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Conf. Carnot, t. 1, p. 230, Legraverend, t. 1, p. 425, Duverger, 1.1, p. 410). Cette règle était déjà suivie dans notre ancien droit (V. Muyart de Vouglans, t. 2, p. 170).-Néanmoins, il a été jugé qu'en règle générale, il est du devoir du juge d'instruction de surseoir à ses ordonnances lorsqu'elles sont frappées d'opposition ou d'appel; mais que cette règle souffre exception dans le cas où il s'agit d'une mesure urgente dont le retard peut compromettre la manifestation de la vérité (Montpellier, 25 juin 1846, aff. Bernard, V. no 566), décision qui ne doit, à notre avis, être suivie qu'à titre de conseil donné au juge d'instruction et comme indicative d'une sorte de pouvoir discrétionnaire qu'elle semble lui reconnaître. Toutefois, et d'après un arrêt, la chambre d'accusation saisie par appel de l'ordonnance rendue par un juge d'instruction, ne peut, à peine de nullité, faire injonction à ce magistrat de changer sa décision; lui enjoindre, par exemple, de prononcer une amende contre un témoin qui n'aurait pas comparu, lorsque, dans la conviction du juge, cette amende n'est pas méritée (Crim. cass. 30 déc. 1842) (1).

431. L'arrêt rendu par la chambre d'accusation sur l'appel d'une ordonnance de juge d'instruction, peut être attaqué devant la Cour de cassation dans le délai et par les moyens de droit commun: l'extension donnée à ce délai par l'art. 296 c. inst. crim., et la restriction apportée aux moyens de pourvoi par l'art. 299, ne s'appliquent point à un arrêt de cette nature, mais seulement aux arrêts des chambres d'accusation qui ont prononcé un renvoi à la cour d'assises pour un fait qualifié crime par la loi (Crim. rej. 4 août 1820, aff. Chevalier, V. no 427).

432. A l'égard des personnes qui peuvent appeler des ordonnances du juge d'instruction, V.Appel crim., nos 12 et suiv., et M. Hélie, p. 178 et suiv., qui pense, contrairement à la jurisprudence et à l'opinion que nous avons émise loc. cit., que le droit d'appel appartient au prévenu.

433. Le juge d'instruction peut-il rétracter les ordonnances qu'il a rendues? L'affirmative semble ne pas devoir faire doute. Les actes d'instruction sont de pure faculté, et on ne voit pas comment le juge d'instruction pourrait se trouver lié par ses propres actes. Telle mesure qui paraît utile un jour peut devenir le lendemain sans objet, et réciproquement; aussi est-il certain qu'un acte irrégulier peut être refait par lui sans qu'aucune nullité puisse en résulter. Il a été jugé en ce sens que ce n'est qu'à l'égard des jugements définitifs que le juge ne peut se réformer lui-même; mais qu'il peut et doit annuler l'instruction par lui faite pour agir plus régulièrement (Crim. rej. 29 therm. an 4, MM. Brun, pr., Seignette, rap., aff. Chauvet, V. toutefois n° 642).

434. Le juge d'instruction ne peut procéder lui-même à l'exécution de ses ordonnances; c'est au ministère public que ce soin appartient. V. nos 319 et suiv.

435. L'art. 59 c. inst. crim. porte : « Le juge d'instruction, dans tous les cas réputés flagrant délit, peut faire directement et par lui-même tous les actes attribues au procureur impérial, en se conformant aux règles établies au chapitre des procureurs impériaux et de leurs substituts. Le juge d'instruction peut requérir la présence du procureur impérial, sans aucun retard néanmoins des opérations prescrites dans ledit chapitre. >> - Ainsi, dans tous les cas de flagrant délit, ce juge peut

(1) Espèce : — (Intérêt de la loi. — M. le conseiller Pasquier.) « Le procureur général près la cour de cassation expose qu'il est chargé par M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de requérir, dans l'intérêt de la loi, conformément à l'art. 441 c. inst. crim., l'annulation d'un arrêt de la cour royale de Cayenne, chambre des mises en accusation, rendu le 17 déc. 1841, et concernant M. le conseiller Pasquier. Cet arrêt, qui contient un excès de pouvoir, a été rendu dans les circonstances suivantes : - Cité à comparaître comme témoin devant le juge d'instruction dans une procédure instruite sur sa dénonciation, et relative à des sévices exercés contre un esclave, M. Pasquier ne s'était pas présenté; aux termes des art. 80 et 92 c. inst. crim., il était passible d'une amende; il pouvait en outre être contraint par voie de mandat d'amener à venir déposer. Le juge d'instruction ne crut pas devoir prononcer d'amende, et se borna à décerner contre le témoin un mandat de comparution, et le procureur du roi ayant alors requis que M. Pasquier fût condamné à l'amende, ce juge, par une ordonnance du 13 déc. 1841, déclara qu'il n'y avait lieu de faire droit à ce requisitoire, en se fendant sur ce que la loi lui laissait la faculté de choisir la voie de con

TOME XXVIII.

se transporter sur les lieux du délit sans être accompagné du ministère public, et faire les actes d'instruction nécessaires sans qu'ils soient précédés d'aucune réquisition. Il peut requérir la présence du procureur impérial, mais sans être obligé de l'attendre (V. nos 565 et s.).-S'ils sont réunis, chacun d'eux doit se renfermer dans ses fonctions: le juge instruit, le ministère public requiert. M. Carnot, t. 1, p. 214 et 285, pense que l'art. 59, en renvoyant aux règles établies à l'égard des procureurs impériaux et de leurs substituts, a limité les pouvoirs du juge d'instruction, et que le juge ne peut faire que les actes que le ministère public aurait lui-même le droit de faire. Mais, ainsi que le fait observer M. Hélie, t. 5, p. 144, c'est là une erreur évidente. Le juge d'instruction agit dans le cas de flagrant délit, aussi bien que dans tous les autres cas, en vertu de son pouvoir propre; la loin'a pas pu vouloir apporter à ce pouvoir une limitation qui n'aurait aucun but. Elle a eu pour objet, au contraire, de favoriser l'action de la justice, au cas de flagrant délit, en augmentant, d'une part, les attributions du ministère public; en permettant, d'autre part, au juge d'instruction d'agir sans attendre les réquisitions du procureur impérial (V. en ce sens l'exposé des motifs, p. 48, no 16, et M. Duverger, t. 1, p. 348). — La faculté d'agir comme en cas de flagrant délit n'appartient, suivant M. Duvergier, t. 1, no 116, au juge d'instruction que lorsque le fait est de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante : il serait obligé de procéder dans la forme ordinaire lorsqu'il s'agit de simple délit.-M. Boitard, p. 310, pense au contraire, et avec raison, suivant nous, que le droit accordé par l'art. 59 au juge d'instruction s'étend aux délits flagrants aussi bien qu'aux crimes flagrants, l'art. 59 ne faisant pas, comme l'art. 52, de distinction à cet égard.

436. MM. Carnct, t. 1, p. 289, 290; Duverger, t. 1, p. 372, estiment, contrairement à l'opinion de MM. Legraverend, t. 1, p. 187; Bourguignon, Man., l. 1, 139; Jur., t. 1, p. 165; Boitard, p. 310, que l'art. 59, en donnant au juge d'instruction le droit d'instruire au cas de flagrant délit sans attendre les réquisitions du ministère public, ne lui confère pas une simple faculté, mais une obligation; qu'ainsi le juge instruit de l'existence d'un crime flagrant n'est pas libre d'agir ou de rester inactif. Mais l'opinion de ces derniers auteurs nous semble préférable. D'une part, l'art. 59 se sert de termes facultatifs : « Le juge d'instruction peut faire directement et par lui-même..., peut requérir, etc.,» tandis que les art. 32 et 49, qui s'adressent aux procureurs impériaux et à leurs auxiliaires, emploient des expressions impératives: se transportera, dresseront des procès-verbaux. D'autre part, la mission du juge instructeur dans le cas de l'art. 59 n'est pas limitée, comme dans les art. 32 et 49, aux fails entraînant peine afflictive et infamante; elle s'étend même aux délits correctionnels (V. no 435). Il est donc indispensable de lui reconnaître un droit d'appréciation sur l'utilité de son intervention directe. Enfin le nombre et l'importance des travaux de ce juge ne lui permettent pas toujours de s'en distraire, et l'autorisent à se reposer du soin de constater le flagrant délit sur le procureur impérial et sur ses auxiliaires plus rapprochés que lui du théâtre du crime. « Ce sera donc, ainsi que le dit fort bien M. Boitard, p. 310, au juge d'instruction, selon les circonstances, selon l'importance des faits et la proximité des lieux, selon aussi

trainte qu'il croirait nécessaire; que, d'ailleurs, il estimait que la procédure était complète. C'est sur l'opposition formée par le ministère public à cette ordonnance, qu'est intervenu l'arrêt du 17 déc. 1841, qui ordonne un plus ample informé dans l'instance engagée par suite de la dénonciation de M. Pasquier, et enjoint en même temps au juge d'instruction, de prononcer une double amende contre ce magistrat, pour n'avoir pas d'abord comparu, et pour avoir ensuite refusé de déposer.Cette injonction est une atteinte portée à l'indépendance du juge d'instruction qui, ayant statué dans les limites de ses attributions, sur les faits relatifs à M. Pasquier, ne pouvait être contraint à changer sa dé→ cision, à prononcer à raison des mêmes faits une amende qu'il ne croyait pas méritée, et à faire ainsi un acte contraire à sa conviction. La cour de Cayenne a donc excédé ses pouvoirs, et son arrêt doit, par suite, être annulé, dans l'intérêt de la loi. Signé Dupin. » LA COUR; Vu les art. 441, 408, 413 et 416 c. inst. crim.; Après en avoir délibéré, adoptant les motifs du réquisitoire; Casse et annule, dans l'intérêt de la loi seulement.

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Du 30 déc. 1842.-C. C., ch. crim.-MM. Bastard, pr.-Romiguières, 8.

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la gravité des affaires dont il est chargé en ce moment, de voir s'il est à propos d'user de l'art. 59, de devancer, pour agir, les conclusions du ministère public. »-Néanmoins, on doit ajouter que si le refus d'agir de la part du juge d'instruction était intempestif et sans raison valable, il pourrait être considéré comme une grave atteinte à ses devoirs, qui l'exposerait à des poursuites disciplinaires conformément aux art. 279 et suiv. c. inst. crim.-V. no 406.

437. Le juge d'instruction a-t-il, comme le procureur impérial, quand il y a réquisition de la part d'un chef de maison pour un délit commis dans l'intérieur, les mêmes attributions que pour le flagrant délit? Non, suivant Legraverend, t. 1, p. 188, car l'art. 59 n'investit le juge d'instruction de pouvoirs extraordinaires que dans les cas de flagrants délits; or, on voit, par les art. 46 et 49, que le cas de réquisition d'un chef de maison diffère du cas de flagrant délit (Conf. Bourguignon, Manuel, t. 1, p. 130; Jur. t. 1, p. 115; Delamarte-Filènes, Man. du juge d'inst., p. 67; Massabiau, t. 2, p. 242).-Mais les mêmes motifs qui ont fait conférer au procureur impérial le droit exceptionnel de faire les actes d'instruction dans le cas de l'art. 46, militent également pour que ce droit soit conféré dans le même cas, au juge d'instruction, dans les attributions duquel d'ailleurs sont particulièrement les actes dont il s'agit. Au surplus, l'art. 59 n'autorise pas seulement le juge d'instruction à agir directement et d'office dans les cas de flagrant délit, mais bien dans tous les cas réputés flagrant délit. Or le cas de réquisition de la part d'un chef de maison est visiblement assimilé au flagrant délit par l'art. 46; il rentre dans les cas réputés flagrant délit, dont parle l'art. 59. C'est aussi la doctrine de MM. Mangin, Inst. écrite, no 234; Hélie, t. 4, p. 687; Duverger, no 115.

438. Quand le procureur impérial dresse un procès-verbal, en cas de flagrant délit, il doit être assisté du commissaire de police ou du maire ou adjoint du maire (c. inst. crim. 42, V. n° 365). La même obligation est imposée au juge instructeur quand il opère seul et directement (c. inst. crim 59). Mais le procès-verbal dressé par le juge d'instruction, assisté du procureur impérial, pour constater le flagrant délit, n'est point soumis à cette formalité. La réunion de ces deux fonctionnaires rend inutile la précaution ordonnée pour le cas où l'un des deux agit seul. Telle est l'opinion de Legraverend, t. 1, p. 427, pour les procès-verbaux de visites domiciliaires, dans les cas ordinaires, et de Bourguignon, sur l'art. 42.

439. L'art. 60 c. inst. crim. est ainsi conçu : « Lorsque le flagrant délit aura déjà été constaté et que le procureur impérial transmettra les actes et pièces au juge d'instruction, celui-ci sera tenu de faire, sans délai, l'examen de la procédure. - Il peut refaire les actes ou ceux des actes qui ne lui paraîtraient pas complets. >> - Le juge d'instruction a le droit de refaire par luimême, ou par une délégation nouvelle, les actes des officiers de police judiciaire par lui commis ou délégués, lorsqu'ils lui paraissent incomplets ou irréguliers, comme il peut refaire les actes des officiers de police judiciaire qui ont agi sans son concours dans les affaires dont l'instruction lui est ensuite dévolue; mais aucune loi ne l'autorise à prononcer l'annulation de ces actes; cette annulation est l'exercice du droit réservé aux tribunaux de rendre des jugements; c'est à la chambre du conseil ou à la chambre d'accusation qu'il appartient, quand il y a lieu, de la prononcer (Crim. cass. 27 août 1818, aff. Constans, V. no 572. Conf. M. Hélie, t. 5, p. 161). Par conséquent, un premier président de cour impériale, agissant comme juge d'instruction, dans les cas prévus par l'art. 484 c. inst. crim., ne peut, sans excès de pouvoir, annuler les actes irréguliers faits sur sa délégation par un officier de police judiciaire. Le droit de prononcer cette annulation ne peut être exercé, en pareil cas, que par la chambre d'accusation (même arrêt). Lorsque le rapport des gens de l'art, dressé en vertu des art. 43 et 44 c. inst. crim., est insuffisant ou obscur, le juge d'instruction peut, si cela lui parait nécessaire, nommer de nouveaux experts et faire procéder à de nouvelles opérations.

440. Hors le cas de flagrant délit, porte l'art. 61 c. inst. .crim., le juge d'instruction ne fera aucun acte d'instruction et de poursuite qu'il n'ait donné communication de la procédure au procureur impérial. Il la lui communiquera pareillement lors

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qu'elle sera terminée; et le procureur impérial fera les réquisttions qu'il jugera convenables, sans pouvoir retenir la procédure plus de trois jours. Néanmoins le juge d'instruction délivrera, s'il y a lieu, le mandat d'amener, et même le mandat de dépôt, sans que ces mandats doivent être précédés des conclusions du procureur impérial » (V. l'Exposé des motifs, p. 48, no 16). La disposition qui interdit au juge d'instruction de faire aucun acte d'instruction et de poursuite, sans avoir communiqué la procédure au procureur impérial, ne doit pas être interprétée à la lettre le sens en a été expliqué lors de la discussion au conseil d'État. M. Defermon, ayant fait observer que la procédure serait interminable si le juge ne pouvait rendre une ordonnance sans communiquer, M. Berlier répondit : « L'article en discussion s'applique aux cas communs et à l'instruction qui, dans ces cas, se fait dès l'origine par le juge d'instruction, sans que le procureur impérial ait à y remplir d'autre ministère que celui de requérir et conclure. Dans le plan, et dès l'origine aussi, il est dû communication de la procédure à la partie publique : toutefois, si cette communication devait avoir lieu pour chaque acte d'instruction et de poursuite, cela pourrait s'étendre trop loin; et peut-être convient-il, ou de restreindre cette règle aux actes les plus importants, ou d'employer une rédaction telle que l'on ne puisse en conclure que le juge d'instruction ne saurait faire le moindre acte d'instruction sans communication préalable à la partie publique » (V. Locré, t. 23, p. 175 et 176). — L'article et les observations furent renvoyés à la section de législation, qui toutefois n'a pas cru devoir changer la rédaction de cet article, dans la pensée sans doute qu'il exprimait suffisamment l'intention manifestée par M. Berlier de ne pas donner une extension abusive à l'obligation de communiquer. Telle est aussi le sens attribué à la disposition dont il s'agit, par MM. Carnot, t. 1,p. 226; Bourguignon, sur l'art. 61; Mangin, no 11, Boitard, p. 311 et 312; Duverger, p. 392; Hélie, t. 5, p. 152 et suiv.

441. Par exception au principe qui interdit au juge instructeur de faire aucun acte d'instruction sans avoir communiqué la procédure au ministère public, l'art. 61 c. inst. crim. l'autorise à délivrer, s'il y a lieu, le mandat d'amener et même le mandat de dépôt, sans que ces mandats soient précédés des conclusions du procureur impérial, parce qu'il importe d'empêcher qu'un prévenu ne disparaisse pendant les lenteurs de la communication; mais le mandat d'arrêt ne peut jamais être délivré que sur les conclusions du ministère public, lequel ne doit requérir cette mesure qu'avec la plus grande réserve.-V. nos 654 et suiv.

442. De ce que, hors le cas de flagrant délit, le juge d'instruction ne peut, aux termes de l'art. 61, commencer une procédure sans en avoir été requis par le procureur impérial, il suit qu'il ne peut pas non plus faire porter l'instruction sur des crimes et délits autres que ceux qui lui ont été déférés par le réquisitoire du ministère public; et cela, quand même la preuve de ces autres délits résulterait des informations par lui prises, des pièces tombées en ses mains; et quand même encore les délits dont il s'agit seraient connexes à celui qui fait l'objet du réquisitoire de la partie publique, si d'ailleurs ils en sont réellement distincts, et n'en constituent pas seulement une circonstance aggravante. C'est aussi l'avis de MM. Mangin, no 12; Hélie, t. 5, p. 168 et suiv.; Conf. nos 802, 924, 1095.-Si le juge d'instruction commençait une procédure sans avoir été requis par le ministère public, celui-ci aurait incontestablement le droit d'appel (V. en ce sens nos 634, 641).

443. Par la même raison, et toujours hors les cas de flagrant delit, le juge d'instruction ne peut décerner des mandats que contre les individus à l'égard desquels l'action publique est intentée: impliquer dans les poursuites d'autres individus, ce serait diriger contre eux l'action publique dont l'exercice ne lui appartient pas. Cette solution, qu'adopte Mangin, no 15, n'est point contredite, ce semble, par le 2e alin. de l'art. 61, qui autorise le juge d'instruction à décerner les mandats d'amener et de dépôt, sans qu'il soit besoin que ces mandats aient été précédés des conclusions du ministère public; car cette disposition suppose que l'action publique a déjà été intentée par le fonctionnaire compétent contre les individus dont le juge d'instruction est autorisé à or donner, sans réquisition préalable, l'arrestation préventive. Toutefois, M. Hélie, t. 5, p. 166 et suiv., pense qu'une telle in

terprétation ne peut aboutir qu'à paralyser l'action du juge instructeur; que sans doute il serait préférable qu'une arrestation ne pût être opérée que par le concours du juge d'instruction et du procureur général; mais que, puisque « la loi attribue au juge le droit de délivrer sans réquisition les mandats d'amener et de dépôt, l'instruction exige que ce droit puisse être exercé dans tous les cas, soit que les premières réquisitions aient ou n'aient pas désigné les individus auxquels il s'applique » (Conf. M. Duverger, t. 1, p. 396 et suiv.).—V. du reste, no 445.

444. Mais quoique le juge d'instruction ne doive pas étendre l'action publique à d'autres faits et à d'autres individus que ceux auxquels le ministère public l'a limitée, néanmoins il est de son devoir, aux termes de l'art. 29 c. inst. crim., de recueillir, pour les transmettre au ministère public, tous les renseignements qui parviennent à sa connaissance et qui sont relatifs à d'autres crimes et délits; seulement, il ne doit s'enquérir de ces nouveaux faits que pour mettre le ministère public en état d'en poursuivre, s'il y a lieu, la répression; il ne doit pas agir comme si l'action publique était déjà intentée relativement aux faits dont il s'agit. - « Ainsi, dit M. Mangin, il peut très-bien recueillir dans le procès-verbal d'information les parties des déclarations des témoins qui sont relatives à d'autres délits que ceux sur lesquels il a été requis d'informer, mais il ne peut pas formaliser une information spéciale à raison de ces autres délits; il doit constater tout ce qui est propre à faire connaître les auteurs et les complices du fait sur lequel il instruit, autres que ceux que le procureur du roi lui a signalés dans son réquisitoire, mais il ne peut décerner des mandats contre eux; il peut, quand il procède à des visites domiciliaires, se saisir de tous les objets qui lui paraissent provenir de délits différents de celui sur lequel il instruit, mais il ne peut pas faire directement ces visites pour rechercher des preuves relatives à des faits qui ne sont pas compris dans le réquisitoire et qui ne lui ont été révélés que par une autre procédure; il peut, quand le prévenu est sous la main de la justice, l'interroger sur tous les faits que l'instruction a fait parvenir à sa connaissance, bien qu'ils soient étrangers à ceux qui donnent lieu à la poursuite, mais il ne peut décerner contre ce prévenu

(1) Espèce:- (Min. pub. C. Bonnet.)-Des poursuites, pour faux en écriture authentique étaient dirigées à la requête du ministère public contre Bonnet, huissier, qui avait déjà été condamné, pour le même fait, par voie disciplinaire, aux termes de l'art. 45 du décret du 14 juin 1813.- Le juge d'instruction du tribunal de Valence, saisi de l'affaire, se fondant sur la règle non bis in idem, décida que l'instruction ne serait pas continuée. Opposition par le procureur du roi, l'affaire fut portée devant la chambre du conseil du tribunal de Valence, qui confirma la décision du juge d'instruction.- Nouvelle opposition du procureur du roi.-La cause fut alors portée à la chambre des mises en accusation de la cour de Grenoble. Cette cour a décidé qu'il y avait fausse application de la règle non bis in idem; elle a, en conséquence, annulé, par arrèt du 10 fév. 1829, les ordonnances, et a ordonné que l'instruction aurait son cours ordinaire; mais elle a renvoyé l'affaire devant un juge d'instruction autre que celui qui avait connu d'abord de l'affaire, et qui serait désigné par le tribunal de Valence, mais composé d'autres juges que ceux qui avaient rendu la première ordonnance. · Pourvoi du procareur général sur ce dernier point. Arrêt.

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LA COUR; — Attendu qu'en décidant que le juge d'instruction près le tribunal de Valence n'avait pas eu le droit de rendre l'ordonnance porfint que les poursuites commencées contre l'huissier Bonnet ne seraient pas continuées, droit qui ne pouvait appartenir qu'à la chambre du conseil, l'arrêt attaqué s'est parfaitement conformé à la loi;- Qu'il s'y est également conformé en jugeant que c'était à la chambre d'accusation de la cour royale et non au tribunal qu'il appartenait de prononcer sur le dissentiment qui s'etait élevé, au sujet de cette ordonnance, entre le ministère public et le juge d'instruction, et en annulant, comme incompétemment rendue, l'ordonnance de ce tribunal, en date du 15 janvier dernier; qu'enfin, en écartant l'application de l'autorité de la chose jugée, et en ordonnant que les poursuites commencées seraient suivies devant le même tribunal de Valence, l'arrêt a fait une juste application des règles de la matière ;

Mais attendu qu'au lieu de faire reprendre à l'instruction son cours ordinaire, cet arrêt ordonne que la procédure sera continuée par un autre juge d'instruction que le juge d'instruction en titre, qui a rendu l'ordonnance dont il prononce l'annulation, et exclut de la chambre du conseil les juges qui ont statué sur cette ordonnance; qu'en cela la cour royale de Grenoble a fait une fausse application des art. 472, 475 c. pr. civ.; 214, 429, 451 c. inst. crim., et excédé ses pouvoirs; qu'en

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un mandat à raison de ces faits, ni les comprendre dans les mandats qu'il décerne à raison des autres...»-V. toutefois, M. Duverger, t. 1, p. 406.

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445. Au surplus, lorsque le ministère public, ne connaissant pas, ou ne connaissant qu'en partie, les coupables d'un délit, au moment où il intente l'action publique, a requis le juge d'instruction d'informer contre les auteurs et complices du délit, ou contre tels individus désignés et leurs complices, l'action pu→ blique se trouve intentée par là même contre les auteurs ou complices non indiqués, de sorte que le juge a le droit, à mesure qu'il les découvre, de les placer sous la main de la justice. Et, de même, lorsque le ministère public, n'étant pas à même de signaler, dès son premier requisitoire, tous les délits commis par un individu, a demandé que l'information portât sur tel délit spécifié et sur tous autres dont le prévenu peut être coupable, l'action publique ne doit pas être considérée comme restreinte au délit désigné, et l'instruction doit s'étendre à tous (Conf. MM. Mangin, no 14; Hélie, t. 5, p. 166). Cette faculté fait disparaître les inconvénients qui pourraient résulter de la solution adoptée no 443. 446. Le juge d'instruction ne peut refuser d'instruire sur les faits qui lui sont déférés par le ministère public, sous prétexte que ces faits ne sont pas punissables, ou que l'action publique est éteinte, ou que le prévenu peut être cité directement devant le tribunal correctionnel. Il peut seulement, s'il croit qu'il n'y a pas lieu d'entamer ou de continuer des poursuites, en référer à la chambre du conseil (Conf. Carnot et Bourguignon sur l'art. 61; MM. Duverger, t. 1, no 120; Hélie, t. 5, p. 156 et s.).Jugé ainsi : 1° que ce n'est pas au juge d'instruction, mais à la chambre du conseil qu'il appartient de décider, sur le rapport de ce juge, si les poursuites commencées contre un individu seront continuées (Crim. cass. 10 avril 1829) (1); — 2o Que le juge d'instruction, saisi par un réquisitoire du procureur impérial, ne peut, dans aucun cas, et sous aucun prétexte, se dessaisir de sa propre autorité, soit en prononçant sur le mérite de la plainte, soit en statuant sur la qualification du fait ou sur sa propre compétence, sans faire auparavant rapport à la chambre du conseil, qui, seule, a le droit de décider s'il y a lieu à suivre et de

effet, les juges d'instruction forment de véritables juridictions, et que les juridictions ne peuvent être saisies ou dépouillées qu'en vertu des dispositions de la loi; qu'aucune loi n'autorisait le renvoi et les exclusions prononcées par l'arrêt attaqué. — Que si l'on pouvait induire de l'annulation de l'ordonnance du juge d'instruction de Valence, qu'il existait contre lui une cause de suspicion légitime, il n'appartenait qu'à la cour de cassation d'apprécier cette cause, et de juger s'il y avait lieu, ou non, à le dessaisir; Que l'arrêt attaqué ne pouvait pas davantage frapper de suspicion les magistrats composant la chambre du conseil, qui ont concouru à l'ordonnance annulée; Que si les chambres d'accusation sont chargées de prononcer sur les dissentiments qui peuvent s'élever entre le ministère public et les juges d'instruction ou les chambres du conseil, elles ne peuvent, en faisant cesser les obstacles qu'ils auraient mal à propos apportés à l'exercice de l'action publique, décider que ce jugo d'instruction ou ces chambres du conseil, ont épuisé leurs pouvoirs, et, conséquemment, les dessaisir; que non-seulement la loi ne l'a point ainsi ordonné, mais qu'il résulterait de ce mode de procéder l'inconvé→ nient grave de transporter l'instruction d'une affaire hors des lieux où la loi a présumé qu'elle se ferait le plus facilement; d'exposer même l'instruction d'une affaire à parcourir plusieurs tribunaux, ce qui, dans le système de l'arrêt attaqué, arriverait toutes les fois que les ordonnances annulées par les cours auraient été rendues par des tribunaux qui ne sont pas divisés en plusieurs chambres, et lorsque les dissentiments entre eux et le ministère public se multiplieraient dans une même affaire ; — Que les pouvoirs des chambres du conseil reposant essentiellement dans les chambres d'accusation, il est sans inconvénient, tant que celles-ci ne sont pas dessaisies par suite de cassation de leurs arrêts, de conserver aux juges dont elles ont annulé les ordonnances, l'instruction de l'affaire instruction dont les chambres d'accusation conservent la suprême direction, et que, d'ailleurs, elles peuvent évoquer, en vertu de l'art. 235 c. inst. crim., toutes les fois qu'elles le jugent nécessaire; motifs, casse la disposition de l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour de Grenoble, du 10 fév. dernier, qui ordonne la continuation des poursuites par un autre juge d'instruction qui sera désigné par le tribunal civil de Valence, composé d'autres juges que ceux qui ont rendu ladite ordonnance du 13 janvier; le surplus dudit arrêt, et notamment sa disposition qui ordonne la continuation des poursuites devant le tribunal de Valence, sortissant ses effets.

Par ces

Du 10 avr. 1829.-C. C, ch. crim.-MM. Bailly, f. f. pr.-Mangin, rap,'

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déterminer la nature des poursuites à exercer (Grenoble, 22 déc. 1832) (1); 3° Que le juge d'instruction ne peut pas refuser de procéder à une information requise par le procureur impérial lorsque le fait dénoncé présente les caractères d'un crime ou d'un délit (Douai, 21 avril 1832 (2). Conf. Grenoble, ch. d'accus. 14 oct. 1824, M. Maurel, pr., aff. min. pub. C. Jean-Baptiste N...); 4° Qu'un juge d'instruction commet un excès de pouvoir en décidant, par une ordonnance, qu'il n'y a pas lieu à faire droit au réquisitoire du ministère public qui demande une continuation de poursuites contre un individu inculpé; que la chambre du conseil seule a le droit de décider s'il y a ou non lieu à poursuivre, sauf au ministère public à se pourvoir (Metz, 14 mai 1833 (3). Conf. Paris, ch. d'accus. 26 juin 1840, M. Dupuis, pr., aff.

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(1) Espèce: (Min pub. C. habitants de Jailleu et Saint-Savin.) -«Le procureur général près la cour royale de Grenoble ;- - Vu, etc.; Attendu, quant à la forme, que les juges d'instruction ne statuent en dernier ressort que dans les cas où ils y sont expressément autorisés par la loi; que, bors ces cas, leurs décisions peuvent être attaquées, soit par la voie de l'opposition, soit par la voie d'un appel porté devant la cour royale, chambre des mises en accusation, ainsi que cela résulte de la jurisprudence constante de la cour de cassation, établie dans ses arrêts des 4 août 1820, 1er août 1822, 24 fév. et 23 déc. 1831, etc.; - Attendu, quant au fond, qu'en général, le juge d'instruction, saisi par un réquisitoire du procureur du roi, ne peut, en aucun cas, et de sa propre autorité, se dessaisir, soit en prononçant sur le mérite de la plainte en ellemême, soit en statuant ou sur la qualification du fait, ou sur sa propre compétence, sans faire auparavant rapport à la chambre du conseil, qui, seule, a le droit de décider s'il y a lieu de suivre et de déterminer la nature des poursuites à diriger contre les inculpés; - Attendu qu'il suffit qu'un fait soit représenté au juge d'instruction comme constituant un crime ou un délit, pour que ce magistrat, s'il en est requis par le ministère public, doive procéder à information, sans pouvoir jamais se constituer seul juge du mérite ou de l'importunité de l'information requise; - Attendu, dans l'espèce, que le procureur du roi de Bourgoin a usé de son droit en requérant une information à l'occasion des délits qui auraient été commis dans le bois de Chapelat; - Attendu que le juge d'instruction, en se refusant å informer, sous prétexte : 1° que l'art. 182 donne aux agents forestiers le droit de saisir directement le tribunal correctionnel; 2o que les agents ont toute capacité pour constater la nature du délit; 3° qu'il ne s'agit pas d'un délit entraînant la peine d'emprisonnement, a méconnu évidemment le véritable sens de l'art. 182 et violé tous les principes qui régissent l'instruction criminelle; - Qu'en effet, 1° l'art. 182, en donnant aux agents forestiers le droit de citer directement, n'a exclu, en matière de délits forestiers, ni la citation à la requête du ministère public ni l'information préalable, lorsqu'elle est requise par le procureur du roi ou ordonnée par le tribunal; que cette information peut être requise ou ordonnée, en tout état de cause, même lorsque l'affaire a été portée devant le tribunal de police correctionnelle, à la requête seule de la partie civile, ainsi que l'a jugé la cour de cassation, par son arrêt du 8 juin 1824; 2° que, s'il est exact de dire que les agents forestiers ont une capacité ou une aptitude toute spéciale pour déterminer la nature des délits forestiers, il ne s'ensuit pas que le juge d'instruction soit dispensé d'informer à l'occasion de ces délits, sauf à lui à avoir recours aux renseignements et opérations des agents forestiers, pour éclairer sa religion; 3° qu'aucun texte de loi n'autorise la distinction faite par le juge d'instruction de Bourgoin, entre les délits qui entraînent la peine d'emprisonnement et ceux qui ne sont punis que d'une amende, pour établir en sa faveur le droit de refuser l'information à l'occasion des délits de la seconde espèce; Par tous ces motifs, requiert, etc. » — - Arrêt.

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LA COUR; Vu les pièces énoncées dans le réquisitoire ci-dessus ; Adoptant les motifs exprimés audit réquisitoire; - Après avoir délibéré sans désemparer, faisant droit à l'appel du procureur du roi de Bourgoin, lequel elle déclare non recevable, annule, comme contenant violation de la loi et excès de pouvoir, l'ordonnance rendue, le 17 de ce mois, par le juge d'instruction; en conséquence, ordonne qu'il sera donné suite au réquisitoire du procureur du roi près le même tribunal, du 10 du même mois; à quel effet désigne spécialement M. Douillet, président dudit tribunal, pour remplir les fonctions de juge d'instruction. Du 22 déc. 1852.-C. de Grenoble, ch. d'acc.-M. Vigne, pr. (2) (Min. pub. C. N..,)- LA COUR ; - Vu la réquisition écrite du procureur général du roi, dont la teneur suit : « Vu l'ordonnance rendue par le juge d'instruction de..., le 18 avr. 1852, et l'opposition formée à cette ordonnance par le procureur du roi près le tribunal de...;- Attendu qu'un juge d'instruction ne peut se dispenser de procéder à une information requise par le procureur du roi, lorsqu'il est compétemment saisi par ce magistrat de la connaissance d'un fait qui peut présenter les caractères d'un crime ou d'un délit ; Qu'au contraire, il est alors du devoir du juge d'instruction de faire immédiatement tous les actes d'information, et de réclamer tous les éléments de preuve qui peuvent éclai

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n° 291-20.

min. pub. C. Chevrel); -5° Que le juge d'instruction, requis par le procureur impérial d'instruire contre un individu, ne peut décider seul qu'il n'y a pas lieu à suivre, ni refuser d'informer, sous prétexte que le fait incriminé ne constitue ni crime ni délit (Paris, 11 mai 1838, aff. Varvager, V. Crimes contre les personnes, Conf. Crim. cass. 29 germ. an 13, M. Seignette, rap., aff. min. pub. C. Gitareau); ·6° Que le juge d'instruction ne peut décider seul qu'il n'y a pas lieu de faire le supplément d'instruction dont il a été requis par le procureur impérial, il doit, s'il n'est pas d'avis que ce supplément soit nécessaire, se borner à faire son rapport à la chambre du conseil, seule compétente pour juger si le supplément est ou n'est pas nécessaire (Paris, 15 juin 1838 (4); 21 septembre 1838, aff. N......., arrêt identique,

rer la marche de la justice et faciliter la décision de la chambre du con seil à laquelle il doit ulterieurement rendre compte de l'affaire ; - Que ce devoir résulte pour lui de la nature même de ses fonctions et des dispositions des art. 47, 54, 55, 64, 70, 71, 87 et 127 c. inst. crim.; Que nulle part la loi n'abandonne au libre arbitre du juge d'instruction la question de savoir s'il y a lieu d'informer, ni ne l'autorise à se prononcer sur l'utilité des poursuites requises par le ministère public, à juger d'avance le résultat qu'elles pourront avoir; Qu'admettre ce système, ce serait reconnaître que le juge d'instruction a la faculté de déclarer implicitement, avant toute information, qu'il n'y a lieu à suivre, tandis que ce droit, quand la procédure est achevée, n'appartient qu'à la chambre du conseil réunie conformément à la loi; - Attendu que les procès-verbaux transmis au juge d'instruction les 16 et 18 avr. 1852 révèlent et constatent un fait d'incendie qui a consumé six maisons en la commune de..., fait dont la cause pourrait être attribuée à la malveillance; Nous requérons que la cour, statuant sur l'opposition formée par le procureur du roi près le tribunal de... à l'ordonnance du juge d'instruction du 18 avr. 1832, déclare ladite ordonnance nulle et non avenue, et renvoie la procédure à telle autre juge d'instruction qui sera désigné pour être par lui procédé conformément à la loi ; » — Après avoir délibéré, Considérant que le code d'instruction criminelle n'attribue qu'à la chambre du conseil le caractère légal pour juger du mérite des preuves; que nulle part il n'abandonne ce droit à l'arbitraire du juge d'instruction; qu'admettre ce dernier système, ce serait reconnaître que co magistrat a la faculté de déclarer implicitement avant toute information, qu'il n'y a lieu à suivre ce qui serait aussi contraire à l'esprit qu'aux dispositions de la loi; - Adoptant, au surplus, les motifs énonces au réquisitoire qui précède, déclare l'ordonnance dont il s'agit nuile et de nul effet; renvoie la procédure au juge d'instruction de..., etc. Du 21 avr. 1832.-C. de Douai, ch. d'acc.

(3) (Min. pub. C. Nicolas Hébing.) - LA COUR; - Attendu que toute affaire instruite par le juge d'instruction ne peut se terminer que par une ord. de la chambre du conseil;-Attendu que le juge d'instruction de Vouziers a, par son ord. du 8 mai, dit qu'il n'y avait pas lieu à faire droit au réquisitoire du ministère public, qui demandait la continuation des poursuites contre Nicolas Hebing, et qu'il a par là entravé la marche de la justice; - Attendu qu'à la chambre du conseil seule, appartenait le droit de décider, conformément à l'art. 128 c. inst. crim., s'il n'y avait pas lieu à poursuivre contre Nicolas Hébing, sauf au ministère public à se pourvoir par les voies de droit, contre l'ordonnance de la chambre; que, par conséquent, le juge d'instruction de Vouziers a, par son ord. du 8 mai commis un excès de pouvoir.

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Du 14 mai 1833.-C. de Metz, ch. acc.-M. Pyrot, pr. (4) (Min. pub. C. Recusson.) La cour; - · Considérant que le procureur du roi est investi de l'action publique pour la recherche et la poursuite des crimes et des délits dans l'intérêt de la sûreté générale; -Qu'il suit nécessairement de là qu'il a le droit, pour en assurer l'exercice, de requérir le juge d'instruction de faire les actes qu'il croit nécessaires pour découvrir la vérité, constater la nature et la gravité des faits et la culpabilité des inculpés, afin de mettre la chambre du conseil, à qui est conférée l'attribution de prononcer sur l'action publique intentée, en état de statuer en pleine connaissance de cause; Que c'est ce qui résulte des art. 1, 22, 47, 61, 127 et suiv. c. inst. crim.;-Que le juge d'instruction, sauf le droit de décerner les mandats, est uniquement chargé de préparer et de rassembler les documents destinés à être appréciés par le procureur du roi et par la chambre du conseil;-Que, s'il pouvait décider seul que tels ou tels actes d'instruction requis ne sont pas nécessaires, et s'il pouvait, en refusant de les faire, contraindre le procureur du roi à donner ses réquisitions sur le fond d'une affaire incom plétement instruite, l'action publique, qui réside exclusivement dans la personne du procureur du roi, serait paralysée par le refus du juge, et se trouverait en quelque sorte subordonnée à la volonté de celui-ci, puisque le procureur du roi serait privé des éléments de conviction dont il a besoin lui-même pour justifier son action devant la chambre du conseil; — Que, sans doute, le juge d'instruction n'est pas absolument

V. toutefois Orléans, 11 déc. 1840, aff. Boutet, no 448).-L'ar- | rêt du 15 juin 1838, très-bien motivé, détermine avec précision la mission du juge et celle du ministère public, et la marche que celui-ci doit suivre dans les différentes hypothèses que peut amener le rejet de ses réquisitoires par la chambre du conseil.

447. Il a été décidé également, sous le code du 3 brum. an 4 et la loi du 18 pluv. an 9: 1° que le juge commis pour l'instruction d'un procès, n'a de pouvoir que pour la confection des actes relatifs à cette instruction, et, par suite, n'a pas le droit de décider seul, même sur les conclusions du procureur général, qu'il n'y a lieu à suivre sur la plainte; le droit de statuer ainsi sur les effets que l'instruction doit produire étant réservé à la cour qui a commis le juge instructeur (Crim. cass. 29 germ. an 13 (1); 12 pluv. an 13, MM. Vermeil, pr., Lachèze, rap., aff. Bigot C. min. pub.; 23 vent. an 13, MM. Viellart, pr., Audier, rap, aff. min. pub. C. N...; 11 août 1808, MM. Barris, pr., Carnot, rap., aff. min. pub. C. d'Hautpoult); · 2o Que le directeur du jury ne pouvait mettre un prévenu en liberté, sans avoir préalablement entendu le ministère public (Crim. cass. 8 mai 1807) (2).

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pable: il devra donc se transporter, quand II en sera requis, et même d'office, s'il le juge utile, soit dans la maison de l'inculpé, soit dans les autres lieux où pourraient être cachées des pièces propres à manifester la vérité. Enfin le juge d'instruction ne doit absolument rien négliger de ce qui peut tendre au but qu'il doit se proposer.»-C'est par suite de ce principe qu'il a été décidé 1° que le juge d'instruction a le droit de refaire les actes des officiers de police judiciaire qui lui paraissent incomplets ou irréguliers (V. no 439);— 2° Que l'art. 60 c. inst. crim. lui attribue le | même droit à l'égard des pièces de la procédure qui lui sont transmises par le procureur impérial (V. eod.); 3° Que le juge d'instruction n'est pas tenu de procéder à un supplément d'information par cela seul qu'il en est requis par le ministère public; que si l'instruction lui paraît suffisante, il peut faire immédiatement son rapport à la chambre du conseil (Orléans, 11 déc. 1840) (3).—Conf. MM. Schenck, Min. pub., t. 2, p. 266; Carnot, t. 1, p. 350; Mangin, t. 1, p. 17; Duverger, t. 1, p. 407; Hélie, p. 159 et s.)-Toutefois cette indépendance du juge d'instruction s'arrêtera dans les cas rares où le procureur général croira devoir user du droit qui lui est accordé par les art. 279 et suiv. c. inst. crim (V. no 406).-Du reste, lorsqu'en cas de dissentiment entre le juge d'instruction et le procureur impérial, sur le point de savoir si des poursuites seront dirigées contre un individu, le juge rend une ordonnance par laquelle il refuse de faire droit aux réquisitions qui lui sont adressées à ce sujet, c'est à la chambre d'accusation et non à la chambre du conseil qu'il appartient de prononcer (Crim. cass. 10 avril 1829, aff. Bonnet, V. n° 446-1°; Bruxelles, ch. d'acc., 29 juin 1840, aff.

448. Mais le juge d'instruction n'est pas tenu d'obtempérer aux réquisitions du ministère public: il n'est pas lié par le réquisitoire à ce point qu'il doive être asservi à suivre la marche que le ministère public lui aurait tracée. La loi a séparé avec soin les fonctions de partie poursuivante et de juge. A celui-ci appartient l'instruction qu'il dirige suivant ses lumières et sa conscience. « C'est un devoir indispensable du juge d'instruction, | dit l'exposé des motifs (V. p. 48, no 16), de réunir avec le soin le plus scrupuleux tout ce qui peut tendre à la découverte du cou

astreint à faire droit à toutes les réquisitions qui lui sont faites, quand il les croit superflues; mais qu'il ne doit pas décider seul sur ce point, dès que le ministère public insiste; - Que, selon les art. 61 et 127 c. inst. crim., quand la procédure est terminée, ou que du moins le juge la croit terminée, il doit, après avoir reçu les réquisitions du ministère public, faire son rapport à la chambre du conseil, à qui est attribué, par les art. 127 et 153 c. inst. crim., le droit de décider, 1o si les faits articulés constituent un crime ou un délit; 2° s'ils sont suffisamment établis; 3° s'il existe des charges suffisantes de prévention contre les individus poursuivis, et soumettre à cette chambre la question de savoir si le supplément d'instruction requis lui sera nécessaire pour prononcer sur tous les points; - Que, si la chambre, en passant outre, prononce de suite une mise de prévention, le ministère public, s'il s'agit d'un délit, pourra faire procéder devant le tribunal correctionnel saisi au supplément d'instruction jugé inutile par le renvoi; il pourra, s'il s'agit d'un crime, le demander devant la chambre d'accusation; Que, si au contraire, la chambre du conseil décide qu'il n'y a lieu à suivre, le procureur du roi pourra former opposition à l'ordonnance et s'adresser à la chambre d'accusation pour faire ordonner le supplément d'instruction rejeté; Qu'ainsi le ministère public et le juge d'instruction conservent leurs attributions respectives sans être subordonnés l'un à l'autre ; — Considérant, en fait, que le juge d'instruction du tribunal de première instance de Châlons-sur-Marne, requis par le procureur du roi de procéder à un supplément d'instruction, au lieu de faire à la chambre du conseil de ce tribunal son rapport de la procédure qu'il croyait complète, pour qu'elle statuât elle-même sur la question de savoir si les faits étaient suffisamment constatés et caractérisés, et s'il existait des charges suffisantes contre Recusson, a, par son ord. du 25 mai dernier, décidé seul, 1° que les faits étaient suffisamment constatés, et qu'il n'y avait pas lieu à faire le supplément requis; 2o que la procédure serait communiquée au procureur du roi pour qu'il fit un réquisitoire, et qu'ensuite le rapport fut fait à la chambre du conseil; - Que, par ladite ordonnance, le juge d'instruction a rendu une décision qui était de la compétence de la chambre du conseil; - Qu'il mettait par là le ministère public dans l'obligation de présenter, sur une instruction que celui-ci ne croyait pas suffisante, des réquisitions définitives; en quoi il a excédé ses pouvoirs ;-Annule l'ordonnance susdatée; ordonne que les pièces de la procédure seront renvoyées au juge d'ins'ruction du tribunal de première instance de Châlonssur-Marne, pour être procédé conformément à la loi.

Du 15 juin 1838.-C. de Paris, ch. d'acc.-MM. Sylvestre, pr.-Persil, s. Vu l'art. 456 c. des

(1) (Min. pub. C. Gitareau.) — LA COUR; délits et des peines;

- Vu aussi les art. 23 et 24 de la loi du 18 pluv. an 9;-Attendu que le juge commis pour l'instruction d'un procès criminel, n'a de pouvoir que pour la confection des actes relatifs à cette instruction ; qu'à la cour de justice criminelle et spéciale seule appartient de prononcer sur les effets et les résultats que cette instruction doit produire; Que néanmoins, dans l'affaire commencée sur la plainte en crime de faux, portée par Gimeleau contre Simon et autres, le juge in

structeur s'est permis de juger seul, sans l'intervention des autres juges, sur les conclusions du procureur général, qu'il n'y a lieu de suivre sur la plainte en faux; que cet acte renferme un excès de pouvoir manifeste; -Casse.

Du 29 germ. an 13.-C. C., sect crim.-M. Seignette, rap. (2) (Min. pub. C. Perchette.) LA COUR; Vu les art. 12, 15 et 22 de la loi du 7 pluv. an 9; Et attendu 1o que le directeur du jury de la Seine, après avoir interrogé Perchette, et en ordonnant, ensuite, la communication de l'interrogatoire au substitut du procureur général impérial, a cependant, et sans attendre les conclusions du substitut, et par le même acte, ordonné que Perchette serait sur-le-champ mis en liberté, s'il n'était détenu pour autres causes;-Qu'aucun motif ne peut justifier la précipitation de cette ordonnance de mise en liberté, laquelle ordonnance, d'après l'art. 12, et plus particulièrement encore d'après l'art. 15 de la loi du 7 pluv. an 9, ci-dessus citée, ne pouvait être rendue que sur les conclusions du substitut, et qui, même en cas de dissentiment entre le directeur du jury et le substitut, devait être soumis au tribunal d'arrondissement, d'après l'art. 16 de la même loi; Attendu 2o que le directeur du jury de la Seine, par l'ordonnance dont il s'agit, charge un huissier de l'exécution de cette même ordonnance, ce qui est contraire aux dispositions de l'art. 22 ci-dessus cité, d'après lequel l'exécution des ordonnances du directeur du jury est à la charge du substitut;-Casse. Du 8 mai 1807.-C. C., sect. crim.-M. Seignette, rap.

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(3) (Min. pub. C. Boutet.) LA COUR; Considérant, en droit, qu'il résulte des termes du tit. 9 c. inst. crim. et de l'art. 127 de ce code, faisant partie de ce titre, que le juge d'instruction est tenu de rendre compte, au moins une fois par semaine, des affaires dont l'instruction lui est dévolue quand la procédure est complète; -Que, la loi n'ayant pas déterminé le degré d'instruction où doivent être parvenues les affaires pour que le rapport puisse en être utilement fait, on doit en conclure qu'elle s'en est rapportée à la prudence du juge instructeur, et qu'en conséquence il appartient à ce magistrat de prononcer sur l'opportunité du rapport, et de déterminer le jour où il aura lieu, sauf, en cas d'opposition de la part du ministère public, à décider, par la chambre des mises en accusation de la cour royale, s'il y a lieu, soit de faire immédiatement le rapport, soit de continuer l'information, et sauf le droit de la chambre du conseil d'ordonner la continuation de l'instruction dans le cas où elle ne se croirait pas suffisamment éclairée; - Que, de là, il suit que le juge d'instruction n'est pas tenu de procéder à uno information par cela seul qu'elle est requise par le ministère public; Considérant, en fait, qu'à raison des preuves déjà acquises au procès, l'instruction est assez complète pour autoriser le juge d'instruction à en faire le rapport à la chambre du conseil; Déclare le procureur du roi de Pithiviers mal fondé dans son opposition, l'en déboute, et ordonne que l'ordonnance du juge d'instruction de la même ville sera exécutéc selon ses forme et teneur.

Du 11 déc. 1840.-C. d'Orléans, ch. d'accus.-M. Boucher d'Argis, f. f. de pr.

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