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Une telle objection n'est pas fondée dans le cas où, comme dans l'espèce, il y a plusieurs assurances sur le même chargement.

Car, d'après les principes consacrés par les articles 359 et 379 du code de commerce, les contrats premiers en date ont une influence directe sur la validité des contrats postérieurs, quoique les souscripteurs de ces derniers contrats soient des tiers par rapport aux souscripteurs des premiers.

Cette influence a pour effet de rendre caducs les derniers contrats si la totalité du chargement a été couverte par un ou plusieurs contrats antérieurs, si, au contraire, les premiers contrats n'ont couvert qu'une partie du chargement les contrats postérieurs ne portent que sur le complément. De là l'obligation, pour l'assuré, de déclarer à l'assureur toutes les assurances déjà prises sur l'objet mis en risque, et le droit incontestable, pour l'assuré, de vérifier cette déclaration.

Or, les assureurs de Paris ont pu et dû consulter les polices qui les primaient pour évaluer le montant du découvert mis à leur charge.

Donc, l'arrêt attaqué, en leur reconnaissant ce droit, bien loin d'avoir violé la loi, s'est conformé au contraire, à ses dispositions.

ARRÊT,

Sur les conclusions conformes de M. TARBÉ, avocat-général; Vu les articles 350, 357, 358, 359, 332 et 339 du code de commerce;

Attendu, 1o que l'assurance peut être faite sur tout ou par

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tie des marchandises sujettes aux risques de la navigation (C. de com. 334, 335);

Que la loi autorise plusieurs contrats d'assurance sur le même chargement (C. de com. 359);

;

Que, dans ce dernier cas, si le premier contrat assure l'entière valeur des effets chargés, il subsiste seul; mais que les assureurs subséquens ne sont pas libérés si cette entière valeur n'est pas couverte par le premier contrat (C. com, 359);

Attendu 2o que la loi abandonne aux parties le soin d'estimer la valeur des marchandises assurées (C. de com. 332); qu'elle ne détermine aucune base ou règle légale de leur évaluation, et qu'elle ne fixe même le mode de leur estimation, que pour le cas où les polices n'ont pu déterminer cette valeur;

Que, s'il n'y a ni dol, ni fraude, le contrat est valable jusqu'à concurrence de la valeur des effets chargés, d'après l'estimation qui en est faite ou convenue;

Que, chacun des assureurs, agissant dans un intérêt distinct et particulier, quoiqu'ils traitent et contractent en vue d'un seul et même chargement, peut donc adopter soit l'estimation par les factures (C. de com. 340), soit une estimation fixée par le contrat et entièrement conventionnelle;

Que l'estimation adoptée par le premier assureur ne détermine point la valeur des effets chargés à l'égard du second, lorsque celui-ci a consenti une estimation différente, et que la valeur de ces effets doit être appréciée, quant à ce dernier, selon les termes de son contrat;

Attendu que, dans l'état des faits déclarés constans, il existait sur la totalité du même chargement deux contrats d'assurances : l'un, celui des assureurs du Hâvre, basé sur le prix de facture; l'autre, celui des assureurs de Paris et de Bruxelles, fondé sur une estimation conventionnelle;

Que ces conventions, librement consenties et légalement

formées, devaient toutes deux recevoir leur exécution jusqu'à concurrence de l'entière valeur des marchandises chargées d'après les estimations faites ou convenues.

Et attendu qu'il résulte aussi de l'arrêt attaqué que les marchandises chargées sur le Grand-Duquesne et perdues avec ce bâtiment, ayant au prix de facture une valeur de 143,899 fr. 61 cent., s'élevaient, cependant, au prix de 225,044 fr. 48 cent., suivant l'estimation agréée par les derniers assureurs;

Attendu que l'assurance du Havre et celle de Paris ne montaient ensemble qu'à 212,000 fr., et qu'ainsi, même en recevant tout leur effet, d'après les bases respectivement adoptées, elles ne couvraient pas encore l'entière valeur que les marchandises représentaient pour les assurés;

Attendu, néanmoins, que l'arrêt attaqué a restreint à 32,186 fr. 50 cent. l'utilité des secondes assurances;

Que cette réduction arbitraire libère les assureurs d'une partie de l'obligation qu'ils avaient contractée pour garantir contre les risques de mer la valeur entière de toutes les marchandises chargées ;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que les principes relatifs au délaissement et les dispositions du code de commerce sur cette matière étaient sans influence dans la cause;

Attendu, dans ces circonstances, qu'en faisant profiter les seconds assureurs du mode d'estimation adopté par les premiers, et en refusant à l'estimation convenue dans le second contrat, l'effet qu'il était dans l'intention des parties de lui donner, et qui était garanti par la loi, l'arrêt attaqué a violé formellement les art. 350, 357, 358, 359 et 339 du code de commerce;

LA COUR casse (1).

(1) Voy. Journal du Palais, tom. 1er 1839, pag. 551.

Du 8 mai 1839.

Cour de Cassation, chambre

civile. Prés. M. PORTALIS, P. P.;

Rapp. M.

DUPONT

THIL. Plaid. MM. PIET, DELABORDE, Dupont

WHILE.

Commissionnaire.-Avances.-Connaissement.
Garantie. Privilége.

Revendication.

Le banquier qui fait des avances de fonds à un négociant, moyennant la garantie résultant d'un connaissement à ordre que celui-ci lui endosse valeur en nantissement, a-t-il droit sur les marchandises désignées dans ce connaissement, et dont l'arrivée est attendue, au privilége du commissionnaire, établi par l'article 93 du code de commerce? (Rés. aff.)

Ce privilége a-t-il lieu quoique le commissionnaire n'ait pas été chargé de vendre la marchandise, pourvu que la marchandise soit expédiée d'un lieu dans un autre ? ( Rés. aff. )

Ce privilége est-il spécial en ce sens qu'il n'existe que sur les marchandises dont la remise ou l'expédition a déterminé les avances du commissionnaire? (Rés. aff.)

Par suite, si le commissionnnaire ainsi garanti consent ultérieurement à restituer le connaissement qui lui servait de gage et à recevoir en échange un autre connaissement relatif à une expédition différente et qui lui est également

endosse valeur en nantissement, son privilége peut-il s'étendre aux marchandises auxquelles se rapporte le dernier connaissement, et en empêcher la revendication de la part du vendeur non payé? (Rés. nég.)

Dans de telles circonstances, le commissionnaire ne peut-il davantage réclamer privilège comme créancier nanti sur les marchandises du dernier connaissement, et cela, faute d'avoir rempli les formalités prescrites par l'article 2074 du code. civil la constatation du nantissement par un acte formel? (Rés. aff.)

pour

(Sarran et Bazile Roux contre Laffitte. )

En mars 1838, les sieurs Laffitte et Comp., banquiers à Paris, conviennent avec le sieur Duval, négociant à Dieppe, de lui avancer des fonds, moyennant garantie en effets de commerce ou connaissemens à ordre constatant l'expédition de vins et eaux-de-vie, avec faculté réservée au sieur Duval de reprendre les connaissements qu'il aurait donnés en nantissement, afin de disposer des marchandises arrivées, sauf à remettre, en remplacement, d'autres garanties ou connaissements.

En exécution de ces accords, la maison Laffitte fait au sieur Duval l'avance d'une somme de 40,000 fr. contre la remise d'un connaissement d'un certain nombre de barriques d'eaux-de-vie expédiées par le navire l'Alexandre.

Ce connaissement est endossé aux sieurs Jaq.

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