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DE

JURISPRUDENCE COMMERCIALE

ET MARITIME.

SECONDE PARTIE.

DÉCISIONS DIVERSES, LOIS, Ordonnances, ARRÊTÉS ET
RÈGLEMENS ADMINISTRATIFS, EN MATIÈRE DE
COMMERCE DE TERRE ET DE MER.

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Les commissaires-priseurs sont-ils sans qualité pour procéder aux ventes de marchandises neuves, à l'encan et au détail? (Rés. nég. ) Les lois ne leur confèrent-elles que le pouvoir de vendre les meubles et effets mobiliers, sans étendre ces expressions aux marchandises qui font l'objet d'un commerce et n'ont encore été employées à aucun usage? (Rés. aff.)

T. XVIII. IIme P.

I

Les marchandises neuves ne peuvênt-elles étre vendues à l'encan, même par les courtiers de commerce, qu'autant qu'elles sont comprises dans les tableaux prescrits par le décret du 17 avril 1838? (Rés. aff.)

(Blanc, Gérard, Michel, contre Sachet et les commissairespriseurs de Marseille.)

LE sieur Sachet, marchand de porcelaines à Marseille, avait, plusieurs fois, fait vendre aux enchères et en détail des porcelaines dans son magasin, par le ministère d'un commissaire-priseur.

En 1838, il annonce une vente pareille pour le 9 juillet.

Les sieurs Blanc, Gérard et Michel, marchands de porcelaines à Marseille, veulent s'opposer à cette vente comme préjudiciable à leurs intérêts.

Le 7 juillet, ils font signifier au sieur Sachet et aux commissaires-priseurs un acte protestatif. Les commissaires-priseurs refusent alors leur ministère au sieur Sachet.

Gelui-ci les assigne et il assigne en même temps les sieurs Blanc, Gérard et Michel devant le tribunal civil de Marseille.

Il demande qu'il soit passé outre à la vente annoncée, par le ministère d'un commissaire-priseur, et il réclame contre les opposans 30,000 fr. de dommages-intérêts.

Le sieur Sachet reproduit le système employé dans les divers procès rapportés dans ce Recueil

pour attribuer qualité aux commissaires-priseurs à raison des ventes dont il s'agit.

Les opposans soutiennent le système contraire et s'appuient de la jurisprudence consacrée, à plusieurs reprises, par la cour de cassation (1).

JUGEMENT.

Attendu que la loi du 27 ventôse an 9, en créant des commissaires-priseurs à Paris, et celle du 28 avril 1816, en les établissant dans les départemens, ne confèrent point à ces officiers ministériels le pouvoir de vendre à l'encan et en détail des marchandises neuves;

Qu'on ne saurait induire cette faculté de ces mots insérés dans l'article premier de la loi du 27 ventôse an 9, que les ventes des effets mobiliers seront faites exclusivement par des commissaires-priseurs ;

Attendu que, par cette expression, le législateur n'a voulu désigner que des objets mobiliers ayant caractère de meubles, ou des marchandises qui ne sortent pas des ateliers d'un fabricant et qui ont déjà été employées à un usage quelconque;

Attendu qu'aux termes de l'art. 533 du code civil, le mot meubles ne comprend pas ce qui fait l'objet d'un commerce; Attendu que la vente des meubles a seule été dans la pensée du législateur, puisque la loi est iutitulée: Loi portant établissement de quatre-vingts commissaires-priseurs, vendeurs de meubles, à Paris ;

Que cette dénomination se trouve répétée dans divers articles de cette loi;

Que ces mots effets mobiliers semblent n'avoir été insérés

(1) Voy. ce Recueil, tom. xvi, 11e part., pag. 1; tom. XVII, IIe part., pag. 123.

dans l'article premier que pour éviter la triple répétition du mot meubles dans cet article;

Attendu que la législation de 1791, en proclamant la liberté du commerce, n'a pas entendu et n'a pu interdire aux législateurs et aux gouvernemens à venir toutes dispositions législatives ou réglementaires propres à déterminer l'usage et les limites de cette liberté dans l'intérêt public et celui du com

merce;

Attendu que les ventes à l'encan de marchandises neuves ont dû exciter la sollicitude du gouvernement, puisqu'elles étaient de nature à porter une atteinte grave aux intérêts du commerce en détail;

Que c'est dans cette vue que, sous l'ancienne législation comme sous la nouvelle, des mesures ont été prescrites pour protéger ce commerce;

Que, par les mêmes motifs, les décrets des 22 novembre 1811, 17 avril 1812 et l'ordonnance du 9 avril 1819 n'ont permis la vente à l'encan des marchandises neuves par le ministère de courtiers, qu'autant qu'elle est autorisée par les tribunaux de commerce et pour les marchandises comprises dans le tableau annexé à la loi, quant à Paris, et, quant aux départemens, dans les états dressés par les tribunaux et chambres de commerce, pår lots et non en détail;

Attendu que la pensée gouvernementale s'est spécialement révélée dans les dispositions de l'art. 5 de l'ordonnance du 9 avril 1819 ainsi conçue : les tribunaux de commerce pourront, par leurs ordonnances motivées déroger à la fixation du maximum et du minimum de la valeur des lots portée au décret du 17 avril 1812, s'ils reconnaissent que les circonstances exigent cette exception; sous la réserve néanmoins qu'ils ne pourront autoriser lavente des articles pièce à pièce ou en lots à la portée immédiate des particuliers consommateurs, mais, seulement, en nombre ou quantité suffisans,

d'après les usages, pour ne pas contrarier les opérations du commerce en détail;

Attendu qu'on ne peut raisonnablement supposer que le législateur eût permis aux commissaires-priseurs ce qu'il a interdit aux courtiers de commerce;

Que les mêmes motifs de prohibition subsistent à l'égard des uns comme à l'égard des autres;

Attendu que telle est sur ce point la jurisprudence constante et uniforme des diverses sections de la cour de cassation;

Attendu qu'à la vérité, diverses cours royales n'ont point adopté cette jurisprudence, mais elle a fini par rallier à son autorité plusieurs cours dissidentes (1);

Attendu que, dans l'ordre hiérarchique et constitutionnel, la cour de cassation a été instituée comme pouvoir judiciaire suprême pour interpréter les lois et maintenir une jurisprudence uniforme parmi tous les tribunaux du royaume;

Qu'elle a reçu de la loi du premier août 1837 une nouvelle prépondérance;

Que cette loi, en supprimant le référé législatif exigé par la loi du 30 juillet 1828 et le référé au conseil d'état exigé par

(1) Postérieurement aux arrêts de la cour de cassation cités dans la note précédente, la cour royale de Paris, qui, d'abord avait jugé dans un sens contraire, a eu de nouveau à s'occuper de la question, et, par arrêt rendu en la première chambre, le 6 juillet 1838, sous la présidence de M, SÉGUIER, P.-P., elle s'est ralliée à la jurisprudence consacrée par la cour snprême en décidant que, dans toutes les villes où il existe des courtiers de commerce, ces officiers publics ont le droit exclusif de procéder à la vente aux enchères de marchandises neuves, et que les commissaires-priseurs ne peuvent en être chargés qu'à défaut de courtiers et en se conformant aux règles prescrites aux courtiers par les décrets des 22 novembre 1811 et 17 avril 1812, et par l'ordonnance du 9 avril 1819. — Koy. SIRET, 1838, 2° part., pag. 293.

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