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Laffitte et Comp. par le sieur Duval, valeur en nan

tissement.

Quelques temps après, le sieur Duval achète des sieurs Sarran et Bazile, de Montpellier, et Roux, de Cette, d'autres liquides qui sont expédiés pour le Havre par le navire l'Aglaé.

Le sieur Duval envoie à Jaq. Laffitte et Comp. les connaissemens de ces liquides pour en soigner les assurances.

Ensuite, et le 29 avril 1838, ayant l'occasion de vendre les eaux-de-vie embarquées sur l'Alexandre, il obtient de la maison Laffitte d'échanger les connaissements de ces eaux-de-vie contre ceux des liquides expédiés par le navire l'Aglaé, encore en cours de navigation.

En conséquence, ces derniers connaissements sont endossés aux sieurs Jaq. Laffitte et Comp. valeur en nantissement, et, le 2 mai, cette maison renvoie les précédens au sieur Duval.

Avant l'arrivée de l'Aglae au Hâvre, le sieur Duval tombe en faillite.

Les sieurs Sarran, Bazile et Roux, expéditeurs des liquides chargés sur ce navire, revendiquent cette marchandise, comme vendeurs non payés.

La maison Laffitte conteste leur action et oppose qu'en qualité de commissionnaire du sieur Duval, elle a droit, pour les avances qu'elle a faites à celui-ci, à un privilége sur les marchandises dont il s'agit, aux termes de l'article 93 du code de com

merce.

L'affaire est portée devant le tribunal de commerce du Havre.

Jugement qui accorde aux sieurs Jaq. Laffitte et Comp. le privilége qu'ils réclament par les motifs.

suivans:

Considérant que la revendication n'est pas favorable, en principe, puisqu'elle est exercée par le vendeur qui a suivi la foi de l'acheteur, et après la vente et l'expédition consommées;

Que l'article 93 du code de commerce, destiné à favoriser la circulation des valeurs de crédit et à faciliter les avances par la création de nouvelles garanties, doit être entendu dans le sens le plus large;

Que la convention intervenue entre Duval et Laffitte ne supposait des avances qu'à la charge d'un nantissemeut, soit d'effets de banque, soit de connaissemens, et qu'en échangeant les connaissemens de l'Alexandre contre ceux de l'Aglaé, Laffitte, loin de déroger à la condition de garantie, n'avait fait que la confirmer.

Appel de la part des sieurs Sarran, Bazile et

Roux.

Ils soutiennent que la maison Laffitte n'a pas le droit de réclamer un privilége comme commissionnaire, parce qu'elle ne se trouve dans aucune des conditions prescrites par l'article 93 du code de

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Qu'en effet, 10 ce n'est point en vue et sous la foi de la garantie des marchandises de l'Aglaé, mais bien à cause du nuntissement résultant des connaissemens de l'Alexandre que Jaq. Laffitte et Comp. ont remis 40,000 fr. au sieur Duval;

20 Ils n'ont point été établis commissionnaires pour la vente des marchandises de l'Aglaé, lesquelles, d'ailleurs, ne leur étaient point expédiées;

T XVIII

не р.

7.

Que l'opération à laquelle la maison Laffite s'est livrée avec le sieur Duval est donc tout-à-fait étrangère à la commission; c'est une pure opération de banque; qu'il n'y a donc pas lieu, sous ce premier rapport, de lui accorder un privilége;

Qu'elle n'est pas mieux fondée à en réclamer un, comme créancier nanti, en raison de ce qu'elle aurait reçu les connaissemens de l'Aglaé, à titre de nantissement pour le crédit qu'elle faisait au sieur Duval; car, alors, elle se trouverait repoussée par le défaut des formalités prescrites par le code civil (art. 2074) auquel elle est renvoyée par l'art. 95 du code de commerce.

La maison Laffitte insiste à se prévaloir de la qualité de commissionnaire qui lui avait été conférée par la négociation des connaissemens à ordre.

Elle soutient que cette position lui imposait l'obligation de recevoir et de conserver la marchandise;

Que la convention de crédit, conclue entre elle et le sieur Duval, faisait nécessairement supposer, par sa nature, l'existence d'avances de fonds à la charge de garanties prévues dans le principe, sinon dans leur spécialité ;

Que dès lors, il serait injuste de rendre stérile dans ses mains celle qui résulte pour elle des connaissemens qui lui ont été endossés;

Qu'un tel résultat serait contraire à la faveur due au commerce, à l'augmentation et aux facilités du crédit; enfin, à la jurisprudence la plus récente, qui, adoptant l'interprétation adoptée jusqu'en

1816, a successivement étendu l'application de l'article 93.

ARRÊT INFIRMATIF.

Sur les conclusions conformes de M. ROULAND, avocatgénéral :

Attendu que les saisies-revendications de 30 pièces et 25 fûts 3/6, exercées au Hâvre le 16 mai dernier sur le navire l'Aglaé, par ve Sarran et Bazile, de Montpellier, et Roux, de Cette, ne sont pas contestées par Duval, qui était le destinataire de ces marchandises au moment de la faillite; que, seulement, MM. Jaq. Laffitte et Comp. prétendent exercer sur lesdites marchandises un droit de préférence, soit comme créanciers nantis, soit comme commissionnaires ayant fait des avances; qu'il convient, dès lors, de rechercher l'origine de leur créance, pour bien apprécier le mérite de leurs prétentions;

Attendu que cette créance était le résultat d'avances faites à J. Duval, de Dieppe, sur la remise au 6 mars 1838, du connaissement à ordre de 70 pièces 3/6, valeur de 31,000 fr. sur le navire l'Alexandre, venant de Cette à Dieppe; que, postérieurement et le 29 avril, J. Duval, en exécution de la proposition agréée par Jaq. Laffitte et Comp., leur négocia, valeur en nantissement, le connaissement à ordre du navire P'Aglaé, en échange de celui des marchandises de l'Alexandre; que ce dernier connaissement a été renvoyé par Jaq. Laffitte et Comp. le 1er mai suivant; que c'est en cet état que le débat s'est élevé entre les parties; ainsi, la question qui se présente à juger est celle de savoir si l'échange du connaissement du navire l'Alexandre contre celui de l'Aglaé a pu créer un privilége en faveur de la maison de banque susnommée, au préjudice de ve Sarran, Bazile et Roux;

Attendu, en ce qui touche le nantissement, que le privilége qui en découle n'existe, aux termes de l'article 2074 du code

civil, qu'autant qu'il y a uu acte public ou sous seing-privé, dûment enregistré, contenant la déclaration de la somme due, ainsi que la nature des choses remises en gage, ou un état annexé de leurs qualité, poids et mesures; qu'il n'y a aucun argument à tirer de l'art. 2084, puisque, dans l'art. 45 du code de commerce, le législateur n'accorde de privilége au consignataire ou dépositaire qu'autant qu'il s'est conformé aux dispositions prescrites par le code civil, art. 2074; qu'il suit de ce qui précède, que Jacq. Laffitte et comp. n'ayant pas accompli les prescriptions de la loi, la négociation isolée qui leur a été faite par J. Duval, valeur en nantissement, est impuissante pour leur conférer le privilége à titre de gage.

Sur la question relative au privilége dont parle l'art. 93 du code de commerce :

Attendu que cet article dispose que tout commissionnaire qui a fait des avances sur des marchandises à lui expédiées d'un autre place, pour être vendues pour le compte d'un commettant, a privilége pour le remboursement de ses avanintérêts et frais, sur la valeur des marchandises, si elles sont à sa disposition, dans ses magasins ou dans un dépôt public, ou si, avant leur arrivée, il peut constater, par un connaissement ou une lettre de voiture, l'expédition qui lui en a été faite;

ces,

Attendu que la jurisprudence, quelque temps incertaine sur l'extension qu'il convenait de donner à cette disposition législative, s'est enfin fixée en ce sens, que ce mot avances est générique, et comprend, sauf le cas d'une convention contraire, toutes les sommes, toutes les valeurs quelconques qui sortent des mains du commissionnaire et profitent au commettant; et encore, qu'il importe peu que les marchandises n'aient pas été adressées directement au second commissionnaire, pourvu que le connaissement dont il est porteur lui soit parvenu par un endossement régulier; et enfin, qu'il n'est pas nécessaire que le commissionnaire ait reçu mandat de vendre;

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