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que le propriétaire des effets chargés sur le pont ne peut forcer les autres consignataires à contribuer à la perte de ses effets; que les accords particuliers entre le capitaine et le chargeur pour le placement des effets sur le tillac ne peuvent préjudicier aux autres chargeurs.

Mais que l'art. 421 ne dit pas que la convention particulière entre le capitaine et le chargeur reste sans effet entr'eux; loin de là, la disposition finale de ce même article réserve au propriétaire des effets jetés son recours contre le capitaine ;

Que ce recours peut être de nature différente ’ suivant la diversité des cas;

Que si le capitaine a chargé sur couverte sans l'autorisation du propriétaire, la perte retombe toute entière à sa charge, d'après l'art. 229 du même code;

Et si le chargement a été fait sur le tillac, du consentement du chargeur, le préjudice causé par le jet des objets ainsi placés, n'est plus qu'un dommage souffert pour le salut commun et que la loi

déclare avarie commune;

Or, que, dans l'espèce, le chargement sur tillac ayant eu lieu du consentement du chargeur, propriétaire des objets jetés et, en même-temps, du restant de la cargaison, il y a évidemment lieu d'admettre les objets jetés en avarie commune;

Qu'une telle solution est éminemment morale et conforme à l'esprit de la législation maritime qui dans toutes ses dispositions, s'est efforcée d'in

téresser le capitaine à la conservation des mar chandises qui lui sont confiées, tandis que si les effets jetés, en pareil cas, ne donnaient ouverture å aucune action contre lui, le capitaine aurait toujours intérêt à se débarrasser de marchandises qui, placées sur le pont, lui sont toujours plus ou moins incommodes.

JUGEMENT.

Vu le rapport des sieurs Cabanellas, Garcin et Reynaut, experts' nommés par jugement du tribunal de céans, du onze octobre, mois dernier;

Vu les art. 229, 400, 403 et 421 du code de commerce;

Attendu qu'il résulte du rapport du capitaine Amiel, qu'il est parti d'Aigues-Mortes le vingt-neuf août dernier, avec la bombarde française le Vigilant, chargée de vin pour Alger; que le douze septembre suivant, il aperçut la côte d'Afrique et reconnut Torre-Chica; que le tréize, à trois heures du matin, il fut assailli par un gros temps, lequel, se renforçant à chaque instant, l'obligea à faire tous ses efforts, afin de s'éloigner de la côte et éviter de se perdre; que, pour faciliter les manœuvres, il fut obligé de jeter à la mer les câbles, grelins, drisses, bonettes, etc., qu'il aurait fait porter sur le pont dès qu'il avait aperçu terre; que ce jet, n'allégeant pas suffisamment le navire, et le temps devenant de plus en plus mauvais, il avait fait successivement défoncer et jeter à la mer plusieurs futailles de vin qui avaient été chargées sur le pont;

Attendu que la mise sur le pont du câble, du grelin, etc., dès qu'on aperçut Torre-Chica, afin d'être à même de prendre terre et de les placer sur les futailles embarquées sur le tillac, est une allégation spécieuse; car, si, selon son rapport, le capitaine a dû faire tous ses efforts pour s'éloigner de la terre, presqu'aussitôt quelle fut aperçue, et si, pour le faire avec

plus de facilité, il a dû débarrasser et alléger le pont par un jet à la mer des objets qui s'y trouvaient placés, ce n'est pas, lorsqu'il était si nécessaire que le pont fût aussi libre que possible, pour faciliter les manoeuvres, qu'il aurait été de la prudence du capitaine de l'embarrasser avec des cordages et autres objets inutiles dans la circonstance; d'où il suit, qu'en mettant les amarres, grelins, etc. sur le pont, le capitaine aurait aggravé sa position au lieu de la rendre meilleure; que, dès lors, les câbles, grelins, etc., qui, d'après la loi et les règlemens maritimes doivent, dès que l'on a quitté l'atterrage, être logés dans les lieux réservés aux objets non nécessaires aux manœuvres durant la route, se sont trouvés, à tort, sur le pont;

Attendu d'ailleurs que, dans tous les cas, la loi prescrit de jeter d'abord les objets les moins nécessaires, les plus pesans et de moindre prix; que le capitaine, en jetant les amarres, grelins, etc., évalués à mille quatre-vingt-quatre francs, dans le but d'alléger le navire, a fait une chose contraire à la loi et compromis le navire, puisqu'il l'a privé d'objets essentiellement utiles, sans pourtant que ce jet fût dans le cas de produire l'allégement désiré;

En ce qui touche le jet à la mer des muids et bordelaises placés sur le pont;

Attendu que si, selon les dispositions de l'art. 229 du code de commerce, le capitaine répond de tout le dommage qui peut arriver aux marchandises qu'il aurait chargées sur le tillac, sans le consentement du chargeur, ces dispositions ne peuvent avoir d'application dans l'espèce de la cause, puisque les muids et les bordelaises qui ont été défoncés ou jetés à la mer, avaient été chargés sur le pont, d'un commun consentement entre le capitaine et le propriétaire unique de la cargaison, qui se trouvait à bord pendant le voyage d'Aigues-Mortes à Alger, et que, par cette convention, les parties ont voulu le chargement sur couverte, dans un intérêt commun, le chargeur, pour faire transporter une plus grande quantité de marchandises, le capi

taine, pour gagner un nolis plus considérable, et ont, par ce accord, augmenté, pour ainsi dire, la portée du navire et voulu que le tillac fut assimilé à la cale.

LE TRIBUNAL dit que les cinq demi-muids défoncés et jetés à la mer, évalués à quatre cent soixante-deux francs quatrevingt centimes; que les dix-neuf bordelaises, également défoncées, évaluées à huit cent vingt-deux francs cinquante centimes, et les cinq demi-bordelaises à cent quinze francs, formant enseinble la somme de quatorze cents francs trente centimes, doivent être retirées des avaries particulières au navire pour être classées en avaries communes; homologue, pour le surplus, le rapport des experts, qui devront opérer la rectification ci-dessus ordonnée et mettre les dépens de l'instance et les frais de l'expertise dans l'état des avaries communes (1).

Du 6 novembre 1838. -Prés. M. LACROUTS, chevalier de la Légion d'Honneur.- Plaid. MM. URTIS, pour Naud; LONGUEVILLE, pour le capitaine.

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L'innavigabilité du navire est-elle suffisamment constatée, à l'encontre des assureurs, quoique les formes tracées par le code de commerce n'aient pas été suivies, si d'ailleurs le capitaine s'est

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(1) Sur le jet des agrès, voy. ce Recueil, tom. xv1, ire part., pag. 187. Sur les objets chargés sur le tillac, voy. tom. III 1re part., pag. 231 et 243; tom. v, 1re part., pag. 365, décision contraire, et tom. XV, re part., pag. 153, décision conforme.

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conformé à toutes les mesures prescrites par la législation du pays où le navire a abordé, et losqu'on n'allègue, de sa part, aucune intention de fraude? (Rés. aff.)

par le

En conséquence, le délaissement pour cause d'innavigabilité, est-il admissible, lorsqu'il est constant, d'après les preuves administrées capitaine, que les réparations à faire au navire pour le remettre en état de tenir la mer, auraient été hors de proportion avec sa valeur et qu'on aurait manqué des moyens d'exécution nécessaires pour les effectuer? (Rés. aff.)

(Pelletreau eontre assureurs.)

LES sieurs Pelletreau et fils, négocians à Bordeaux, propriétaires du navire l'Alexandre, avaient fait assurer ce navire par la compagnie d'assurances dite le Lloyd Français, à Paris, pour la somme de 50,000 fr.

Le navire assuré éprouve, dans la traversée de Calcutta à Bourbon, des avaries considérables à la suite desquelles il relâche à Pinang (1).

Là, le capitaine fait, d'abord, le rapport des événemens de sa navigation, devant un notaire juré. Ensuite, il fait visiter son navire par trois capitaines.

Ceux-ci remettent un rapport duquel il résulte

(1) Petit port de l'île dn prince de Galles,

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