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Attendu qu'on ne saurait donner plus d'extension à l'art! 93 du code précité; sans en méconnaître et l'esprit et le texte, et, soit qu'on l'isole, soit qu'on le rapproche de l'art. 95, il devient évident que le droit de préférence qu'il accorde est un privilége spécial, c'est-à-dire, que les avances doivent être faites en vue des marchandises attendues, et sous la foi de cette garantie; quẻ, sous ce point, la jurisprudence n'a jamais varié; qu'il n'y a rien de contraire à induire de l'arrêt Chauvet rendu en 1816 par la cour de cassation, qui paraît s'être surtout décidée, parce que de nouvelles avances avaient encore été faites par le commissionnaire sur la foi de consignation de marchandises;

Attendu que deux conditions sont exigées pour l'exercice du privilége accordé par l'art. 93, à savoir, des avances sur les marchandises confiées au commissionnaire, et l'expédition à lui faite d'une autre place que celle où il réside;

Attendu que si l'on ne peut raisonnablement contester à Jacq. Laffitte et comp. la qualité de commissionnaire, et s'il faut également reconnaître que, dans l'espèce, les marchandises du navire l'Aglaé étaient expédiées d'une autre place, et que le connaissement à ordre desdites marchandises avait été régulièrement négocié le 29 avril dernier par Duval, à la maison de banque ci-devant nommée; il résulte néanmoins des documens de la cause, que les avance de cette maison à Duval n'ont jamais été faites en contemplation des marchan→ dises du navire l'Aglaé; que c'est, au contraire, sur la remise du connaissemeut de l'Alexandre que Jaq. Laffitte et comp. ont fait une avance de 40,000 fr.; que cette substitution d'un connaissement à l'autre ne saurait être assimilée à de nouvelles avances; que la créance est restée la même; que si, aujourd'hui, elle a perdu le privilége qu'elle avait originairement, cela tient à la remise imprudente du connaissement du navire l'Alexandre;

Attendu qu'en exécution de l'arrêt de cette Cour, du 25

août dernier, des marchandises revendiquées par les appelans ayant été vendues et le prix encaissé par la maison Laffitte et comp., il ne s'agit plus que de l'attribution de ce prix; LA COUR réforme et fait droit à la demande en revendication des appelans (1).

Du 29 deuxième chambre. ·

novembre 1838.- Cour royale de Rouen, Prés. M. SIMONIN; Plaid.

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MM. CHERON, SENARD et DESsaux.

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La société formée entre deux courtiers de commerce pour l'exercice de leur profession, et le · partage des bénéfices qui peuvent en résulter, est-elle une société commerciale? ( Rés. aff. ) Par suite, l'obligation souscrite par les deux courtiers associés pendant la durée de leur société et pour les besoins de la société, les soumet-elle à la juridiction commerciale? (Rés. aff.)

Par suite encore, sont-ils tenus solidairement du paiement de leur obligation, quoiqu'ils ne l'aient pas souscrite sous leur raison sociale, mais sous la signature individuelle de chacun d'eux? (Rés. aff.)

(1) Voy. ce Recueil, tome x1, 2e part., pag. 400; tome XII, 1re part., pag. 53 et 225, 2e part., pag, 1, et présent tome, 1re part., pag. 1.- Voy. Journal du Palais, tome II de 1838; pag. 557; Jurisprudence de la cour royale de Rouen, vol. 1838, pag. 560.

(Souet contre Giraudet.)

Les sieurs Souet et Péraut, courtiers de commerce à Nantes, s'étaient associés par convention verbale, pour l'exercice de leur profession.

Le 10 janvier 1838, ils empruntent du sieur Giraudet, pour les besoins de leur société, une somme de 7,000 fr.

Par une obligation souscrite sous la signature. individuelle de chacun d'eux, ils s'engagent à rembourser la somme empruntée, à la volonté du sieur Giraudet, à la charge, toutefois par celui-ci de les prévenir quinze jours d'avance.

Le 30 mai 1838, un jugement du tribunal de commerce de Nantes, rendu à la poursuite du sieur Souet, déclare dissoute la société avec le sieur Péraut.

Le 1er juin suivant, le sieur Giraudet prévient ses débiteurs qu'il veut être remboursé de la somme qu'il leur a prêtée.

Le sieur Souet prétend d'abord n'avoir à rem bourser que 1,500 fr., parce qu'il n'a profité que de cette somme sur celle de 7,000 fr.; il consent, ensuite, à rembourser la moitié.

Mais le sieur Giraudet assigne ses deux débi teurs devant le tribunal de commerce de Nantes, et demande contre eux une condamnation solidaire.

Le sieur Souet insiste à n'offrir que la moitié de la somme réclamée, par la raison que le billet so uscrit par Peraut et lui, étant sous leur signature sociale Souet et Peraut affectée à leurs fonctions

de courtier, cette obligation n'avait aucun rapport à leur association.

Le 22 août 1828, jugement qui condamne Souet et Péraut, solidairement, envers Giraudet.

Les motifs de ce jugement sont :

Que la société qui avait existé de fait et verbalement entre Souet et Péraut pour l'exploitation de courtage avait aussi le caractère commercial;

Que c'est pendant l'existence de cette société que l'obligation de 7,000 fr. a été souscrite;

Qu'en principe, l'obligation de faire usage de la raison sociale n'ayant lieu que lorsque l'un des associés s'engage seul pour tous les autres, il s'ensuit qu'encore, bien que l'engagement du 10 janvier eût été pris individuellement, Souet n'en étaient et n'en sont pas moins débiteurs solidaires de la même manière que s'ils avaient pris cet engagement sous la raison sociale.

Appel de la part de Souet devant la cour royale de Rennes.

Aux moyens soutenus en première instance, il ajoute :

Que le tribunal de commerce était incompétent ratione materiæ:

10 Parce que la convention entre deux courtiers d'exploiter en commun leurs charges ne constitue pas une société commerciale, mais bien une société civile;

2o Parce que l'obligation dont il s'agit ne présente aucun caractère commercial;

Et de ce que, suivant lui, l'obligation était purement civile, il induit que le créancier ne pouvait

réclamer la solidarité qu'autant qu'elle aurait été expressément stipulée.

ARRÊT.

Considérant que la profession de courtier a spécialement pour objet de faire habituellement des actes de commerce; qne, dès lors, et quoiqu'ils ne fassent pas ces actes pour leur propre compte, ils doivent être, de même que les commissionnaires, réputés commerçans, aux termes de l'art. 1er du code de commerce, qui qualifie ainsi quiconque exerce des actes de commerce et en fait sa profession habituelle, sans en excepter ceux dont la profession consiste à ne faire ces actes que pour le compte d'autrui; que c'est par ce motif que l'art. 89 du même code prévoit le cas où des courtiers viendraient à tomber en faillite; ce qui ne pourrait pas arriver s'ils n'étaient pas commerçans; que c'est, encore, d'après le même principe, que toute opération de courtage, en général, rentre dans les attributions des tribunaux de commerce, suivant l'art. 632 du code précité, de même que toute autre opération commerciale;

Considérant qu'il est reconnu que Souet et Péraut, tous les deux courtiers à Nantes, s'étaient associés par convention verbale pour l'exploitation de leurs offices et l'exercice de leur profession; que l'on pourrait même ajouter que la société s'est étendue jusqu'à prendre des intérêts sur des navires; mais que cette dernière circonstance n'eût-elle pas eu lieu, la société n'en eût pas moins été essentiellement commerciale, pnisqu'elle avait pour objet de faire des actes de commerce en qualité de courtier, et partager les produits ou bénéfices qu'ils pourraient en retirer; qu ils étaient, dès lors, justiciables des tribunaux de commerce pour tout ce qu'ils faisaient en leur qualité d'associés;

Considérant que ce fut pendant la durée de cette société que Souet et Péraut consentirent, le 10 janvier 1838, une obligatiqu de 7,000 fr au profit de Giraudet;

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