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dunavire, excédant les trois-quarts de sa valeur, soit en raison du coût excessif des réparations dont il aurait eu besoin, doit-elle être présumée provenir de fortunes de mer et non du vice propre du navire, quoiqu'il n'ait pas été visité au lieu d'où il est parti pour effectuer son voyage de retour, objet de l'assurance, s'il est constant que, visité au lieu du départ primitif et parti en bon état de navigabilité, il n'a éprouvé aucune avarie dans son voyage d'aller? (Rés. aff. ) En d'autres termes : Dans un voyage de long cours

comprenant, suivant l'usage, l'aller et le retour, lorsque le navire a été visité avant le voyage d'aller et jugé en bon état, une nouvelle visite n'est-elle nécessaire avant le voyage de retour, qu'autant que des avaries seraient survenues avant ce dernier voyage? (Rés. aff.)

La disposition de l'art. 374 du code de commerce qui oblige l'assuré à notifier l'avis du sinistre à l'assureur dans les trois jours de la réception, est-elle applicable au cas où l'assuré n'en a été instruit que par le retour de l'équipage? (Rés nég.)

Par suite, le délaissement signifié dans le délai fixé par l'art. 373 du code de commerce, est-il admissible, nonobstant le défaut de notification préalable, aux assureurs, de l'événement qui y donne lieu? (Rés. aff.

(Biarnès contre assureurs. )

LE sieur Biarnès avait expédié de Bordeaux le

navire l'Edouard, commandé par le capitaine Régnier, pour Sainte-Marthe et Rio-de-la-Hache. Ce navire, visité au départ, avait été reconnu en état de faire un voyage de long cours.

Il était arrivé heureusement à Sainte-Marthe.

En 1835, le sieur Biarnès fait assurer 21,000 fr. sur corps de ce navire par divers assureurs de Nantes, pour le voyage de retour de Sainte-Marthe, soit de Rio-de-la-Hache à Bordeaux.

Le 23 décembre 1835, l'Edouard remet à la voile pour Bordeaux, sans avoir été soumis à une nouvelle visite.

Peu de jours après, il éprouve de mauvais temps qui lui causent de graves avaries, lui occasionent une voie d'eau de 48 pouces à l'heure et obligent le capitaine à relâcher.

Le premier janvier 1836, le navire entre dans le port de Kingstown, île de la Jamaïque.

Le 2 janvier, le livre de bord contenant la relation de ces événemens est visé par un sieur Badley, dont la qualité n'est pas mentionnée.

Le 14, le navire est visité par trois experts qui le déclarent innavigable.

Le 30, le rapport de ces experts est confirmé par trois officiers de la marine anglaise, nommés par le commodore commandant la station de la Jamaïque.

Enfin, le 30 janvier, le capitaine, à défaut d'autorités françaises sur les lieux, fait son rapport devant le juge-de-paix de Kingstown.

Le 9 avril 1836, l'équipage du navire l'Edouard revient en France.

Le sieur Biarnès apprend, alors, la perte de son navire.

Le 14 février 1837, il signifie délaissement à ses

assureurs.

Ceux-ci contestent; ils excipent du défaut de visite du navire à son départ de Sainte-Marthe, de la tardiveté de son consulat ou rapport de navigation à Kingstown, de l'irrégularité des formalités suivies par le capitaine au lieu de relâche, notamment de l'illégalité de l'expertise par suite de laquelle le navire a été déclaré innavigable.

Ils soutiennent qu'en l'état de tous ces faits, la présomption est que l'innavigabilité du navire est provenue de son vice propre.

Que, dès lors, le délaissement n'est pas admissible.

La contestation est portée devant le tribunal de commerce de Nantes.

Jugement qui rejette le délaissement.

Appel de la part du sieur Biarnès devant la cour royale de Rennes.

Le 19 février 1838, arrêt infirmatif qui valide le délaissement et condamne les assureurs au paiement de la somme assurée.

Les motifs de cet arrêt sont ainsi conçus :

Considérant que le navire l'Edouard était parti pour se rendre, soit à Sainte-Marthe, soit au Rio-de-la-Hache, et que c'était, par conséquent, dans l'un de ces deux ports que devait se terminer le voyage d'aller; que, sur le livre de bord,

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il est attesté, le 12 novembre 1835, par l'agent français à Sainte-Marthe, que Régnier, capitaine de l'Edouard, après deux tentatives inutiles, renonça au dessein d'atteindre le Rio-de-la-Hache, sur le conseil d'un pilote-pratique de ces mers, qui jugea cette entreprise impraticable dans cette saison; qu'il suit de là que, lorsque l'Edouard appareilla, le 23 décembre suivant, de Sainte-Marthe, il commença son voyage de retour;

Considérant qu'il n'est pas appris que l'assuré ait eu avis du sinistre avant le retour de l'équipage; que ce retour ayant été opéré le 9 avril 1836, et le délaissement notifié le 14 février 1837 (avant l'expiration d'un an), cette formalité a été accomplie dans le délai légal;

Considérant que Régnier, étant en terre étrangère, a pu éprouver du retard ou des refus auxquels il n'aurait pas été exposé dans un port natioual; que, si le capitaine n'a fait son rapport au juge-de-paix du Fort-Royal de la Jamaïque que le 30 janvier, où il était arrivé cependant le 1er, rien ne constate qu'il ait été maître de le faire recevoir plutôt; qu'il énonce dans ce rapport s'être adressé, dès le 2, au bureau compétent, et que si, à la vérité, il ne produit pas une attestation probante de sa déclaration, on voit, du moins, que des officiers de la marine Britannique visitèrent son bâtiment, le 14 janvier, par ordre de leur commodore, ce qui suppose une démarche préalable de Régnier envers cet officier, laquelle peut ainsi remonter aux premiers jours du mois;

Considérant, que le livre de bord ne contient aucune irrégularité qui en rende la sincérité suspecte, et que, si l'expertise qui condamne le navire émane de trois hommes qui auraient été choisis par une personne restée inconnue au procès, elle est confirmée par trois officiers de la marine royale Britannique désignés par le commodore, commandant la station de la Jamaïque, puisqu'ils disent agir en exécution de ses ordres :

Considérant que, dès que le navire est parti en état de navigabilité, de Bordeaux pour un voyage de long cours, qu

comprend, dans le langage ordinaire, l'aller et le retour, la présomption est que l'innavigabilité, ainsi arrivée dans le cours du voyage, est survenue par fortune de mer, et que rien › dans la cause, ne détruit cette présomption;

Considérant que le sinistre n'a pu survenir pendant le voyage d'aller, car le navire n'avait pas de voie d'eau avant son dernier départ de Sainte-Marthe; c'est depuis, qu'il a fait quarante-huit pouces d'eau par heure, cassé son beaupré à la lieure, et le livre de bord ne parle d'aucune avarie arrivée dans les traversées ou mouillages antérieurs ;

Considérant que, si une voie d'eau, quelque considérable qu'elle soit, ne rend pas toujours un navire innavigable, les experts ont eu à prendre en considération la différence du prix de main-d'œuvre et d'agrès dans les Colonies et en Europe;

Considérant qu'il est appris par le livre de bord que le capitaine loua de simples manœuvres pour servir les pompes, à raison d'une gourde et demie, près de huit francs, par 24 heures, et leur nourriture en sus; qu'il est sensible que lés agrès doivent être fort chers à la Jamaïque, où il faut les importer soit du continent Américain, soit d'Europe; et c'est cette seule considération, jointe à la destination de l'Edouard qui explique l'assertion des experts, lorqu'ils avancent qu'après les réparations dont le navire avait besoin, il n'atteindrait pas la valeur de ses réparations, parce qu'elles auraient été payées à la Jamaïque, et que le bâtiment aurait été conduit en France;

Considérant que ce prix excessif de la main-d'œuvre a dû d'autant plus détourner d'employer des ouvriers de la colonie à réparer l'Edouard, qu'il fut vérifié que sa flottaison était vermoulue; que le procès-verbal n'établit point, d'ailleurs, que les piqures de vers aient été la cause de la voie d'eau ni de l'innavigabilité; que, dans tous les cas, ces accidens s'étaient développés dans les mers tropicales, puisque l'Edouard était parti sain de Bordeaux, et avait été caréné à Dieppe quatre mois auparavant; qu'il s'ensuit qu'ils doivent être regardés

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