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Attendu qu'il résulte des documens du procès et des aveux 'des parties que Salvayré prit avec les autres membres de la compagnie, relativement à la conduite de la voiture de Toulouse à Tarbes, des arrangemens qu'il reconnaît avoir été une des conditions de son adhésion à l'acte social, qu'il a, plus tard, pour obtenir l'exécution de cet accord verbal, soutenu un procès avec la société, relativement aux croisières et à la distance des relais; que, comme inspecteur, il a vérifié les comptes et présenté des rapports à l'assemblée générale des actionnaires ; qu'enfin, il a, dans divers exploits de citation notifiés, le 28 mai 1836, et autres jours, aux divers associés, déclaré que les exigences des gérans, pour le dédoublement des services de Tarbes, et pour le changement d'heures de départ lui ayant porté un préjudice qu'il avait dû subir à cause de l'erreur qui l'avait induit à contracter l'acte social, il demandait que le tribunal considérât cet acte comme nul

et non avenu;

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Que la cour doit donc considérer si ces divers faits constituent des actes d'exécution qui rendent ledit Salvayré irrecevable à provoquer l'annulation de l'acte de société ;

Que la négative ne saurait être douteuse si la nullité dont il se prévaut est absolue; qu'ainsi, il faut rechercher si les dispositions de la loi auxquelles il a été contrevenu, ont été adoptées dans l'intérêt des parties contractantes ou dans celui de l'ordre public;

Considérant que la publication des actes pour lesquels divers individus se sont associés pour une entreprise commerciale, ne leur est d'aucune utilité, puisqu'ils connaissent les conventions qu'ils ont contractées; qu'elle est prescrite, au contraire, pour le bien du commerce, à qui il importe essentiellement de savoir les conditions sous lesquelles l'association s'est formée, ses ressources, la nature des actions qui peuvent être poursuivies contre ceux qui en font partie ;

Que ce n'est qu'après avoir été ainsi averti, qu'il peut traiter sûrement avec de pareilles sociétés, qui ne peuvent modifier

aucune des conditions de leur existence, sans donner à ces changemens la même publicité qu'a reçu l'acte qui les a constituées ;

Que, sans doute, lorsque les publications n'ont pas eu lieu, ou quand elles sont incomplètes, c'est aux intéressés que la loi a donné la faculté de poursuivre la nullité qui résulte de sa violation; que cela se conçoit, parce qu'il était difficile d'organiser les moyens par lesquels les tiers auraient pu exercer cette action, et de les provoquer à l'intenter; mais qu'alors que les associés n'ont pas intérêt à ce que l'acte qui les lie et qu'ils connaissent, soit publié, ce droit ne leur est donné que dans un but d'utilité publique;

Qu'il ne leur appartient donc pas de l'aliéner, puisque la garantie que la loi a voulu, par l'éventualité de leur intervention, conserver dans l'intérêt général, disparaît, s'ils pouvaient, en exécutant l'acte, cesser d'être aptes à l'attaquer;

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Que l'exécution volontaire n'est qu'une confirmation tacite qui ne peut produire d'effet qu'après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée; que, dans le cas où la nullité résulte d'une probibition ou de la désobéissance à une prescription qui intéresse l'ordre public, en général, l'engagement qu'elle vicie n'est qu'un fait que la la loi ne reconnaît pas et qui ne peut jamais recevoir une confirmation qui se régularise et lui fasse produire des conséquences légitimes;

Qu'ainsi, l'exécution donnée par Salvayré à l'acte social,' quelle qu'en soit la nature, n'ayant pas pu faire que le commerce ait connu, dans les quinze jours de sa date, les clauses essentielles sous lesquelles la société a été formée, la nullité subsiste toujours

Que, vouloir qu'il ne pût pas, aujourd'hui, la faire pronoucer, ce serait vouloir maintenir l'art. 42 du code de commerce dans sa lettre morte, puisqu'il dépendrait des associés de se soustraire à son application, en ne faisant pas les publications prescrites ou en les faisant insignifiantes et

incomplètes, s'ils étaient les maîtres de couvrir, soit par une exécution volontaire, soit par une confirmation expresse, les nullités de l'acte de société;

Que ce serait autoriser la contravention la plus flagrante à la loi qui a voulu procurer au public la connaissance des conditions des associations commerciales;

Que pour assurer une sanction à la nnllité sous laquelle l'art. 42 du code de commerce prescrit la publicité des conventions qui constituent les sociétés, il faut donc déclarer que si l'exécution donnée par l'un des associés à l'acte qui l'a engagé envers les autres, le rend irrecevable à quereller les faits accomplis, il peut, tous les jours encore, l'arguer de nullité, s'il n'a pas été publié conformément à la loi;

Qu'ainsi, quand on supposerait que les actes de Salvayré constituent des reconnaissances judiciaires de l'existence de la société, il n'en faudrait pas moins dire, qu'efficaces pour le passé, elles ne le lieraient point pour l'avenir;

Attendu, d'ailleurs, que dans les contestations relatives aux croisières et aux distances des relais, il agissait comme aurait pu le faire un tiers avec qui la compagnie aurait pu contracter; que si, dans les exploits d'ajournement, il a reproché à la société de n'avoir pas rempli les obligations contractées envers lui, il a expressément formulé une demande en nullité qui, d'abord fondée sur l'erreur, ne l'a pas empêché d'exercer l'action qu'il poursuit aujourd'hui; que ces faits, ainsi que les rapports présentés à l'assemblée générale, ne sont done qu'uue exécution simple; qu'elle ne suffit, en aucun cas, pour le rendre irrecevable dans sa demande; qu'ainsi les premiers juges l'ont à bon droit accueillie; que c'est donc le cas de confirmer leur décision.

Pourvoi en cassation.

ARRÊT.

Sur les conclusions conformes de M. Hébert, avocatgénéral;

Attendu que l'art. 42 du code de commerce, tel qu'il a été modifié par la loi du 31 mars 1833, met au nombre des formalités dont il ordonne l'exécution à peine de nullité, l'enregistrement, dans les trois mois, d'un exemplaire du journal dans lequel aura été inséré un extrait de l'acte de société en nom collectif ou en commandite, et qu'en annulant pour défaut de cet enregistrement, l'acte de société dont il s'agit, l'arrêt attaqué n'a fait que se conformer aux dispositions de cet article;

Attendu que, cette formalité de l'enregistrement étant, dans l'espèce, d'ordre public, il devient inutile d'examiner si le défendeur a, ou non, volontairement exécuté l'acte de société. LA COUR rejette (1).

Du 30 janvier 1839.-Cour de Cassation, chambre des requêtes. Prés. M. ZANGIACOMI.- Rapp.

M. JOUBERT.- Plaid. M. NICOD.

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Lorsque des experts ou commissaires spéciaux sont institués par la loi pour prononcer sur des objets en litige, appartient-ils aux tribunaux de recourir à une autre voie d'expertise ? (Rés. nég.)

Spécialement en matière de douanes, et lorsqu'il

s'agit de difficultés élevées entre l'administration des douanes et le commerce, relativement à l'espèce, l'origine ou la qualité des marchan

(1) Voy. ce Recueil, tom. vi, 11e part., pag. 207 et suiv., et tom. VII, IIe part., pag. 190.-Mémorial de Jurisprudence de M. TAJAN, tom XXXV, pag. 20,- Journal du Palais, tom. 1er de 1839, pag. 354.

dises, les tribunaux doivent-ils s'abstenir de procéder eux-mêmes à cet examen et le renvoyer à l'appréciation des commissaires experts spéciaux, établis par l'art. 19 de la loi du 27 juillet 1822? (Rés. aff.)

(Douane contre Arragon.)

Des difficultés s'étaient élevées entre le sieur Arragon et la douane, relativement à l'espèce et à la qualité d'une marchandise soumise aux droits.

Le juge de paix du canton de Pont-de-Beauvoisin saisi de cette affaire, avait prononcé sans recourir à l'appréciation des commissaires créés par l'art. 19 de la loi du 27 juillet 1822, sur les douanes.

Sur l'appel émis par la douane, le tribunal de première instance de Bourgoin avait confirmé la sentence du juge de paix.

Pourvoi en cassation de la part de la douane pour violation de l'art. 19 de la loi du 27 juillet 1822.

ARRÊT.

Sur les conclusions conformes de M. TARBÉ, avocat général; Vu l'art. 19 de la loi du 27 juillet 1822, ainsi conçu;

Il y aura près du Ministère de l'Intérieur, trois commissaires experts chargés de statuer sur les doutes et difficultés qui peuvent s'élever relativement à l'espèce, à l'origine ou à la qualité des produits, soit pour l'application des droits, des primes et des priviléges coloniaux, soit pour la suite des instances qui ne sont pas dévolues au jury créé par l'art. 59 de la loi du 28 avril 1816. Le Ministre leur adjoindra, pour chaque affaire et selon sa nature, au moins deux négocians ou fabricans qui auront voix consultative.

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