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1716-17.» avec Madame........ pour cinquante mille.. » Cette triple opération de la refonte des monnoies, du visa, et de la chambre de justice n'ayant pas produit des ressources suffisantes pour faire cesser l'embarras des finances, le régent écouta les projets d'un Ecossois, nommé Law, ou Lass, espèce d'aventurier, né à Edimbourg. Il fut autorisé par un édit du 2 mai 1716, à établir une banque composée de douze cents actions, de trois mille francs chacune; il méditoit des opérations bien plus vastes; ce n'étoit là qu'un essai dont le succès fut tel qu'il séduisit le public, et le précipita dans le piége tendu par cet étranger; son funeste système ébranla le royaume jusque dans ses entrailles.

Il étoit alors agité, mais légèrement, par la querelle des princes du sang et des légitimés. Le duc de Bourbon (petit-fils du grand Condé), le comte de Charolois, frère du duc, et le prince de Conti, adressèrent au roi une réclamation contre l'édit, et la déclaration qui donnoient au duc du Maine et au comte de Toulouse la qualité de princes du sang, et le droit de succéder à la couronne; les pairs, de leur côté, demandèrent qu'on ôtât aux légitimés le rang intermédiaire qui leur avoit été accordé par l'édit de 1694, et qu'ils n'en

eussent d'autre que celui de leur pairie. La du- 1716-17. chesse du Maine, soeur du duc de Bourbon, ne pouvant soutenir la pensée de la dégradation de son mari et de ses enfans, et surtout humiliée de la réclamation des pairs, forma une cabale dans la noblesse, et lui persuada aisément que la prétention des ducs de faire un corps particulier au-dessus d'elle, lui étoit injurieuse. Six des plus considérables d'entre les gentilshommes remirent au régent un mémoire contre les ducs. Ce prince les reçut fort mal; alors, trente-neuf autres, excités par la duchesse du Maine, présentèrent au parlement une requête qui tendoit à ce qu'une affaire, concernant la succession à la couronne, fût renvoyée aux Etats-Généraux. Cette démarche étoit illégale. Un si petit nombre de membres n'avoient aucun droit de parler au nom de leur corps, dont ils ne tenoient aucune mission. Philippe usa de diligence et de fermeté : une décision du conseil de régence, du 1er juillet 1717, annula l'édit de 1714 et la déclaration de 1715, et ôta aux légitimés la qualité de princes du sang, dont les honneurs seulement leur furent conservés.

Le duc du Maine, d'un naturel doux et timide, borna sa douleur à des gémissemens sur sa disgrâce; la duchesse ne songea qu'à la

1716-17. réparer. Le régent ne put manquer d'être ins-
truit de ses dispositions. Il avoit en Espagne
une autre ennemie en la personne de la reine,
nièce du duc de Parme, et seconde épouse de
Philippe V. Cette ambitieuse princesse, qui
gouvernoit absolument le roi, étoit gouvernée
par Albéroni, qui fut bientôt cardinal, et pre-
mier ministre. Ce prêtre turbulent avoit en-
trepris de changer la face de l'Europe. Un de
ses projets étoit de procurer en France,
à son
maître, d'abord la régence, puis la couronne,
parce qu'on croyoit à la cour de Madrid la
santé de Louis XV si foible, qu'on y regardoit
sa fin comme prochaine. Le régent voulut se
procurer des appuis contre ses ennemis de l'ex-
térieur et de l'intérieur. Dubois, que ce prince,
bravant le scandale, et oubliant la promesse
par lui faite à sa mère de ne pas l'employer,
avoit introduit dans le conseil, fut envoyé à
Londres, pour y négocier un traité de triple
alliance, entre nous, l'Angleterre et la Hol-
lande. Il passa ensuite à La Haye, où l'arran-
gement fut signé; son objet principal étoit de
garantir la succession à la couronne de France
suivant les traités, et à celle de la Grande-
Bretagne, dans la ligne protestante. Louis XV
promettoit d'engager le prétendant à passer
les Alpes. Chacune des puissances contrac-

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tantes s'obligeoit à refuser tout asile aux re- 1716-17. belles des deux autres, et à se donner des secours mutuels contre eux. La participation de la Hollande à un arrangement auquel cette république n'avoit point d'intérêt, ne put être qu'un acte de complaisance envers le gouvernement françois et anglois : l'empereur accéda bientôt à ce traité, qui alors fut connu sous le nom de Quadruple Alliance.

Le duc du Maine s'étoit opposé dans le 1718. conseil à une confédération formée en quelque sorte contre lui. Ce fut un motif, ou un prétexte pour aggraver l'humiliation qu'on lui avoit déjà fait subir. Philippe étoit mécontent aussi du parlement; cette compagnie s'étoit montrée favorable à la cause des légitimés; elle avoit disputé le pas au régent dans une procession; avant d'enregistrer la suppression du dixième, elle s'étoit cru permis de demander l'état des revenus et des dépenses du roi; enfin, par un arrêt du 12 août, elle avoit proscrit une mesure adoptée par Philippe, qui faisoit verser les deniers royaux dans la banque de Lass, et elle avoit défendu à tous les étrangers, même naturalisés, de se mêler du maniement de ces deniers. Par là, le parlement arrêtoit toutes les opérations de la banque. Il avoit même commencé à ins

1718. truire secrètement le procès de Lass, se proposoit de le terminer en deux heures après qu'il se seroit saisi du coupable, de faire pendre l'Ecossois dans la cour du Palais, les portes fermées, et de les faire ouvrir ensuite pour donner au public un spectacle qu'il savoit devoir lui être agréable. Le régent, instruit de ce projet, se vengea tout à la fois du parlement et du duc du Maine. Le 26 août, il fut tenu un lit de justice dans, lequel on lut différens édits, dont l'un défendoit au parlement de prendre connoissance des affaires d'Etat ; l'autre déclaroit que huit jours après la présentation d'une loi elle seroit tenue pour enregistrée; un troisième portoit qu'à la sollicitation des pairs, le duc du Maine et le comte de Toulouse seroient privés du rang et des prérogatives que Louis XIV leur avoit accordés dans le parlement et ailleurs, et qu'ils ne siégeroient qu'après tous les pairs de France, excepté ceux d'une création postérieure à l'édit de 1694. Néanmoins, par une considération particulière pour le comte de Toulouse, le roi lui laissoit les honneurs dont il avoit joui; mais non transmissibles (1). Ce fut d'Argenson, excellent lieutenant de police, à qui l'on venoit

(1) Une déclaration de 1723 replaça le duc du Maine

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