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France, ni à ceux du premier ministre. La 1724. jeune princesse, arrivée à Paris le 2 mars 1722, n'avoit que cinq ans. Le roi étoit dans sa quinzième année. Sa santé, extrêmement fortifiée, annonçoit qu'il seroit incessamment en état de donner un successeur à la couronne, s'il avoit une épouse de son âge. L'Etat désiroit cet événement; M. le duc aussi, parce qu'il perdroit le ministère si l'on avoit le malheur de perdre le jeune monarque avant qu'il eût des enfans. Une fièvre qu'il essuya cette année inspira de vives alarmes à son premier ministre: aussi, dès qu'elle eut cessé, il se hâta de renvoyer l'infante. Avant ce renvoi, il avoit déjà songé à la nouvelle épouse qu'il conviendroit de lui substituer, et avoit jeté les yeux sur Mlle de Vermandois, l'une de ses soeurs. Mais la marquise de Prie, jugeant, par le caractère de cette princesse, qu'elle ne voudroit pas déférer à tous ses conseils, l'écarta du trône, et y porta Marie-Charlotte-Leckzinska, fille de Stanislas-Leckzinski, roi détrôné de Pologne, et même proscrit, à qui le régent avoit accordé un refuge et une médiocre pension à Weissembourg.

Le mariage se fit le 4 septembre. La reine 1725. qui devoit tout au duc de Bourbon, ne put lui refuser de se prêter à un petit moyen qu'il

1725. imagina pour empêcher l'abbé de Fleury de se trouver, suivant son usage invariable, au travail que le premier ministre faisoit avec le jeune roi. Mais Louis, plus attaché à son ancien précepteur, vieillard aimable et adroit, qu'au duc de Bourbon, dont les manières n'étoient 1726. pas très-séduisantes, exila peu après le duc à Chantilli (11 juin), et donna toute sa confiance à l'abbé de Fleury, auquel il procura bientôt un chapeau de cardinal, et qui eut la modestie de ne pas vouloir du titre de premier ministre.

1727-32.

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Il avoit soixante-treize ans. Sa première opération fut la suppression d'un impôt du cinquantième en nature sur tous les biens fonds, établi par M. le duc de Bourbon. Le duc du Maine et Villeroi furent rappelés à la cour. Ce ne fut qu'au bout de trois ans que le duc de Bourbon obtint la permission d'y revenir. La marquise de Prie, exilée comme lui, n'avoit pu survivre que quinze mois à sa disgrâce. Le refroidissement entre l'Espagne et la France, opéré par le renvoi de l'infante, ne fut pas long. La cour de Madrid ne tarda pas à sentir que cette mesure, commandée uniquement par l'intérêt de l'Etat, n'avoit, au fond, rien d'offensant pour elle.

La France étoit parfaitement tranquille, à

l'exception de quelques disputes qui agitoient 1727-32. encore les théologiens, malgré l'enregistrement de l'édit de 1720, lequel ordonnoit de recevoir la bulle, et défendoit d'en appeler. Fleury, ayant obligation de la pourpre à la cour de Rome, voulut mettre fin à cette guerre théologique par un coup d'éclat:il choisit, pour en faire un exemple, Soanen, évêque de Senez, l'un des quatre premiers appelans de la bulle, en 1717, et qui persistoit toujours dans ses opinions. Il fit assembler à Embrun, métropole de Senez, sous la présidence de l'archevêque Tencin, un petit concile composé de treize évêques, par lequel Soanen fut suspendu de ses fonctions. Une foule d'ecclésiastiques adhérèrent à ses principes. Des lettres de cachet les arrachèrent à leur état. Un grand nombre de supérieurs de communautés des deux sexes furent aussi destitués pour la même cause, et eu 1729 cent docteurs exclus de la Sorbonne. Enfin, en 1730, (3 avril), une déclaration du roi, qui ordonnoit de regarder la bulle Unigenitus comme un jugement de l'Eglise en matière de discipline, fut enregistrée dans un lit de justice. Néanmoins on publia divers écrits contre cette bulle. Le cardinal de Fleury fit rendre un arrêt du conseil qui imposoit silence sur toutes les ques

1727-32. tions qui pouvoient y avoir du rapport. Cet édit ne sépara point les combattans. Un incident vint ajouter aux dissensions élevées entre les deux partis, moliniste (celui des jésuites) et janséniste. Un diacre (Paris), ardent sectateur du jansénisme, étoit mort dans la capitale, et enterré dans le cimetière de SaintMédard, sa paroisse. Tout à coup le bruit se répand qu'il s'opère des miracles sur son tombeau. Des malades, des gens estropiés y accourent, éprouvent quelques légères convulsions, produites par une imagination échauffée, se croient ou se disent guéris. Les témoins ne manquent pas pour attester leur guérison. D'abord le gouvernement ne prête aucune attention à ces extravagances qu'il espère voir finir incessamment d'elles mêmes. Mais, comme elles se prolongent, et vont toujours croissant, il juge à propos de faire cesser des attroupemens qui entretiennent la superstition et le désordre. On ferme le cimetière, on y appose une garde (1), et les convulsion

(1) Le lendemain, on lut sur les murs cette inscription, faite probablement dans l'intention de faire rire des miracles du jansénisme :

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naires vont faire leurs miracles dans les mai- 1727-32. sons voisines.

Mais le jansénisme produisit une lutte plus dangereuse entre la cour et le parlement. Depuis 1728, cette secte répandoit un journal intitulé Nouvelles Ecclésiastiques. C'étoit un libelle, dont le parlement lui-même, quoiqu'il passât pour contenir beaucoup de jansénistes, fit brûler plusieurs feuilles. L'archevêque Vintimille, successeur du cardinal de Noailles, et moliniste décidé, fit de son côté, contre cette gazette, un mandement que plusieurs curés de Paris trouvèrent trop favorable à la cour de Rome, et dont ils appelèrent comme d'abus au parlement; mais un arrêt du conseil lui défendit de se mêler d'affaires ecclésiastiques. Le parlement, privé par là des appels comme d'abus, déclare qu'il cessera ses fonctions tant que cette défense subsistera. Il est mandé à Compiègne où étoit la cour, et où le roi lui réitère sa volonté touchant les affaires de l'Eglise. Le premier président veut parler; le monarque lui commande le silence. L'abbé Pucelle, conseiller au parlement, et janiséniste fougueux, présente l'arrêté de sa compagnie; le roi le fait déchirer par le comte de Maurepas. Pucelle est enlevé la nuit suivante, et conduit à une abbaye qu'il pos

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