Page images
PDF
EPUB

affecté aux travaux d'art dans les fleuves et rivières, il est tout naturel d'assujettir à sa perception tous les bâtimens sans distinction qui profitent de ces travaux ; que tel est le cas des navires qui montent à Rouen ou qui en descendent, quelle

que

soit l'étendue de leur navigation; mais que le paiement du droit ne change aucunement la nature de cette navigation; que, dès lors, nonobstant ce paiement, le navire qui partira de Rouen pour l'Amérique, fera un voyage de long cours, de la même manière qu'en s'arrêtant au Hâvre, il ferait une navigatiou de petit cabotage;

Attendu que les navires à vapeur la Seine et la Normandie, comme faisant une navigation maritime sont soumis à toutes les conditions imposées par la loi en pareil cas; qu'il est important d'analyser ces conditions et de faire ressortir ainsi la différence qui existe entre les deux navigations;

Attendu que, sauf le paiement de l'octroi de navigation et l'observation de quelques arrêtés peu importans, la navigation fluviale est sans entraves; que les mariniers exercent librement leur profession; qu'ils n'ont, dans leurs rapports avec leurs chefs, d'autres règles à observer que celles qui dérivent des lois générales, civiles ou de police; qu'on a donc pu, sans inconvénient, soumettre l'industrie qui se pratique par cette navigation à l'impôt indirect établi par la loi de 1817; Mais attendu que la navigation maritime est l'objet d'une infinité de restrictions prescrites par l'intérêt général;

[ocr errors]

......

que d'un autre côté, les propriétaires de bâtimens faisant la navigation maritime ont à remplir diverses obligations dont sont affranchis les bâtimens de la navigation fluviale;

qu'il faut

en conclure que toutes les lois fiscales qui, dans le but; d'augmenter les recettes du trésor, feraient passer les deux navigations sous le même niveau, seraient en même-temps injustes et impolitiques : injustes, parce qu'elles ne tiendraient pas compte des différences qui existent entre ces deux navigations et des charges particulières qui pèsent sur la navigation

[ocr errors]

maritime; impolitiques; parce que la navigation maritime est la pépinière d'où sortent les marins qui doivent servir les bâtimens de l'état, et qu'on doit éviter toutes mesures qui tendraient à entraver son essor;

Mais attendu que de tels reproches ne peuvent, dans la cause, être adressés à la loi de 1817, parce que, évidemment, elle ne s'occupe pas d'une navigation comme celle des navires. la Normandie et la Seine;

.......

Qu'elle s'occupe des voitures de terre ou d'eau partant à volonté ou d'occasion et des voitures à service régulier; qu'il serait ridicule de classer la Normandie et la Seine dans la première catégorie, mais qu'il l'est presque autant de parler de la régularité du service de ces navires;

Qu'assujettir, dans un tel état de choses, les propriétaires de ces navires, à la déclaration du nombre des places, prescrite par la loi, c'est exiger d'eux l'impossible, c'est tendre un piège à leur bonne foi; qu'il est encore plus impossible de les astreindre à fixer dans cette déclaration les jours et heures de leur départ;

Que, lorsque ces navires sont munis de l'acte de francisation et du congé, qui sont délivrés par l'administration des douanes, on se demande en vain pourquoi ils auraient besoin de la licence et du laissez-passer prescrits par l'art. 115 de la loi de 1817; pourquoi il serait nécessaire de les marquer d'une estampille, comme un cabriolet de place;

Attendu que l'étonnement rcdouble lorsqu'on songe que l'inobservation de ces formalités, aussi impossibles qu'inutiles, dans l'espèce, est prescrite par l'art. 122 de la loi de 1817, à peine de confiscation, et que, dès lors, la perte qui en résulterait pour le propriétaire d'un navire comme la Seine serait de plus de 300,000 francs;

Qu'il est donc évident que la loi de 1817, décrétée en vue d'entreprises différant entièrement de celle dont il s'agit au procès, est entièrement inapplicable à un ordre de choses qui ne pouvait être prévu au moment de sa promulgation; qu'ici se présente, dans toute sa force, le principe qu'en matière d'impôt, les lois sont de droit étroit;

Attendu que l'administration des Contributions indirectes insisterait vainement en disant que, pour une partie, au moins, du voyage, il y a transport de voyageurs sur le territoire du royaume; et que ce transport doit être atteint par la loi de 1817; que cette loi ne contient aucune disposition qui puisse permettre de scinder ainsi un voyage maritime, pour en métamorphoser une partie en voyage fluvial; qu'elle n'indique aucune base d'après lesquelles on puisse opérer une semblable division; que l'impôt ne peut être ainsi laissé à l'arbitraire; que la loi de 1817 est donc sans application;

Qu'il importe peu d'ailleurs que la Seine et la Normandie reçoivent quelquefois des voyageurs sur la route et dans le fleuve; qu'aucune loi ne l'interdit à une entreprise de transports maritimes; qu'on ne peut pas le défendre à ces navires plus qu'on ne le défendrait aux allèges qui font périodiquement le voyage du Havre à Rouen;

...

....

qu'en présence du concours universel de l'opinion de tous les agens de l'administration, l'obstination des employés des Contributious indirectes est inconcevable;

Qu'il est évident qu'il y aurait une iniquité flagrante à soumettre la même entreprise aux perceptions de deux administrations financières; sous le prétexte de la placer sur le pied de l'égalité avec d'autres entreprises qui ne reconnaissent qu'une seule de ces administrations..

QUATRIÈME ESPÈCE.

L'administration des Contributions indirectes a soutenu un pareil procès à Nantes, contre la Compagnie d'un bateau à vapeur faisant les voyages de Nantes à Bordeaux; le tribunal de Nantes a jugé dans le même sens que les tribunaux de Caen, de Rouen et du Havre (1).

(1) Voy. Jurisprudence de la Cour royale de Rouen, par MM. CHERON et SENARD, tom, de 1838, pag. 584. - Mémorial du Commerce de Paris, tom. 11, 2me part,, pag. 435, et tom. 111, 2me part., pag. 122 et 168.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Est-il indispensable, pour fonder la compétence du tribunal de commerce, que les deux parties soient commerçantes? (Rés. nég.)

La qualité de commerçant de celui qui s'oblige, suffit-elle pour faire admettre, jusqu'à preuve contraire, la présomption légale d'un engagement de commerce, et par suite, pour déterminer la compétence commerciale? (Rés. aff.)

Cette présomption s'étend-elle à tous les engagemens contractés par un commerçant, soit verbalement, soit par écrit? (Rés. aff.) En conséquence, lorsque celui qui assigne un commerçant devant le tribunal de commerce à raison d'une obligation verbale dont il offre de prouver, par témoins, l'existence et le caractère commercial, le tribunal peut-il, sans avoir préalablement admis cette preuve et vérifié, par ce moyen d'instruction, la nature de la créance se déclarer incompétent? (Rés. nég.)

(Douillet contre Lemy.)

LE sieur Douillet, non commerçant, assigne le sieur Lemy, commerçant, devant le tribunal de commerce de Dinan, à raison de divers prêts d'argent faits à celui-ci pour son commerce. Le sieur Lemy décline la compétence du tribunal IIшe P.

T. XVIII.

9

de commerce, sur le motif que les deux parties ne sont pas commerçantes et que les emprunts qu'il a faits au sieur Douillet n'ont pas une cause commerciale.

Alors, le sieur Douillet demande à prouver, par témoins, qu'il a prêté de l'argent au sieur Lemy pour son commerce.

Le tribunal se déclare incompétent.
Appel de la part du sieur Douillet.

ARRÊT INFIRMATIF.

Considérant que l'art. 632 du code de commerce attribue à la juridiction commerciale toutes les contestations relatives aux engagemens et transactions entre négocians, marchands et banquiers;

Que de ces expressions entre négocians, il ne faut pas induire qu'il soit indispensable, pour fonder la compétence commerciale, que les deux parties soient commerçantes;

Que la présomption légale d'engagement commercial, qui détermine la compétence des tribunaux de commerce, se déduit suffisamment de la qualité de commerçant de celui qui s'est obligé;

Que cette présomption de la loi qui ne doit céder qu'à la preuve contraire, résulte manifestement de l'art. 638 du même code, dans lequel on lit: Les billets souscrits par un commerçant sont censés faits pour son commerce; que dans cette disposition, ces mots : les billets, sont purement déclaratifs et non limitatifs": d'où la conséquence que la présomption dont nous parlons s'étend, sans distinction, à tous les engagemens soit écrit ; contractés par un commerçant soit verbalement, par

Considérant que la demande basée sur l'allégation d'un engagement commercial, même non écrit, suffit pour saisir un tribunal de commerce, qui, dès lors, doit connaître de la preuve de cet engagement, aussi bien que des effets qu'il

« PreviousContinue »