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la loi du 16 septembre 1807, a donné aux arrêts de la cour de cassation, indépendamment de l'autorité de doctrine, une force morale et législative;

Que, si un arrêt isolé ne peut former jurisprudence, il n'en est point ainsi d'une série d'arrêts uniformes et puissamment motivés, émanés des diverses sections de la cour régulatrice;

Que c'est, sans doute, par ce motif, que les chambres législatives, investies de pétitions à ce sujet, se sont abstenues de provoquer ou de proposer aucune loi sur cette matière; la jurisprudence de la cour suprême suffisant à l'interprétation de la loi, fondée qu'elle est sur des considérations d'ordre public et de bonne administration;

Que les magistrats, essentiellement hommes d'ordre et de conservation, en imitant cet exemple, doivent faire cesser une lutte funeste au bien de la justice;

LE TRIBUNAL, faisant droit anx fins prises par les sieurs Gérard, Michel et Blanc, sans s'arrêter aux fins et exceptions contraires du sieur Sachet et des commissaires-priseurs de la ville de Marseille, fait inhibitions et défenses au sieur Sachet de faire procéder à la vente, à l'encan et en détail, des marchandises neuves, en porcelaines, cristaux et autres, par le ministère des commissaires-priseurs; fait inhibitions et défenses à ces officiers de lui prêter leur ministère, sous toutes les peines de droit; condamne le sieur Sachet aux dépens.

Du 25 août 1838. Prés. M. REGUIS, chevalier de la Légion-d'Honneur. Plaid. MM. SEYTRES pour les opposans; JULES ROUX pour Sachet, BROQUIER pour les commissaires-priseurs.

Succession bénéficiaire.-Marchandises. - Vente Commissaires-priseurs,

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publique. Courtiers.

Les courtiers de commerce ont-ils le droit exclusif de procéder aux ventes publiques des marchandises comprises dans les tableaux dresses en exécution du décret de 1812, lors même que ces marchandises dépendent d'une succession acceptée sous bénéfice d'inventaire au nom d'héritiers mineurs? (Rés. aff.)

(Les commissaires-priseurs de Rouen contre Massot et les courtiers de commerce.)

LE 13 janvier 1838, décès du sieur Roulland, négociant en vins et eaux-de-vie à Rouen.

Le sieur Massot, au nom de ses enfans mineurs, accepte la succession sous bénéfice d'inventaire.

Le 16 mars, le sieur Massot obtient, sur sa requê-te, autorisation du tribunal de commerce de Rouen de faire procéder par le ministère de Me Faucon, courtier de commerce, à la vente publique des marchandises restées dans les magasins du défunt.

Les commissaires-priseurs de Rouen signifient opposition à cette vente, mais elle a lieu malgré cette opposition.

Alors le syndic des commissaires-priseurs assigne devant le tribunal civil le sieur Massot, le courtier Faucon et le syndic des courtiers, à fins de condamnation contre les deux premiers à l'amende et à 5,000 fr, de dommages-intérêts, et à fins de faire

ordonner, à l'encontre du syndic, que défenses seront faites aux courtiers de commerce de Rouen de procéder, à l'avenir, à la vente des objets mobiliers et marchandises dépendant d'une succession bénéficiaire.

Le 3 juillet 1838, jugement qui rejette la demande des commissaires-priseurs.

Appel.

ARRÊT.

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Sur les conclusions conformes de M. LETENDRE de TOURVILLE avocat-général;

Attendu que, par la loi de leur institution, en date du 28 ventôse an ix, les courtiers de commerce ont été autorisés à constater le cours des marchandises et à justifier devant les tribunaux ou arbitres la vérité et le taux des négociations, ventes et achats;

Que, dans l'art. 11, le gouvernement s'est réservé, pour l'exécution de la loi, la faculté de faire les règlemens qui seraient nécessaires;

Que la législation postérieure a, depuis, donné une extension beaucoup plus considérable aux attributions des courtiers.

Que, d'abord, d'après l'art. 492 du code de commerce, ils ont été autorisés, sur la réquisition des syndics, à vendre aux enchères publiques les effets et marchandises des faillis;"

Que l'exercice de ce droit, limité au cas de faillite, a depuis été généralisé par le décret du 22 novembre 1811;

Qu'en effet, d'après les dispositions de ce dernier décret, les courtiers ont été investis du droit de faire, dans tous les `cas, même à Paris, les ventes publiques de marchandises à la bourse et aux enchères, mais à la charge par eux d'obtenir l'autorisation du tribunal de commerce;'

Que cette faculté générale a, depuis, été réglée et modifiée par le décret du 17 avril 1812, sans détruire, toutefois, ce

principe d'attribution créé en faveur des courtiers, dans l'intérêt du commerce;

Qu'ainsi, dans ses dispositions réglementaires, le décret du 17 avril 1812 a prescrit aux tribunaux et aux chambres de commerce de dresser un état des marchandises dont il pourrait être nécessaire, dans certaines circonstances, d'autoriser la vente à la bourse et aux enchères;

Que ce même décret, en limitant le ministère des courtiers aux ventes publiques de marchandises d'une certaine importance, a indiqué le mode et les conditions suivant lesquels ils devraient procéder à la vente;

Qu'enfin, une ordonnance du 9 avril 1819 a levé les inconvéniens et les obstacles résultant de la double nécessité de faire les ventes à la bourse et de créer des lots qui ne fussent pas au-dessous de 1,000 fr.;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de cette législation que les courtiers ont reçu, de la loi et des actes du gouvernement, le droit de vendre aux enchères publiques certaines marchandises, en se soumettant, d'ailleurs, pour l'exercice de ce droit, aux diverses prescriptions qui leur ont été imposées;

Que le but qu'on s'est proposé a été de tracer, dans l'intérêt même du commerce, une ligne de démarcation entre les attributions des courtiers et celles des commissaires-priseurs ;

Qu'aucune distinction n'a été faite entre les ventes volontaitaires et les ventes forcées; que les unes et les autres ont été placées, sous certaines restrictions, dans les attributions des courtiers;

Qu'ils ont le droit de vendre, dit le décret, les marchandises désignées dans les états dressés par les tribunaux de commerce; qu'il importe peu que les marchandises dont il s'agit au procès fassent partie de l'actif d'une succession acceptée sous bénéfice d'inventaire au nom de mineurs; que c'est l'objet et non la nature de la vente que le législateur a eu en vue pour ne pas contrarier les opérations du commerce de détail;

Que la législation spéciale, ci-dessus rappelée, a, d'ailleurs, pourvu à toutes les garanties qui peuvent assurer aux propriétaires de marchandises le recouvrement des prix de vente qui seraient dus par les acheteurs;

Que l'argumentation tirée de quelques dispositions du code civil et du code de procédure n'est pas concluante; que les objections présentées à cet égard, quelque graves qu'elles soient, ne peuvent produire l'effet de paralyser le pouvoir expressément conféré aux courtiers par une législation postérieure;

Que c'est moins aux règles du droit commun qu'il faut recourir pour constater les attributions des officiers publics, qu'aux lois spéciales qui ont eu pour objet d'en déterminer la nature et l'étendue;

Que les formalités et les conditions imposées par la vente aux enchères de certaines marchandises, ont été préscrites dans l'intérêt du commerce, par une législation exceptionnelle devant laquelle devraient, d'ailleurs, fléchir les dispositions contraires du droit commup;

Qu'au surplus, dans l'état actuel de la législation, les courtiers de commerce ne sont pas de simples agens commerciaux, mais bien des officiers publics, donnant une certaine authenticité à leurs actes, fixant le cours légal des marchandises, chargés de les vendre, tantôt à l'amiable, tantôt par suite d'autorisations judiciaires, soumis en outre à une reponsabilité dont leur cautionnement est la garantie;

Attendu que, dans l'espèce, les marchandises dont le tribunal de commerce a autorisé la vente figurent au tableau dressé en exécution du décret de 1812, et que les formalités particulières exigées par les lois, décrets et ordonnances, ont été accomplies;

LA COUR confirme.

Du 29 août 1838.-Cour royale de Rouen; première chambre. Prés. M. FERCOQ. Plaid. MM. SENARD et DESSEAUX.

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