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29 therɛm. an 4.-Loi qui modifie l'art. 222 du code du 3 brum. an 4, relativement à la quotité du cautionnement à fournir pour l'obtention de la liberté provisoire.-V. plus loin, no 697.

29 niv. an 6 (18 janv. 1798). — Loi qui attribue à différents fonctionnaires le droit de delivrer des mandats d'amener pour certains Celits mentionnés dans cette loi.-V. Peine.

28 germ. an 6 (17 avr. 1798). — Loi qui règle les fonctions de la gendarmerie comme agents de la force publique et comme officiers te police judiciaire (art. 125 et suiv.)-V. Gendarme, p. 460 et suiv.

22 frim. an 8 (13 déc. 1799). — Constitution qui donne au pouvoir exécutif le droit de délivrer des mandats d'amener en cas de conspiration contre la sûreté de l'État (art. 46), qui supprime les accusateurs publics et les remplace par des commissaires du gouvernement (art. 63), et dont les art. 62, 63, 64, sont relatifs à la justice criminelle, et les art. 77 et suiv. à la forme des arrestations.-V. Droit constit., p. 313 et suiv. 29 frim, an 8 (20 déc. 1799). – Loi qui détermine la manière dont les copies des pièces de procédure seront délivrées aux accusés.

Art. 1. Conformement à l'art. 320 du code des délits et des peines, il sera délivré gratis, à chaque accusé, copie des pièces de la procédure. 2. Dans les procès ou les frais d'impression de ces copies peuvent être moindres que si elles étaient délivrées manu-crites, elles seront imprimées. 3. Pour execution du précédent article, le commissaire du gouvernement, immédiatement après avoir apposé la formule, la loi autorise, présentera son réquisitoire au tribunal, pour obtenir l'autorisation de faire imprimer les copies.

4. Cette impression sera faite par les soins et sous la responsabilité du grellier, qui demeure chargé, sous la surveillance du commissaire du gouversement, d'employer tous les moyens nécessaires pour que la délivrance des copies imprimees soit faite sans aucun retard.

5. Le greffier recevra, pour toute indemnité les rétributions suivantes : 1o La copie générale sur laquelle l'impression aura lieu lui sera payée conformément à l'art. 3 de la loi du 30 niv. an 5; - 2o Pour correction d'épreuves, il lui sera alloué 2 décimes par chaque feuille in-folio d'impression, caractère petit cicero.—Si l'impression est faite dans un autre format et avec d'autres caractères, l'indemnite pour correction d'épreuves sera reduite dans la proportion qui se trouvera entre ce format et ces caractères et ceux mentionnés dans le premier paragraphe du present article. Cette reduction sera faite par le président du tribunal, sur l'avis du commissaire da gouvernement. - 3° Il recevra, pour droit de collation et signature au bas de chaque pièce, 15 centimes.

6. Les frais d'impression seront payés directement à l'imprimeur, sur Torionnance du président, dans la forme usitée pour l'acquit des autres fra's de procédure.

7 pluv, an 9 (27 janv. 1801). — Loi relative à la poursuite des delits en matière criminelle et correctionnelle.

Art. 1. Le commissaire du gouvernement faisant les fonctions d'accusaleur public près le tribunal criminel, aura, près du tribunal civil de chaque arrondissement communal du département, un substitut chargé de la recherche et de la poursuite de tous les délits dont la connaissance appartient soit aux tribunaux de police correctionnelle, soit aux tribunaux criminels.

2. A Paris, il y aura six substituts du commissaire près le tribunal criminel; il y en aura deux à Bordeaux, Lyon et Marseille: néanmoins, dans ces trois dernières villes, le gouvernement pourra, si le bien du service l'exige, porter le nombre des substituts à trois, et à douze pour Paris. 3. Les plaintes des parties, ainsi que toute denonciation. soit officielle, set civique, seront adressées aux substituts du commissaire près le tribual criminel; elles pourront l'être aussi aux juges de paix et aux officiers de gendarmerie.

4. Les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les maires et adjoints, les commissaires de police sont également chargés de dénoncer les crimes et délits au substitut du commissaire près le tribunal criminel; de dresser les proces-verbaux qui y sont relatifs, et même de faire saisir les prévenus en cas de flagrant delit, et sur la clameur publique, sans prejudice des attributions faites aux gardes-champêtres et gardes forestiers, relativement aux delits commis dans leurs ressorts.

5. Outre les cas spécifiés dans le précédent article, les juges de paix et les officiers de gendarmerie sont autorisés, quand un délit emportant peine afflictive aura été commis, et qu'il y aura des indices suffisants contre un prevenu, de le faire conduire devant le substitut du commissaire près le ribunal criminel.

6. Dans tous les cas, l'envoi soit des plaintes, dénonciations, procèsverbaux et déclarations, soit du prévenu, sera fait, sans délai, au substitut du commissaire près le tribunal criminel.

7. Le substitut du commissaire près le tribunal criminel décernera contre le prévenu un mandat de dépôt, sur l'exhibition duquel le prévenu sera reçu et gardé dans la maison d'arrêt établie près le tribunal d'arrondissement: il en avertira, dans les vingt-quatre heures, le directeur du jury, lequel prendra communication de l'affaire, et sera tenu d'y procéder dans le plus court délai,

8 Le directeur du jury pourra, quand il le jugera convenable, recommencer tout acte de procédure et d'instruction fait par les fonctionnaires publics mentionnés en l'art. 4.

9. Les témoins indiqués par le substitut ou par la partie plaignante seTent appelés sur la citation du directeur du jury, et entendus par lui séparément, et hors de la présence du prévenu.

10. Le prévenu sera également amené par son ordre et interrogé par , avant d'avoir eu communication des charges et dépositions: lecture

lui en sera donnée après son interrogatoire; et, s'il le demande, il sera de suite interrogé de nouveau.

11. Tous les autres genres de preuves autorisées par la loi, seront aussi recueillis et constatés par le directeur du jury.

12. Aucun acte de procédure et d'instruction ne sera fait par le direc teur du jury, sans avoir entendu le substitut du commissaire près le tribunal criminel.

13. Le directeur du jury se transportera sur les lieux quand il le jugetconvenable, et, dans ce cas, il lui est alloué 4 fr. par jour, ainsi qu'au substitut du commissaire près le tribunal criminel, et les deux tiers au greffier, quand la distance sera à plus de 15 milles de leur domicile.

14. Le directeur du jury pourra charger les juges de paix et les officiers de gendarmerie de tout acte d'instruction et de procédure pour lequel il ne jugera pas son déplacement nécessaire.

15. Quand le directeur du jury trouve l'affaire suffisamment instruite, il en ordonne la communication au substitut du commissaire près le tribunal criminel, lequel est tenu, dans trois jours au plus, de donner ses réquisitions par écrit, ensuite desquelles le directeur du jury rend une ordonnance par laquelle, selon les différents cas, la nature et la gravité des areuves, il met le prévenu en liberté, ou le renvoie devant le tribunal de simple police, ou devant le tribunal de police correctionnelle, ou devant le jury d'accusation. L'ordonnance, dans ce dernier cas, porte toujours mandat d'arrêt contre le prévenu, lequel peut cependant être mis provisoirement en liberté, dans les cas et selon les formes determinés par la loi.

16. Dans tous les cas où l'ordonnance n'est pas conforme aux réquisitions, l'affaire est soumise au tribunal de l'arrondissement, qui n'en juge qu'après avoir entendu le substitut du commissaire près le tribunal criminel, et le directeur du jury, lequel ne peut prendre part à cette décision. 17. Dans les vingt-quatre heures qui suivent ce jugement, le substitut peut, s'il le juge convenable, l'envoyer, avec les pieces, au commissaire près le tribunal criminel; et cependant le même jugement s'exécute par provision, s'il porte la mise en liberte du prévenu.

18. Si le commissaire près le tribunal criminel est de l'avis du jugement, il le renvoie sans délai à son substitut pour le mettre définitivement à exécution dans le cas contraire, il en réfère au tribunal criminel, qui peut réformer le jugement, non-seulement à raison de la compétence, de tout excès de pouvoir, ou pour fausse application de la loi à la nature du delit, mais encore à raison des nullites qui pourraient avoir été commises dans l'instruction et la procédure. Ce jugement, ainsi que celui de première iastance, sont rendus à la chambre du conseil.

19. Le commissaire près le tribunal criminel peut se pourvoir en cassation contre ce jugement du tribunal criminel, mais seulement à raison de la compétence, pour excès de pouvoir ou pour fausse application de la loi à la nature du délit; l'affaire est portée directement à la section criminelle du tribunal de cassation, qui y statue en la chambre du conseil.

20. L'acte d'accusation est dressé par le substitut du commissaire près le tribunal criminel, le directeur du jury en fait lecture aux jurés en sa présence, ainsi que de toutes les pièces qui y sont relatives.

21. La partie plaignante ou dénonciatrice ne sera pas entendue devant le jury d'accusation; les témoins n'y seront pas non plus appelés : leurs dépositions lui seront remises avec les interrogatoires et toutes les pièces à l'appui de l'acte d'accusation.

22. Tout envoi, notification et exécution exigés par la loi, des ordonnances rendues par le directeur du jury, sont à la charge du substitut du commissaire près le tribunal criminel.

23. Le traitement du substitut du commissaire près le tribunal criminel, sera le même que celui du commissaire près le tribunal civil de l'arrondissement.

24. Le substitut du commissaire près le tribunal criminel est à la nomination du premier consul, et révocable à sa volonté.

23. En cas d'empêchement du substitut du commissaire près le tribunal criminel dans les lieux où il est seul, il sera suppléé, dans l'exercice de ses fonctions par le commissaire du gouvernement près le tribunal civil de l'arrondissement, ou son substitut.

26 Il n'est pas dérogé aux dispositions des lois antérieures qui n'ont rien de contraire à la presente.

3 vent, an 10 (22 tév. 1802). — Arrêté qui contient une disposition relative à la poursuite et à l'arrestation en cas de flagrant délit, dans les communes dont le territoire s'étend sur deux départements (art. 2).V. Commune, no 108-7°.

29 avril 1806. – Loi qui prescrit des mesures relatives à la procédure en matière criminelle et correctionnelle.

Art. 1. Lorsque, sur l'appel d'un jugement définitif en matière correctionnelle, la cour de justice criminelle en prononcera la nullité pour violation ou omission de formes prescrites par la loi, ladite cour statuera sur le fond il est. quant à ce, dérogé à l'art. 202 du code des délits et des peines du 3 brum. an 4. La disposition de cet article relative à l'annulation de jugements pour cause d'incompetence, continuera de recevoir son exécution.

2. Le prévenu en police correctionnelle ne sera pas recevable à présenter, comme moyen de cassation, les nullités commises en première instance, et qu'il n'aurait pas opposées devant la cour d'appel, en exceptant seulement la nullité pour cause d'incompétence.

3. Le droit d'option accordé aux accusés par l'art. 303 et suiv. jusqu'à l'art. 314 du code des délits et des peines, ne pourra être exercé à l'avenir, par les accusés, que dans le seul cas où la commune dans laquelle siége la cour criminelle, sera celle de la résidence habituelle de l'accusé, et où la population de cette commune sera au-dessous de dix mille âmes.

17-27 nov. 1808.-Extrait du code d'instruction criminelle contenant les dispositions préliminaires et le livre premier (1).

Dispositions préliminaires (2).

Art. 1. L'action pour l'application des peines n'appartient qu'aux fonc

(1) Le code d'instruction criminelle est composé de divers livres et titres qui ont été publiés séparément et qui ont été précédés d'exposés et de rapports distincts, qu'on trouvera imprimés en note au-dessous des textes auxquels ils se réfèrent.V. à cet égard no 20.

(2) Esposé des motifs de la loi contenant les dispositions préliminaires et les ch. 1 à 9 inclusivement du liv. 1 c. inst. crim., par M. Treilhard (séance du 7 nov. 1808). 1. Messieurs, vous êtes appelés par Sa Majesté Impériale à donner au peuple français, dans le cours de votre session, un code d'instruction criminelle, et nous vous en présentons le premier livre. Il ne suffit pas que nos lois sur l'instruction publique fassent espérer une grande amélioration en préparant le développement des vertus et des talents que la nature a placés dans nos âmes; des règlements sages dirigeront, il est vrai, les premiers pas d'un citoyen dans la ligne de ses devoirs ; il apprendra de bonne heure cette grande vérité, qu'il n'est pas, pour ceux qui s'écartent de cette ligne. de vraie prospérité ni de bonheur durable. Mais lorsque les barrières qui doivent nous séparer du crime sont une fois rompues, il faut bien qu'on se saisisse des méchants pour les ramener à l'ordre, s'il est possible, ou pour effrayer par l'exemple de leur punition tous ceux qui seraient tentes de les imiter.Voila, messieurs, l'objet des lois criminelles : ils seraient imparfaits, ces monuments de legislation que Sa Majesté élève à la raison et à la philosophie pour le bonheur de l'humanité, si l'on n'y trouvait pas des moyens de répression contre les pervers. Constater les atteintes portées à l'ordre social, convaincre les coupables, appliquer les peines, voilà le devoir du magistrat. Le devoir du législateur est de tracer au magistrat des règles sûres qui le mèneront promptement à la connaissance des faits. Le législateur établira ensuite contre chaque espèce de crimes et de délits, des peines proportionnées, des peines justes, des peines suffisamment réprimantes, et jamais atroces. C'est ainsi que le peuple français pourra s'honorer de deux codes, qui, réunis, formeront l'ensemble du code criminel.

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2. Nous ne nous occupons, quant à présent, que du premier, du code d'instruction.- · Est-il nécessaire d'observer que la marche d'une instruction criminelle est d'une tout autre importance que celle d'une procédure civile ? Ici, deux citoyens se présentent à la justice pour un objet qui n'intéresse qu'eux : l'un expose sa demande, l'autre sa defense; ils produisent leurs titres, et le juge prononce. matière criminelle, ce n'est pas contre un citoyen isolé qu'il faut se défendre : c'est le corps social qui est la véritable partie; c'est la société entière blessée par l'infraction de la paix et de la sûreté publique, qui presse le jugement et la condamnnation d'un coupable. En matière civile, la partie publique est toujours muette; ou si elle se montre, c'est pour l'avantage de quelques citoyens que leur âge, leur faiblesse, ou leur absence, mettent dans l'impossibilité d'agir; ou pour l'intérêt de quelque administration, ou pour l'observation de quelques formes, utiles sans doute, mais presque toujours relatives à des intérêts particuliers. Mais en matière criminelle, le ministere de la partie publique est toujours forcé; elle recherche, elle poursuit, elle requiert; chaque pas dans la procédure est, pour ainsi dire, un acte du magistrat. -Ce n'est pas ici une portion seulement de la fortune du citoyen qui est en péril, c'est toute son existence : c'est sa vie, c'est son honneur qui répondent à la société de la réparation qui lui est due; et l'erreur du magistrat ferait toujours une vaste plaie à l'ordre public, soit en frappant un innocent, soit en déchaînant un coupable.-Si une mûre discussion a dù préparer le code de procédure civile que vous avez sanctionné, quelle réflexion profonde, quelle attention religieuse n'a-t-on pas dû porter dans la rédaction d'un code d'instruction criminelle? - Les lois dont il est composé ont toutes pour objet, ou la marche de la procédure, ou le jugement, ou l'exécution.

3. A qui sera confiée l'instruction? quelle est l'autorité qui prononcera? — Déjà se présente à vos esprits la grande distinction du fait et du droit; aurons-nous des personnes particulièrement et uniquement chargées de prononcer sur le fait ? Cette faculté sera-t-elle déléguée à des citoyens choisis parmi les plus éclairés et les plus probes, à des citoyens fortement intéressés au maintien de la société, par les avantages qu'ils en retirent, à des citoyens enfin dont la moralité notoire pourra garantir aux accusés cette attention bienfaisante et soutenue que chacun réclamerait pour soi-même, dans l'état pénible d'une accusation? -Si le jury ne pouvait être dégagé des vices dont il fut souille à des époques funestes (encore trop près de nous, si nous ne calculons que les jours, mais qui sont à mille siecles si nous considérons les événements), cette institution devrait être proscrite.-Mais si nous n'avons pas oublié qu'elle fut provoquée par le vœu national; si nous nous rappelons les effets salutaires qu'elle produisit jusqu'à l'époque où nos agitations intestines en corrompirent le principe; si nous ne voulons pas nous dissimuler qu'aucune institution n'échappa à l'influence fatale qui dénatura le jury; enfin, si nous sommes convaincus, comme nous devons l'être, que le corps social est entièrement dégagé de l'atmosphère impure qui l'enveloppait; si nous voyons dans toutes les parties se dissiper entièrement l'éclipse des principes d'ordre et de justice, il sera difficile aux personnes qui réfléchissent de renoncer à l'institution du jury. He! pourquoi e verrions-nous pas reluire l'éclat des premiers jours de cet établissement? La nation française est-elle aujourd'hui moins jalouse de sa liberté civile? Le sang d'un citoyen est-il moins précieux? La haine du crime est-elle moins fortement gravée dans nos âmes? Sommes-nous moins disposés à acheter par le sacrifice de quelques instants, dans le cours de la vie, un bien dont nous nous montrâmes si jaloux? Aimons-nous moins un gouvernement dont nous éprouvous tous les jours la sagesse? et lorsque le génie qui a porté la gloire du nom français jusqu'aux extrémités de la terre, propose de confier la sûreté du peuple et le sort des générations futures à l'institution du jury, lorsque les regards et les bienfaits du souverain doivent se fiser sur les citoyens qui en auront dignement rempli les fonctions, qui de nous pourrait s'y porter avec dégoût ou avec tiedeur?

Il faut, il faut sans doute, des réformes salutaires dans la pratique actuelle de cette institution. On a dù circonscrire le cercle dans quel les jurés seraient choiEis, afin de garantir de bons choix à la nation; il a fallu assurer aux citoyens une faculté d'exercer des récusations qui ne seraient pas illusoires, et trouver un mode qui ne donnât pas aux accuses une connaissance prématurée de leurs jurés; il était convenable de prévenir, par une organisation sagement combinée, l'appel trop frequent d'une même personne. Ce n'est pas un état de juré qu'on a da creer, et l'exercice répété de cette honorable fonction aurait le double inconvénient d'affaiblir par

tionnaires auxquels elle est confiée par la loi. — L'action en réparation du dommage causé par un crime, par un délit ou par une contravention, peus être exercée par tous ceux qui ont souffert de ce dommage.-V. ci-dessous Exposé des motifs et rapport, no 9.

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2. L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort l'habitude cette vénération profonde dont le juré doit être pénétré quand pied dans le sanctuaire, et de lui devenir onéreuse en l'enlevant trop souvent à ses occupations habituelles. Enfin, en interrogeant la conscience du jury, il ne faut exiger d'elle qu'une réponse simple, dégagée de toutes formes, inspirée par la force d'une profonde conviction.- L'expérience dictait ce qu'on a dû faire et ce qu'on a fait. Qu'on cesse actuellement de nous répéter que les jurés sont dépourvus de la connaissance du droit et des formes judiciaires! Hé ! quel-besoin les jurés ont-ils de connaître le droit et les formes? Est-ce aux jurés qu'est confiée l'observation des formes et des lois? Ils auront, pour prononcer sur un fait, des qualités bien plus précieuses; la justesse d'esprit, la droiture du cœur et la connaissance du monde. Ils porteront toujours cette attention profonde et salutaire qui ne manque jamais dans l'exercice d'une fonction auguste, quand on la remplit rarement; ils seront pénétrés d'un religieux respect pour le malheur (car jusqu'au moment de la condam nation il n'y a pas de coupable reconnu), respect qui s'affaiblit sensiblement quand on a tous les jours devant soi le spectacle de l'infortune: surtout ils n'auront pas contracté une certaine insensibilité dont on a tant de peine à se défendre pour des maux dont on est habituellement le témoin. Au reste, messieurs, on a dit depuis longtemps tout ce qu'on pouvait dire pour et contre l'institution du jury; et la loi sur cette matière vous sera bientôt présentée par un orateur aux talents duquel vous avez déj plusieurs fois applaudi.

4. En maintenant le jury on n'a pas dû renoncer à une autre institution, dont l'expérience de plusieurs années a fait connaître la nécessité, je veux parler des tribunaux spéciaux, établis pour certains crimes dont la poursuite ne peut être trop active, le jugement trop prompt et la punition trop exemplaire; et contre certaines personnes qui, loin de présenter à la societe le moindre gage, sont déjà d'avance signalées comme ses fléaux; aussi votre sagesse a-t-elle déjà sanctionné une première fois cet établissement.

3. La marche generale de l'instruction ne pourrait pas s'appliquer à toutes les espèces de crimes, ni à toutes les circonstances qui se présentent dans le cours d'une affaire; on a dû y pourvoir. Le code offrira des règles appropriées à l'instruction du crime de faux, espèce de crime qui attaque si désastreusement la fortune publique et les fortunes particulières, qui se fabrique dans l'ombre, dont les auteurs se cachent avec un art si perfide, et dont la conviction ne s'opère qu'à l'aide de toute la sagacité et de toute l'expérience des gens de l'art chargés des vérifications et des comparaisons. Vous trouverez aussi, messieurs, dans la suite des lois qui vous seront presentées, une forme d'instruction pour les contumaces, un mode de suppléer aux minutes des arrêts rendus en matière criminelle, et des autres pièces enlevées ou détruites par des causes extraordinaires, et une manière de constater. l'identité des individus condamnés, évadés et repris. Vous pensez bien que nous n'aurons pas oublié de tracer une route pour parvenir à un règlement de juges, ou pour obtenir un renvoi à un autre tribunal; deux ressources que la loi réserve aux citoyens, ou pour calmer des inquiétudes légitimes, ou pour fixer tous les doutes sur la compétence des magistrats. -Vous trouverez aussi, messieurs, dans la suite du travail, la manière de se pourvoir contre les arrêts rendus en matière criminelle, soit par la voie de la cassation pour l'inobservation des formes rigoureusement prescrites à peine de nullité, ou pour les contraventions expresses à la loi, soit par la voie de la révision dans quelques cas, heureusement très-rares, comme par exemple celui d'un condamné pour meurtre d'un homme qui se represente.

6. Enfin, messieurs, il est une classe de citoyens qui mérite l'attention spéciale du législateur, dont la conduite doit être plus exempte de reproches, en raison de ce qu'ils sont eux-mêmes chargés de faire observer les lois, je parle des juges. Il faut les garantir des passions qui peuvent se soulever contre eux, souvent peut-être parce qu'ils auront rempli des devoirs austères, et il faut aussi garantir à la société que leurs fautes ne resteront pas impunies; la loi indique un mode d'instruction des délits par eux commis dans l'exercice et hors l'exercice de leurs fonctions. Je n'entrerai pas dans d'autres détails; tout ce que je peux dire, c'est que le code d'instruction criminelle sera complet. Les citoyens y trouveront une marche fixe dans toutes les circonstances, et les magistrats une règle sûre pour toute leur conduite. Une dernière loi aura pour objet quelques points d'interêt public et d'utilite générale. Là se trouveront les règles de la réhabilitation des condamnés.

7. La réhabilitation! A ce mot votre âme commence à respirer.-C'est un devoir bien pénible, c'est un cruel ministère que celui de poursuivre des accusés et de condamner des coupables: toujours sous les yeux la prison, les fers, la mort! - I faut bien semer quelques consolations sur cette triste perspective. L'homme condamné à la reclusion ou aux travaux forcés à temps, serait-il done perdu pour toujours pour la societe? N'existe-t-il aucun moyen de le rappeler à ses devoirs? Est-il absolument impossible d'effacer de son front la tache d'infamie dont il fat couvert, et ne peut-on pas le recréer encore pour la vertu? Elle est difficile cette metamorphose, j'en conviens; mais ne repoussons cependant pas tout espoir. →→ L'ordre qui doit régner dans les maisons de force peut contribuer puissamment à régenerer les condamnés. Les vices de l'éducation, la contagion des mauvais exem. ples, l'oisiveté, l'oisiveté ! proclamée avec tant de raison la mère de tous les vices, ont enfante tous les crimes. He bien ! essayons de fermer ces sources de corrup tion; que les règles d'une morale saine soient constamment pratiquées dans les maisons de force; qu'obligés à un travail qu'ils finiront par aimer quand ils en recueilleront le fruit, les condamnés y contractent l'habitude, le goût et le besoin de l'occupation; qu'ils se donnent respectivement l'exemple d'une vie laborieuse, elle deviendra bientôt une vie pure; bientôt aussi ils commenceront à connaitre le regret du passé, premier avant-coureur de l'amour des devoirs. - Et ne croyez pas, messieurs, que je me livre en ce moment à de vaines illusions. Il existe déjà l'établissement que je désire, il existe sous nos yeux; il n'est heureusement pas le seul de ce genre sur la surface de l'empire. Encore quelques jours, et l'organisation de toutes les maisons de force sera parfaite; le bien s'opère aujourd'hui avec la rapidité de l'eclair. Ainsi les condamnés auront trouvé, dans un séjour de deuil et de misère, la source des biens les plus solides, l'habitude du travail et le talent d'une profession. Ils sortiront, après avoir subi leur peine, non plus comme autrefois, sans ressource, livrés à la plus triste indigence, abandonnes sur le penchant de ce precipicɛ dont ils venaient de sortir; mais avec le fonds d'un pécule réservé sur les produits de leur industrie, et en état du moins de pourvoir aux besoins les plus pressants.

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C'est déjà un grand-pas vers la vertu; mais cet homme, dans son état de régénération, pourra-t-il soutenir l'idée accablante de sa proscription perpétuelle ? Commest parviendra t-il à aspirer à sa propre estime, s'il est toujours sous le poids de la bonte et de l'infamie? Vous lui auriez fait connaître, vous lui auriez fait aimer la vertu, et vous le retiendriez à jamais dans la société sous le costume du crime! Ah! s'il est repentant en effet, la mort, la mort serait moins cruelle pour J.-Sans doute on ne vous proposera pas d'effacer la tache dont il est couvert, sans qu'il ait subi les épreuves qui donneront une pleine garantie de son changement; mais lorsque cette garantie sera entière, vous ne refuserez certainement pas, messieurs, de le rendre à sa famille, à ses concitoyens, tel qu'il était avant sa ehte. C'est l'objet de la réhabilitation: les bienfaits de cette loi vous seront développés dans la suite hien mieux que je ne pourrais le faire. J'ai cru, messieurs, que l'exposition particulière de chaque loi, dont le code d'instruction criminelle sera composé, devait être précédée d'un tableau qui vous en présentât l'ensemble. -La première loi, celle que nous vous apportons aujourd'hui, a pour objet la polive judiciaire.

8. Qu'est-ce que la police judiciaire? En quoi diffère-t-elle de la police administrative?-Tant qu'un projet reste enseveli dans le cœur de celui qui le forme, tant qu'aucun acte extérieur, aucun écrit, aucune parole ne l'a manifesté au dehors, il n'est encore qu'une pensée, et personne n'a le droit d'en demander compte. - Il est cependant vrai que des hommes exercés de longue main à surveiller les méchants et à pénétrer leurs intentions les plus secrètes, préviennent souvent bien des crimes par une prévoyance utile et par des mesures salutaires; voilà l'un des premiers obets de la police administrative, police en quelque manière invisible, mais d'autant pas parfaite qu'elle est plus ignorée, et dont nous jouissons sans songer combien Alle coule de soins et de peines. La vigilance d'une bonne police ne laisse souvent ni l'espoir du succès, ni la possibilité d'agir au méchant qui la trouve partout sans la voir nulle part, et qui rugit des obstacles que le hasard semble lui offrir sans jamais se douter que le hasard prétendu est dirigé par une profonde sagesse. -Un autre résultat d'une bonne police administrative est que l'homme se trouve enveloppé, au premier pas qu'il fait pour consommer son crime. C'est alors l'instant en la police judiciaire peut et doit se montrer: il n'y a pas un moment à perdre; le moindre retard ferait disparaître le coupable et les traces du crime; il faut donc que les agents de la police judiciaire soient répandus sur toute la surface de l'empre, eique leur activité jamais ne se ralentisse. - La loi que nous vous présenbe determinera avec précision l'espèce et les devoirs de chacun de ces agents; yous y trouverez la marche calculée de l'instruction, jusqu'au moment où les citoyens inculpés sont renvoyés à la cour ou au tribunal qui doit s'occuper de leur

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9. Mais, avant d'aller plus loin, j'observerai qu'un petit nombre d'articles prėliminaires présente quelques dispositions générales qu'on n'a pas dû omettre, encore ra'elles soient universellement reconnues; elles ont pour objet l'exercice, soit de Partion publique pour l'application des peines, soit de l'action particulière et civile pour la reparation des dommages reçus. Sans m'arrêter sur des points qui ne sont susceptibles d'aucune difficulté sérieuse, je fixerai seulement votre attentien sur les dispositions des art. 5, 6 et 7 de la loi. — L'art. 5 veut que tout Français qui se sera rendu coupable, hors du territoire de France, d'un crime attentatoire à la sûreté de l'Etat, de la contrefaçon du sceau de l'Etat, de monnaies nationales ayant cours, de papiers nationaux ou billets de banque autorisés par la loi, puisse être poursuivi, juge et puni en France, d'après les dispositions des lois franaises. L'art. 6 applique la même disposition aux étrangers qui, auteurs ou complices des mêmes crimes, seraient arrêtes en France, ou dont le gouvernement chiendrait l'extradition. L'art. 7 porte que tout Français qui se sera rendu coupable, hors du territoire de l'empire, d'un crime contre un Français, pourra, à son rear en France, y être poursuivi et jugé, s'il n'a pas été poursuivi et jugé en pays étranger. Ces articles n'ont été adoptés qu'après une longue et profonde ression dans laquelle je ne crois pas devoir entrer en ce moment. Sans doute, la règle générale en cette matière est que le droit de poursuivre un crime n'appartient qu'au magistrat du territoire sur lequel il a été commis, ou du territoire sur lequel le crime s'est prolongé. Mais il est des attentats, tels que ceux énonces Fart. 6, qui attaquent la sûreté et l'essence même de tous les Etats, dont l'interet commun des nations doit provoquer la poursuite, lorsque le coupable a l'aucace de se montrer dans le sein du gouvernement qu'il a voulu détruire. — Quant Français qui a attente, hors du territoire de l'empire, à la vie d'un autre Français, il est évident qu'il a blessé les lois de son pays. Les dispositions de ces articles sont justes, et certainement très-morales, Je me hâte de passer aux délas de la loi sur la police judiciaire.

10. Les infractions des lois peuvent être plus ou moins graves; les unes bleset les règlements de police simple, d'autres portent atteinte aux dispositions de prire correctionnelle, d'autres enfin attentent encore plus directement et plus fortement à la sûreté des citoyens. On les a appelées indifféremment jusqu'ici crimes ou delits, ce qui opérait souvent une confusion qu'il est utile de prévenir pour la suite. Desormais la loi qualifie particulièrement de crimes les faits qui emportent contre le capable une peine afflictive ou infamante; elle qualifie délits les faits du ressort de a police correctionnelle, et qui sont punis d'un emprisonnement à temps ou the amende. Enfin, l'expression de contravention est réservée aux faits de simpe police, punissables d'une amende plus légère, ou peu de jours d'emprisonneBent-Il faut des agents pour rechercher et constater toutes ces espèces d'atteinte à la loi; il en faut partont, et surtout il faut qu'ils soient actifs, instruits et probes. - Le premier chapitre de la loi indique d'abord l'objet de la police judiciaire; elle recherche les crimes, les délits, les contraventions; elle en rassemble les preuves; de en livre les auteurs aux tribunaux charges de les punir.

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aux commissaires de police, le droit de recevoir ces dénonciations. C'est dans la main du procureur impérial que se réunissent tous les renseignements recueillis par les autres agents de la police judiciaire. C'est ce magistrats qui est particulièrement chargé de la recherche et de la poursuite de tous les crimes et délits; Jes autres officiers de la police ne sont que ses auxiliaires. - Un autre magistrat dirigera l'instruction sur la poursuite et les réquisitions du procureur impérial; et déjà vous pouvez juger qu'aucune partie de l'empire n'est privée de surveillance; qu'aucun crime, aucun delit, aucune contravention, ne doit rester sans poursuite, et que l'œil du génie qui sait tout animer embrasse l'ensemble de cette vaste machine, sans néanmoins que le moindre détail puisse lui échapper. - Les devoirs de tous les officiers dont je viens de parler sont tracés dans les différents chapitres de la loi. Je ne me propose pas de dérouler ici toutes les dispositions qui les concernent; il est nécessaire d'en prendre une lecture réfléchie pour en saisir l'enchaînement.

11. La loi determine ensuite les agents et les officiers qui doivent exercer la pice judiciaire. Tous ces agents n'ont pas la roême destination. — Les uns ent chargés de la recherche des contraventions de police, savoir les commissaires de police, et dans les communes où il n'y en a point, les maires, à leur défaut, les dents. D'autres sont chargés particulièrement de la recherche des délits forestiers et ruraux : ce sont les gardes champêtres et forestiers. Les juges de paix, les offriers de gendarmerie, les commissaires généraux de police reçoivent les déBonciations des crimes ou délits commis dans les lieux où ils exercent leurs foneis habituelles; et comme on ne peut trop faciliter aux citoyens les moyens de laire entendre leurs plaintes, on a aussi donné aux maires, adjoints de maires, et

12. Le premier vou de la loi est que toute infraction des règles soit connue, soit poursuivie, soit jugée; c'est par ce motif que l'exercice de la police judiciaire est confié à un grand nombre de personnes, et c'est aussi dans la même intention qu'on a voulu que des magistrats supérieurs de l'ordre administratif, qu'on ne doit aucunement confondre avec les officiers de police judiciaire, puissent quelquefois requérir l'action des officiers de police, et même faire personnellement quelques actes tendant à constater les crimes. J'ai déjà observé que la police administrative prévenait beaucoup de maux, en pénétrant les intentions secrètes des méchants: il n'est pas difficile de se convaincre qu'il peut être infiniment urgent de saisir le coupable et les instruments du crime, et qu'un instant perdu serait souvent irréparable; il a donc paru très-utile de donner ce droit aux préfets qui, par des voies administratives, obtiennent quelquefois des lumières dont le fruit pourrait s'évanouir par le retard d'un recours à l'officier de police judiciaire. C'est ainsi qu'on légalise des actes de leur part, qui, jusqu'à ce jour, n'étant considérés que comme de simples renseignements, ne faisaient réellement pas une partie essentielle de la procédure. L'inconvénient en avait été vivement senti dans plusieurs occasions; la société en sollicitait le remède, et la défense des accusés n'en peut jamais être en aucune manière altérée.

13. En donnant aux maires, adjoints de maires et commissaires la recherche des contraventions de police, on n'a pas manqué de leur faire entendre qu'ils devaient s'attacher dans leurs proces-verbaux à ne laisser échapper rien de ce qui peut constater la rature du fait, ses circonstances, le temps, le lieu, les preuves, les indices à la charge du coupable, ou ceux qui peuvent le justifier. On a dû aussi prévenir le refus que pourrait faire le commissaire de police d'un arrondissement, de constater les contraventions commises dans un antre arrondissement de la même commune; ces divisions de territoire ne limitent ni ne circonscrivent leurs pouvoirs respectifs; et lorsque l'un est empêché, il doit être suppléć par l'autre, car la répression du mal est le premier besoin de la société. En traçant les obligations des gardes forestiers et champêtres, on n'a pu se dispenser de leur donner le droit de suivre les choses enlevées dans les lieux où elles auraient été transportées; mais une sage circonspection a exige qu'il ne leur fût permis de s'introduire dans les maisons et enclos qu'assistés du juge de paix ou du maire.Les juges de paix, officiers de gendarmerie et commissaires généraux de police sont établis, comme je l'ai déjà annoncé, pour recevoir les dénonciations de tous les crimes et délits commis dans les lieux où ils exercent leurs fonctions habituelles, et ils sont tenus de les transmettre sans délai au procureur imperial. Mais on a dû étendre leur devoir et leur compétence, dans les cas de flagrant délit; ils ne se bornent pas alors à donner des avis au magistrat; il faut agir sur-le-champ. L'apparition subite de l'officier de police judiciaire peut empêcher quelquefois la consommation entière du crime; elle prévient du moins la fuite du coupable et l'enlèvement de toutes les pièces de conviction. Tous les actes que pourrait faire le juge d'instruction dans ce moment, les juges de paix, les officiers de gendarmerie et les commissaires généraux de police sont autorisés à les faire. Il a même paru utile, dans les cas de flagrant délit, d'accorder les mêmes droits et d'imposer les mêmes devoirs aux maires et commissaires de police.

44. J'arrive à un officier de police judiciaire d'un autre ordre, à un officier revêtu d'une confiance bien plus entière et plus intime, à un officier investi d'un tel pouvoir et jouissant d'une telle influence, que j'oserais presque assurer qu'il ne peut pas être sans reproches, toutes les fois qu'on a droit de se plaindre de l'infraction frequente de l'ordre public dans le lieu où il exerce ses fonctions. Je parle du procureur imperial. C'est lui qui est spécialement chargé de la recherche et de la poursuite de tous les crimes et de tous les délits, et qui doit, aussitôt qu'ils sont parvenus à sa connaissance, en instruire le procureur général; car il est, s'il est permis de le dire, l'œil du procureur général, comme le procureur général est l'œil du gouvernement. C'est par le résultat d'une communication active et fidèle du procureur impérial avec le procureur général, et du procureur général avec le ministre de Sa Majesté, que peuvent être connus les abus qui se glissent dans les institutions, la tiédeur qui s'empare des personnes, l'insouciance qu'on peut pardonner à un particulier, mais qui est un vice dans le magistrat; et, si l'on supposait du relâchement, de la faiblesse ou du déguisement dans les communications des procureurs généraux et impériaux, le mal aurait fait d'immenses progrès avant d'éclater, et, sans qu'il y eût aucune crise, on se trouverait tout à coup dans un grand état de langueur et tout près de la décrépitude.

16. Le ministère du procureur impérial ne se borne pas à la recherche et à la poursuite des crimes; il est aussi chargé de les constater par lui-même dans les cas de flagrant délit. Aussitôt qu'il a l'oreille frappée d'un crime qui se commet actuellement, il doit sans aucun retard se transporter sur le lieu, dresser tous les procès-verbaux nécessaires à l'effet de constater le corps du délit, son état, et l'état des lieux. C'est dans ce premier instant surtout qu'on peut saisir utilement tous les indices; le procureur impérial doit recevoir les déclarations des personnes présentes, ou qui peuvent lui donner quelques renseignements. il appelle les parents, voisins, domestiques, tous ceux enfin qu'il presume en état de lui faire des déclarations utiles; il peut défendre que qui que ce soit sorte de la maison ou s'éloigne du licujusqu'après la clôture du proces-verbal il saisit tout ce qui peut avoir servi à commettre le crime, ou tout ce qui en est le produit: il peut même se transporter dans le domicile du prevenu pour y faire la perquisition des papiers et autres objets qu'il juge nécessaires à la manifestation de la verité; enfin la loi l'investit de tout pouvoir necessaire pour faire saisir les prévenus, s'ils sont présents, ou pour les faire amener devant lui, s'ils sont absents, et rien de ce qui peut servir à préparer

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la conviction du coupable ne lui est interdit. - Je n'ai pas besoin d'observer que la loi a dù établir des formalités qui donneront plus de force et plus de poids aux actes du procureur impérial, et qu'elle enjoint à ce magistrat de se faire assister de gens de l'art, quand leur présence est nécessaire pour apprécier la nature et les circonstances du crime. - Il n'est pas moins superflu de rappeler qu'en cas d'empêchement, les procureurs impériaux sont remplacés par leurs substituts. Mais je ne peux me dispenser de vous faire remarquer: 1o que la loi définit ce qu'on doit entendre par ces mots flagrant délit, et qu'il ne pourra plus s'élever à cet égard de doute raisonnable; 2° que les attributions faites au procureur impérial, en cas de flagrant délit, sont les mêmes dans tous les cas où le chef d'une maison requiert le transport de ce magistrat pour faire constater des crimes commis chez lui; 3o enfin qu'un article très-précis lève toute incertitude sur la compétence des procureurs impériaux; la loi declare également compétents, le procureur impérial du lieu du délit, celui de la résidence du prévenu, et celui du lien où le prévenu peut être saisi; cette heureuse concurrence nous autorise à croire que le crime ne restera jamais sans poursuite. - Le procureur imperial, dans tous les cas, transmet les pièces au juge d'instruction, et requiert de lui tout ce qu'il estime convenable.

Le titre seul de juge d'instruction vous annonce assez les obligations de ce magistrat

3. L'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique. Elle peut aussi l'ètre séparément :

égard se sont fait entendre plusieurs fois; il a donc paru indispensable d'organiser autrement cette partie. Les mêmes hommes, qui, témoins d'une instruction complète, donnent un bon résultat de leur profonde conviction, ne sont pas toujours aussi propres à décider sur un premier aperçu (nécessairement incomplet, puisqu'on n'a sous les yeux ni les accusés, ni les témoins), s'il y a lieu ou non à mettre en accusation. Le jury de jugement manifeste ce qu'il sent fortement, d'après une connaissance entiere du fait; le jury d'accusation, au contraire, doit raisonner sur ce qu'il connaît pour former une présomption sur ce qui est encore inconnu ce calcul étonne des hommes qui n'y sont pas exercés; et, dans cet embarras, la balance entre l'accusateur et l'accusé n'est pas toujours tenue d'une main bien sûre. Il faut donc, en plaçant ailleurs le droit de déclarer s'il y a ou non lieu à accusation, mettre également à couvert l'intérêt social et l'intérêt indi viduel de l'accusé. Vous pensez bien, messieurs, qu'une question aussi importante a mérité l'attention de Sa Majesté, et c'est déjà le plus fort des préjugės pour la manière dont elle a été résolue.

20. Le juge d'instruction a dû porter dans sa marche toute l'activité compatible avec le devoir de ne rien négliger de ce qu'il peut être utile d'approfondir.- La loi l'oblige ensuite à faire, au moins une fois par semaine, un rapport à la chambre du conseil des affaires dont l'instruction est achevée. Il arrivera peut-être quelquefois que le fait bien vérifié ne présentera ni crime, ni délit, ni contravention; si telle est l'opinion des juges, la chambre déclarera qu'il n'y a pas lieu à poursuite, et ordonnera que l'inculpé, s'il avait été arrêté, sera mis en liberté. — Lorsque le fait ne présentera qu'une simple contravention de police, l'inculpé sera renvoyé au tribunal de police simple, et sa liberté sera pareillement ordonnée, s'il est détenu. Si le délit est de nature à être puni par des peines correctionnelles, le prévenu sera renvoyé au tribunal qui doit en connaître. Mais aurait-on dù laisser encore la société exposée aux suites d'une déclaration hasardée qui arrèterait la poursuite d'un crime bien réel, sous la fausse supposition que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou parce qu'on penserait qu'il est uniquement du ressort des tribunaux de la police, ou simple ou correctionnelle.

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doute que l'impunité d'un crime. La chambre du conseil, lorsque le juge d'in-
struction fait son rapport, doit être composée au moins de trois juges, y compris
le rapporteur. Si un seul de ces juges, quelle que puisse être l'opinion des autres,
estime que le fait est de nature à être puni de peines afflictives ou infamantes, et
que la prévention contre l'inculpé est suffisamment établie, les pièces seront
transmises au procureur général de la cour impériale, déjà instruit de l'affaire par
la connaissance que le procureur impérial a dû lui en donner dans le principe; dans
ce cas, il est procédé à un nouvel examen, dont les règles font la matière d'une
autre loi.
D'un autre côté, le procureur imperial, toujours partie dans ces
sortes d'affaires, aura le droit, lorsqu'il ne partagera pas l'opinion, même una-
nime, des juges, de s'opposer à l'ordonnance qui mettrait l'inculpe en liberte. — Co
droit accordé à la partie publique, on n'a pas dû le refuser à la partie civile qui
peut aussi former son opposition à ses risques et périls; dans tous les cas d'oppo-
sition, les pièces sont encore nécessairement transmises au procureur général, et
l'affaire est soumise à une révision.

16. Ce juge instruit la procédure; il reçoit les plaintes, entend les témoins, réunit les preuves par écrit et les pièces de conviction. Il peut refaire ceux des actes à lui transmis par les officiers de police judiciaire, qui ne lui paraissent pas complets; enfin il fait son rapport à la chambre du conseil. En accordani au procureur impérial le droit de constater personnellement les crimes dans les cas de flagrant délit, nous n'avons certainement pas entendu interdire cette faculté au juge d'instruction; il a, sans contredit le droit de faire lui-même dans ces cas tout ce que le procureur impérial ferait en son absence. Aussi a-t-on chargé le procureur impérial de prévenir le juge d'instruction de son transport sur le lieu du crime; et, si les deux magistrats se réunissent, chacun d'eux se renferme dans sa fonction: l'un requiert, l'autre statue sur les réquisitions. La première obligation imposée au juge d'instruction c'est de ne taire aucun acte sans communication prealable au-Non, messieurs, et nous avons du prévenir ce malheur, car c'est un malheur sans procureur impérial, qui, de son côté, ne peut apporter trop de promptitude dans l'examen de la procédure. Cette règle générale souffre cependant une exception pour les mandats d'amener, ou de dépôt, qu'il peut être très-urgent de lancer; le juge d'instruction a cette faculté, sans attendre les conclusions du procureur impérial.Une seconde obligation du juge d'instruction est de se bâter, lorsque le délit n'a pas été commis dans son ressort, ou que le prévenu n'y aura pas sa résidence, ou qu'il n'y aura pas été trouvé, de renvoyer l'affaire au juge qui doit en connaître.L'instruction se fait sur la poursuite de la partie publique; mais toute personne qui se pretend lésée, a aussi le droit de rendre plainte, et de se constituer partie civile, en le déclarant formellement, soit dans l'acte même de la plainte, soit par un acte subséquent antérieur au jugement. Vous trouverez, messieurs, dans le chapitre des juges d'instruction, des règles très-détaillées sur les plaintes, sur la manière de se rendre partie civile, sur celle dont les témoins doivent être entendus, sur les serments qu'ils doivent prêter, sur l'obligation de comparaître quand ils sont cités, sur les voies de coaction quand ils font défaut, et sur le transport du juge pour les entendre quand ils sont hors d'état de se présenter. J'indique seulement ces dispositions qui ne peuvent être susceptibles d'aucune difficulté, et qui d'ailleurs ne sont point nouvelles. - C'est un devoir indispensable du juge d'instruction de réunir avec le soin le plus scrupuleux tout ce qui peut tendre à la découverte du coupable; il devra donc se transporter quand il en sera requis, et même d'office, s'il le juge utile, soit dans la maison de l'inculpé, soit dans tous les autres lieux où pourraient être cachées des pièces propres à manifester la vérité. Enfin le juge d'instruction ne doit absolument rien négliger de ce qui peut tendre au but qu'il doit se proposer. 17. Il serait impossible d'instruire une procédure criminelle, si le magistrat n'était pas armé du pouvoir de contraindre, soit les inculpés, soit les témoins, se présenter devant lui quand il le juge nécessaire: il donne à cet effet des actes qu'on appelle mandats. On distingue les mandats de comparution, les mandats d'amener, les mandats de dépôt et les mandats d'arrêt; la loi détermine, autant que possible, les cas où chacun de ces mandats peut être donné suivant la gravité du fait; elle en règle les formes, ainsi que le mode d'exécution. - Je passe sur ces details dont la seule lecture fait sentir la sagesse; mais ce que je ne dois pas oublier, c'est de vous faire remarquer qu'on n'a pas négligé d'imposer au magistrat une obligation stricte d'interroger sans retard tous ceux qui seraient amenés devant lui, en vertu de ces mandats.

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18. Cependant tout homme contre lequel aurait été lancé un mandat d'arrêt, devra-t-il toujours attendre son jugement dans cet état d'arrestation? Non, messieurs; et si l'on doit veiller avec sollicitude et pour le bien de la société, à ce que les coupables ne puissent pas échapper, on ne doit pas veiller avec moins de scrupule à ce qu'un citoyen ne soit privé de sa liberté, que lorsqu'on ne peut lui en laisser l'usage sans inconvénient. Ainsi, lorsque le fait dont il s'agit n'emportera ni peine afflictive, ni peine infamante, l'inculpé pourra obtenir sa liberté provisoire en donnant caution; mais cet avantage est entièrement refusé aux vagabonds, et aux repris de justice, parce que leur personne ne présente aucune espèce de garantie. La liberté provisoire sera également refusée, toutes les fois qu'il s'agira d'un fait qui emporte peine afflictive ou infamante : c'est surtout dans ces occasions, que l'exemple de la peine infligée est utile à la société; et si l'on admettait ici des libertés provisoires sous caution, il serait bien à craindre que les hommes opulents ne trouvassent toujours le moyen de se soustraire à l'application de peines qu'ils paraissent cependant mériter plus que les autres, parce que, jouissant de tous les avantages de la société, ils étaient plus fortement obligés à ne pas en troubler l'harmonie.

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19. Enfin, l'instruction est complète, le juge a constaté tout ce qu'il était possible de connaître, il a entendu les témoins, réuni toutes les preuves, et mis les prévenus sous la main de la justice. C'est le moment de decider s'il y a lieu ou non à accusation, et de saisir de l'affaire une autorité compétente pour en connaître. Nous ne pouvons le dissimuler, messieurs, le jury d'accusation, qu'il existe, n'a pas répondu aux espérances qu'on avait conçues de cet établissement; trop souvent une poursuite qu'on n'aurait pas dû interrompre fut étouffee par une déclaration indulgente et peu reflechie. Le remède qu'on a cherché quelquefois à opposer au mal n'est pas lui-même sans inconvénients; les plaintes à cet

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21. Vous verrez, messieurs, dans un autre projet de loi, avec quelle sagesse on a préparé un examen rigoureux, mais prompt; et comine on a pourvu à ce que la partie publique, la partie civile et l'inculpé fissent parvenir leurs réclamations sans que la décision fût aucunement retardee, Ces détails ne font pas partie du projet que nous sommes chargés de vous présenter; nous devons nous arrèter au moment où l'affaire parvient à la cour imperiale. -- Daignez, messieurs, saisir l'ensemble de la marche que nous avons suivie; au premier aspect elle peut paraître compliquée; dans la réalité elle est bien simple. Des officiers de police judiciaire, répandus sur toute la surface de l'empire, veillent sans cesse pour la repression des crimes, des délits et des contraventions; ils constatent les fails, chacun dans sa partie; le procureur impérial est le centre où tout vient aboutir. Le juge d'instruction réunit toutes les preuves, de quelque nature qu'elles puissent être, et soumet l'affaire à la chambre du conseil. Enfin s'éleve, au-dessus des premiers tribunaux, un corps de magistrature fortement constitue, inaccessible à la séduction et à la crainte, éloigné de tous les motifs de considérations locales qui ont pu égarer les premiers magistrats. C'est là que se formera la déclation importante, s'il y a lieu à accusation. Je ne crois pas, messieurs, qu'il fût possible de réunir plus de garantie pour la sûreté publique et pour la surete particulière. Sans doute nous ne nous flattons pas d'avoir créé une institution dégagée de la possibilité de tout abus; mais nous les avons prévenus autant qu'il a été en nous; et, je dois le dire, nous avons été parfaitement secondés par votre commission législative. Puissiez-vous trouver que nous avons atteint le degré de perfection auquel il est permis à la faible humanité de prétendre!

Rapport fait au corps législatif au nom de sa commission de législation, sur la loi contenant les chap. 1 à 9 inclusivement du liv. 1 c. inst. crim., par M.d'Haubersart, président de celle commission (séance du 17 nov. 1808).

22. Messieurs, quand nous venons apporter à cette tribune notre vien sur la première loi du projet de code criminel, nous n'avons pas besoin de vous faire observer toute l'influence que ce code doit exercer sur le bonheur du peuple dont les inté rêts vous sont confiés. Sur la sagesse qui l'a dicté, repose toute la sécurité interieure; c'est de la bonté des lois criminelles, a dit un grand publiciste (Esprit des Lois, liv. 12, chap. 2), que dépend principalement la liberté du citoyen. Nean moins l'incertitude de leurs principes égalait leur importance. Peu d'objets on provoqué des systèmes de philosophie plus divers, et des discussions plus eloquentes A la tribune; il en est peu mème qui aient plus été le sujet des méditations de hommes d'État. Pour tout dire, en un mot, ce génie extraordinaire, dont les regard pénètrent au delà de tous les obstacles, a hésité plus d'une fois au milieu des diffi enltés qu'offraient nos lois criminelles. Vous devez donc juger sans peine de entiments qui nous ont animés, quand nous avons été appelés à la discussion de projets du code criminel. Mais nous apportions à cet examen des connaissance locales sur les besoins des diverses parties de l'empire: nous aspirions surtout mériter votre bienveillance, et nous y plaçons encore tout notre espoir, en ce mo ment où nous venons vous rendre compte de nos travaux.

dans ce cas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile.-V. n° 9.

23. La loi qui va être soumise à votre sanction a pour objet la première division de l'instruction criminelle, celle qui concerne la poursuite des délits. Je ne m'arrêterais pas sur les dispositions préliminaires qui ne renferment que des principes pen contestés, si l'un de ces principes ne méritait, par son importance, d'occuper un moment votre attention: c'est celui qui établit l'action publique sans distinction, contre tous les délits, et qui la rend indépendante de toutes les transactions et de tous les intérêts privés. C'était tout le contraire chez les anciens. La poursuite de tous les delits était abandonnée à l'animosité et à la vengeance privée. Le premier acte de la justice, qui doit toujours être exempte de passions, s'exerrait par l'expression du ressentiment. Le grand éclat que l'éloquence a répandu sur les accusations publiques, n'a pu cacher à la postérité leur dangereuse innence, et leurs funestes effets introduisaient la vengeance privée dans la jusLice même, qui avait pour objet de la prévenir. Nos lois modernes ont remis la poursuite des délits entre les mains des magistrats, et l'accusation a pris le caractère d'impartialité de la loi dont ils étaient les organes. Mais si l'on considère les progres successifs de nos lois criminelles, on verra combien d'efforts il a fallu an legislateur pour arriver au principe du nouveau code. L'ancienne ordonnance criminelle n'avait pas même osé établir le principe sans exception, et les transactiers des citoyens pouvaient, dans certains cas, arrêter les poursuites du ministère public. Tant le funeste principe de la vengeance privée avait conservé d'empire! tant il faut vaincre d'obstacles pour lutter avec succès contre les passions humaines ! -Ce fut pourtant au milieu même de la lutte des passions et de tous les vains sophismes qui rappelaient l'accusation publique des anciens, que ce principe importand fut proclamé sans exception. On le trouve dans nos codes intermédiaires de 1791 et de brumaire an 4; mais la loi qui vous est proposée pouvait seule faire de ce principe une base fondamentale de notre justice criminelle. On a puisé encore dans ces codes intermédiaires la distinction qui forme le partage des deux livres. On a séparé toutes les dispositions qui concernent les preuves du crime et le jugement des accusés, pour en former le livre de la justice criminelle. On a placé dans le liv. 1, sous le titre de Police judiciaire, tout ce qui a pour objet de recueillir les traces fugitives du delit et de former, par ces traits épars de lumière, cette clarté soudaine qui va frapper le coupable au milieu des ténèbres dont il aspire à s'enveJepper.-Le principal motif de cette distinction se trouve dans le système d'instruction qui a dicté nos lois nouvelles. Dans l'ancienne législation, qui était fondée sur l'instruction écrite, il n'était pas nécessaire de distinguer les premières procédures. Mais dans le nouveau système, qui donne pour base aux jugements les dépositions orales des témoins, il importait de les séparer avec soin des dépositions ecrites qui ne pouvaient jamais devenir des preuves judiciaires.

24. Ces premiers aperçus peuvent vous donner une idée de la marche qui a été suivie dans la rédaction des projets. On a rejeté toute innovation dont l'utilité ne paraissait pas avec évidence. On a cherché principalement à améliorer les lois existantes. L'expérience en avait fait apercevoir les principaux inconvénients, et des reformations successives les avait perfectionnées. Les projets actuels ont pour objet une réformation définitive, et votre commission a dû approuver ce système, ou plutit cet éloignement pour tout système.-Vous apercevrez sans doute une amélioration importante dans les chapitres qui traitent du procureur impérial et des fonctions de police judiciaire qui lui sont attribuées. L'importance et les effets utiles de cette nouvelle disposition, méritent d'être présentés avec quelques développements. -Nous avons fait remarquer que les codes intermédiaires avaient établi le vrai principe de la poursuite des délits. Mais ils n'avaient pas été aussi heureux dans l'application que dans le choix de ce principe. Les fonctions du ministère public et du jaze n'avaient pas été soigneusement distinguées. Il est même assez difficile d'expliquer comment le législateur, qui avait mis tant d'importance à séparer dans les lois la poursuite et l'instruction relative aux délits, avait pu en préparer la confusion inévitable, en réunissant sur la tête du même magistrat les fonctions diverses qu'elles imposent. La loi du 7 pluv. de l'an 9 eut pour objet de prévenir cette confusion. L'établissement des magistrats de sûreté a été regardé comme une améBeration heureuse. Il offrait effectivement un premier pas vers celle qui vous est proposée.

25. Mais l'usage de cette nouvelle magistrature y a fait reconnaître plusieurs inconvénients. En rendant plus d'activité à l'action contre les délits, on lui avait laissé tout son arbitraire. Le magistrat de sûrete pouvait à son gré, interrompre, prolonger, cesser les poursuites. On avait balance les abus de son pouvoir par une autorite trop faible pour les réprimer avec succès. Il lui était trop facile d'acquérir de la prépondérance sur un directeur du jury, qui n'était en place que pour six mois, et qui n'avait plus de devoir à remplir, au moment où l'expérience lui en avait appris toute l'étendue. — Aussi le droit que l'on avait accordé au magistrat de sirete, de décerner un mandat de dépôt, a-t-il paru entre ses mains comme une arme dangereuse, dont on avait trop négligé de régler l'usage. Il pouvait trouver une excuse dans les devoirs rigoureux de son ministère, mais les citoyens qu'elle avait frappés espéraient vainement de se soustraire à la censure de l'opinion publique. Souvent une tache presque ineffaçable à leur honneur, le dépérissement de leur commerce, la perte de la confiance sur laquelle reposait leur industrie, étaient le fruit de ces soupçons vagues de la justice que le mandat de dépôt avait manifestés avec trop d'éclat. — Il y avait aussi de l'inconvenient à employer pour les premières poursuites un magistrat qui n'avait que des attributions au crimisel. On devait se méfier de sa tendance naturelle à placer toutes les affaires dans simpétence, et à poursuivre par la voie criminelle des contraventions qui n'eusset då être soumises qu'à des réparations civiles.-La loi nouvelle fait disparaître Vasces abus. L'usage du mandat de dépôt sera réserve au juge qui est chargé de Firstruction, et nous verrons bientôt toutes les précautions qui ont été prises pour eviler les abus dont ce mandat avait été l'occasion. Le magistrat qui agissait au nr du prince, dans les affaires civiles, sera également chargé de la recherche des delits, et l'action du ministère public recouvrera cette énergie qui en faisait le prinCipal moteur de l'administration de la justice.

6. Le mouvement que le ministère public doit imprimer à la justice pourra aussi se communiquer avec son ancienne régularité. Les fonctions qui le concernent vant cesser d'être divisées, et l'unité que sa constitution va recevoir préparera la sagesse des directions qu'il doit transmettre. Le procureur impérial, dirigé par le procureur général de la cour supérieure, mettra en mouvementtous les officiers de TOME XXVIII.

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police qui lui ont été donnés pour auxiliaires. L'urgence de la poursuite pourra souvent autoriser ces derniers à prendre l'initiative, mais ils ne la prendront jamais que sous les auspices de leur guide et de leur chef. On ne pouvait imaginer des précautions plus attentives pour éviter aux citoyens ces coups incertains de la justice, qui font retomber sur les innocents les efforts nécessaires pour atteindre les coupables. 27. C'est surtout dans les poursuites relatives au flagrant délit que l'on pourra apercevoir l'utilité de ce nouveau système de juridiction. Le flagrant délit rend indispensables des mesures de police judiciaire plus vigoureuses. Mais la loi qui les autorise ordonne que le procureur impérial sera tenu de se transporter sur les lieux sans aucun retard. Sa présence sera une garantie contre les abus de pouvoir que des circonstances urgentes obligent le législateur à confier pour l'usage de la police judiciaire. Trop longtemps on a cru trouver, dans les dispositions réglementaires, le moyen de prévenir les excès du pouvoir qui est délégué par les lois; il sera toujours plus sur de chercher le remède dans la surveillance du magistrat supérieur qui préside à leur exécution.

28. Cette confiance de la loi dans les magistrats est même souvent indispensable. Nous allons en trouver la preuve dans les chapitres qui traitent des mandats de police judiciaire, et qui ne méritent pas seulement d'attirer notre attention par leur importance; ils offrent encore des améliorations très-remarquables. L'ancienne ordonnance criminelle énonçait la disposition suivante: Selon la qualité des crimes, des preuves et des personnes, il sera ordonné que la partie sera assignée pour être ouïe, ajournée à comparoir, ou prise au corps, tit. 19, art. 2. » Le système des législateurs qui ont rédigé nos codes intermédiaires ne leur permettait pas de donner aux nouveaux juges une telle latitude. Comment admettre, d'ailleurs, une disposition de la loi qui supposait quelque distinction entre les personnes? Le nouveau principe qui guidait, ou plutôt qui entraînait le législateur, avait été poussé à l'extrême. Il ne lui avait pas permis d'apercevoir la distinction inévitable qui résulte de la qualité des crimes et de celle des preuves. Le décret d'assigné pour être oui avait été supprimé, et le juge ne pouvait vérifier des soupçons, quelquefois très-vagues, qu'en faisant amener devant lui le prévenu, avec un éclat qui entraînait toujours quelque tache. Il est vrai que le code de brumaire indique un cas particulier, où le décret d'assigné pour dire oui avait été rétabli, sous le titre de mandat de comparution; c'est quand la peine du délit ne pouvait être qu'une amende très-légère. Mais cette exception se présentait trop rarement pour être d'aucun usage. Elle était soumise, d'ailleurs, au même principe qui enseigne à tracer au juge, par des dispositions impératives de la loi, une ligne dont il ne lui est pas permis de s'écarter. Dans ce cas, en effet, il ne lui était permis de décerner qu'un mandat de comparution. Un tel système ne pouvait s'accorder avec le caractère national. Toutes les inclinations généreuses du magistrat étaient comprimées par ces lois de méfiance qui tantôt le retenaient, tantôt le poussaient impérieusement à des mesures vexatoires. Ön voyait des juges, trop attachés à la lettre de la loi, semer autour d'eux les ressentiments et les haines; des juges timides n'oser vérifier les soupçons les plus lėgitimes; d'autres étaient excités à braver les injonctions les plus précises de la loi, par cette même noblesse de sentiments qui leur faisait reconnaître tout le prix de l'honneur de leurs concitoyens, et tous les ménagements qu'il exige. — La loi nouvelle tend à rappeler ce système de confiance dans le magistrat, qui doit seul le conduire à la mériter. Il peut choisir à son gré entre le mandat de comparution et la mandat d'amener, pourvu que les délits qui ont provoqué ses poursuites n'entraînent pas une peine afflictive ou infamante. C'est seulement après l'adoption de cette ivi que l'on pourra regarder le mandat de comparution comme véritablement établi dans la police judiciaire. Il serait injuste de penser qu'une telle disposition a pour objet des distinctions relatives aux personnes. Elle est dictée par les égards qui sont dus à l'honneur français; et sans doute ce sentiment de l'honneur a produit d'assez belles actions dans toutes les classes de citoyens, pour mériter enfin quelque considération dans le système d'administrer la justice.

29. On pourra reconnaître aisément que ces égards s'accordent avec l'esprit du nouveau projet, et je n'en citerai pour exemple qu'une disposition relative au droit d'obtenir la liberté provisoire sous caution. Le code de brumaire avait étendu co droit à tous les délits qui n'emportent pas une peine afflictive. Les délits qui ne conduisaient qu'à des peines infamantes n'avaient paru devoir produire aucune exception. Cette exception, que le code de brumaire avait prononcée, est étendue, dans le nouveau projet, à tous les délits qui peuvent entraîner une peine infamante. Le législateur a cru devoir respecter l'ancienne opinion qui rend cette classe de peines si redoutable; et nous croyons pouvoir lui garantir qu'il a bien connu l'esprit national, quand il a prononcé que de tous les effets de la peine, l'infamie est celui qui doit répandre le plus d'effroi, et surtout qui doit en déterminer le vrai caractère.

30. Le principal moyen que le nouveau projet ait mis en usage pour prévenir les abus des mandats judiciaires, est d'en réserver le droit au juge qui est chargé do l'instruction dans les premières procédures. Nous allons vous faire observer les amċliorations qui ont été introduites dans cette dernière partie de la police judiciaire, et terminer par cet examen celui du projet de loi qui est soumis à votre sanction.Dans l'ancienne législation on avait établi un magistrat spécialement chargé de l'instruction dans les premières procédures. Les auteurs des codes intermédiaires ont préféré de désigner les juges du tribunal à tour de rôle, et d'ordonner que chacun d'eux serait chargé pendant six mois de l'instruction de tous les procès criminels, sous le titre de directeur du jury. Cette disposition de la loi avait paru si importante, qu'on avait cru devoir l'insérer dans l'acte constitutionnel. Mais on a pu observer bientôt de graves inconvénients, qui n'avaient pas d'autre source que cette courte durée des fonctions du directeur du jury. Les procédures un peu compliquées ne pouvaient se terminer sous cette magistrature passagère. Le successeur du directeur du jury, les recevant à demi-instruites, était contraint de recommencer un nouveau travail, qu'il n'était pas même certain d'achever. Une foule de prévenus gémissaient dans les prisons sans pouvoir accuser le juge des retards qui avaient pour cause les dispositions mêmes de la loi. Le nouveau projet, en conservant les avantages de ce système, en fera disparaître les inconvénients. Le juge d'instruction remplira des fonctions semblables à celles du directeur du jury, mais il sera choisi par l'empereur, et la durée de ses fonctions sera de trois ans. Elles cesseront de paraître pénibles parce qu'elles seront honorées; on les distribuait à tour de rôle comme une charge, et le désir d'attirer les regards du prince, les fera solliciter comme une faveur.

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