le préteur assuré peut-il, à l'appui de son délaissement, exciper à l'encontre de ses assureurs du défaut de réparations du navire, comme faute ou baratterie du capitaine, si l'armateur avait à bord un mandataire spécial, directeur du navire et de l'expédition. ? (Rés. nég.)

Dans de telles circonstances, le préteur ne peut-il réclamer la somme prétée que de son emprunteur? (Rés. aff.)

L'emprunteur, armateur du navire affecté à l'emprunt et déclaré innavigable, par suite de vice propre, peut-il s'exonérer de l'obligation de rembourser le préteur, au moyen de l'abandon du navire et du fret? (Rés. nég.)

(Huet contre assureurs et Agretti. )

Le 10 juin 1834, la dame Bonnefoy, épouse Huet, fait assurer à Marseille, par la compagnie d'assurances réunies de Bruxelles, une somme de mille francs sur argent prêté à la grosse, le 19 avril précédent, aux sieurs Agretti et Sicard, propriétaires et armateurs du navire Risoluto, commandé par le capitaine Stellato, de sortie de Marseille jusques dans un ou plusieurs ports, rades et anses du Brésil et retour à Marseille.

Le navire affecté à l'emprunt se rend à RioJaneiro, où il subit quelques réparations.

Il repart de là pour effectuer son voyage de re

tour; il relâché à Fernambouc où il est déclaré innavigable.

Le 3 décembre 1835, la dame Huet signifie délaissement à ses assureurs, et les assigne à fin de paiement de la somme assurée.

Elle fonde ce délaissement sur l'innavigabilité du navire Risoluto survenue en cours de voyage, et sur la faute ou baratterie qu'aurait commise le capitaine Stellato en ne faisant pas faire au navire, à Rio-Janeiro, des réparations suffisantes pour le mettre en état d'effectuer son voyage de retour.

Le 6 janvier 1838, elle assigne le sieur Agretti pour qu'il ait à lui tenir compte de la somme assurée, dans le cas où elle n'obtiendrait pas condamnation contre la compagnie.

Le 11 janvier 1838, les assureurs, de leur côté, assignent la dame Huet, et demandent reconventionnellement paiement de trente-cinq francs pour la prime à eux due à raison de l'assurance dont il s'agit.

Les assureurs soutiennent que la dame Huet n'est ni recevable, ni fondée dans son délaissement, parce que le navire il Risoluto, affecté à l'emprunt à la grosse, objet de l'assurance, n'ayant pas été déclaré innavigable par fortune de mer; mais par suite de son vice propre, la perte provenue de ce vice propre n'est pas à la charge des assureurs (code de commerce, art. 326).

A l'appui de cette défense, les assureurs excipent du jugement rendu le 29 avril 1836, entre le

sieur Agretti et ses assureurs sur corps du même navire (1).

Et de ce que le navire n'a pas été déclaré innavigable par fortune de mer, ils induisent que le prêteur a conservé tous ses droits contre ses emprunteurs.

La dame Huet répond que le jugement précité ne peut lui être opposé puisqu'elle n'y était pas partie;

Qu'elle est donc autorisée, malgré toutes inductions contraires qu'on voudrait tirer de ce jugement, à soutenir que l'innavigabilité du navire Risoluto est provenue de fortunes de mer; lors, surtout, qu'il résulte du rapport des experts qui ont visité le navire à Fernambouc, qu'il avait éprouvé des fatigues de mer dans sa navigation;

Qu'il y a toujours présomption, lorsque le navire, visité au lieu du départ primitif a été jugé en bon état, que l'innavigabilité survenue dans le voyage à la suite du mauvais temps, a été le résultat d'accidens de mer et ne peut être attribuée au vice propre du navire, qu'autant que ce vice propre est clairement prouvé, preuve que les assureurs ne rapportent pas;

Que s'il est reconnu, comme on ne peut s'y refuser dans l'espèce, que sans les accidens de mer éprouvés par le navire Risoluto, il eût pu se rendre au lieu de sa destination, ces mêmes accidens sont à la charge des assureurs;

Ou, si c'est au défaut de réparations suffisantes

(1) Koy, ce Recueil, tom, XVI, are part,, pag, 193,

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