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tera un Fils, & il fera appellé Emmanuel, Grotius * ayant avancé, dès le commencement de fon Commentaire fur le premier Chap. de S. Matthieu où cette Prophétie eft rapportée, des Propofitions, qui tendoient à altérer la force des Prophéties, M. de Meaux releva fortement ces erreurs dans une Differtation que l'on trouvera, pag. 364, de ce Volume. Cette Differtation fit naître l'idée d'une Lettre qu'on écrivit à M. Boffuet le 17. Septembre 1703, dans laquelle on lui proposa la difficulté suivante.

Cette Prophétie n'a pu donner aucune lumiere pour faire connoître que Jesus-Chrift füt le Messie; au contraire, elle a dú leur faire croire qu'il ne l'étoit pas : donc ce n'eft pas une Prophétie, & S. Matthieu n'a pas dû l'alléguer comme telle. La propofition eft ainfi prouvée. Le Meffie doit naître d'une Vierge, les Juifs voient Jefus-Chrift, Fils d'une femme mariée; il doit d'ailleurs s'appeller Emmanuel, & il porte un autre nom; donc les Juifs ont eu raison de croire, aux termes de cette Prophétie, que Jefus, Fils de Marie femme de Jofeph, n'étoit pas le Meffie.

que

M, de Meaux répondit à cette difficulté par une Lettre du premier Octobre 1703. Il fait voir que lorfqu'on dit la Virginité de Marie eft donnée en figne prophétique aux Juifs, l'intention n'eft pas de dire que ce dût être une preuve dans le moment, que tous les Juifs fuffent obligés de reconnoître; il ajoûte que les preuves indicatives de la

venue du Meffie avoient dû être diftribuées de maniere qu'elles fuffent connues chacune en leur tems. Il montre par l'Ecriture Sainte que celle-ci a été révélée, quand, & à qui a fallu, & que le titre honorable de Fils d'une Vierge ne lui a jamais été contefté par les plus grands ennemis, tel qu'étoit Mahomet.

* Voyez l'Avertissement du premier Volume,

Il y a apparence que la précifion avec laquelle cette Lettre eft écrite, ne fatisfit pas abfolument la perfonne qui avoit propofé l'objection; on prit le parti d'en écrire une feconde, datée du 11. Octobre 1703. dans laquelle on propofa la même difficulté, mais d'une autre façon. M. de Meaux y répondit par deux Lettres, l'une du 26. Octobre, & l'autre du 8. Novembre de la même année. Dans la premiere, il fait voir quelles ont été les difpofitions de la Providence pour préparer le monde à la connoiffance du mystère de l'Incarnation. Dans la seconde, il explique à fond la Prophétie d'Ifaïe, & il démontre qu'elle ne peut convenir qu'à Jefus Chrift.

Cet Ouvrage fut imprimé en 1704. avec la traduction & l'explication du Pfeaume xx1. qui eft le dernier Ou vrage de M. Boffuet. Il avoit été attaqué vers le milieu de 1703. d'une fiévre ardente, qui, jointe aux douleurs de la pierre, le fit cruellement fouffrir jufqu'à la mort. Une maladie si aiguë lui donnant quelque conformité avec l'Homme de douleurs, ce S. Prélat porta toutes fes vûes fur un Pfeaume où la Paffion, la Réfurrection & la Gloire du Sauveur paroiffent fi bien détaillées; l'explication qu'il en donne, eft précédée d'un Avant-propos, dans lequel il fait voir, 1°. Que ce Pfeaume eft conftamment de David. 2°. Que les Prophétes parlent très-fouvent au nom de Jefus-Chrift, lorfqu'ils annoncent les événemens qui le regardent. 3°. Que David étant le Pere, la figure & le Prophéte du Meflie, il lui convenoit plus qu'à aucun autre d'en parler en fon nom. Et enfin, que Jefus-Chrift luimême s'étant appliqué ce Pfeaume dans le tems de fa Pafsion, c'est une raison particuliere pour les Chrétiens de le lui appliquer. M. de Meaux en donne la Verfion, felon les Septante, & felon faint Jérôme ; il en fait en

fuite une Paraphrase qu'il accompagne de Réflexions également pieuses & folides.

L'explication de l'Apocalypfe parut en 1689. ce n'eft. pas que M. de Meaux ait cru donner une explication précife de cette divine Prophétie; on voit par la Préface qu'il a mise à la tête de cet Ouvrage, qu'il n'a prétendu que conjecturer, autorifé par l'exemple des SS. Peres qui ont varié dans les explications qu'ils en ont données. M. Bossuet établit à cette occafion quelques propofitions générales que l'on ne doit point perdre de vûe dans L'examen que l'on fait des Prophéties.

1°. L'Explication des Prophéties qui regardent le fondement de la Foi, comme la venue du Meffie, la difperfion des Juifs, la converfion des Gentils, doit toujours être fondée fur ce que les SS. Peres en ont dit; le fens peut en être éclairci & perfectionné dans la fuite des tems.

2°. Les Prophéties qui ne regardent point le dogme, mais feulement l'édification, qui ne touchent point la fubstance de la Religion, mais feulement les chofes qui y ont quelque rapport, on peut en chercher l'explication non-feulement dans l'Hiftoire Sainte, mais même dans les Auteurs profanes: là-deffus, dit M. de Meaux, il eft permis d'aller à la découverte, & l'on peut, fans manquer au respect dû aux SS. Peres, aller plus loin qu'eux, en reconnoissant toujours que c'eft aux lumieres qu'ils nous ont données que nous fommes redevables de ces pieufes Eru

ditions.

30. Lorfque les Orthodoxes difent des chofes nouvelles, en interprétant les Prophéties, il ne faut pas croire qu'ils fe donnent la même liberté dans les points qui concernent le Dogme, parce que c'est une régle invariable de

l'Eglife,

1'Eglife, dit M. Boffuet, de ne jamais rien dire de nouveau, & de ne s'écarter jamais du chemin battu.

Après ces obfervations, M. de Meaux entre dans l'explication de l'Apocalypse; & comme les ennemis de l'Eglife Romaine imaginoient trouver la deftruction dans l'endroit de la Prophétie, où S. Jean parle de la Proftituée de Babylone, M. Boffuet fait voir que la chûte de la Proftituée de Babylone ne défigne rien autre chofe que la chûte de Rome idolâtre, & le démembrement de fon Empire par les armes d'Alaric en 410. M. de Meaux examine en détail toutes les conjectures des ennemis de l'Egli fe, & il en découvre les erreurs avec la derniere évidence. Il est bon cependant d'observer que les plus raisonnables d'entre les Protestans ne donnoient point dans les idées, que les Fanatiques de leur Secte tâchoient d'infpirer aux Peuples. Grotius, Hammond, Voffius, & autres ont entendu par la chûte de Babylone, la difperfion des Juifs, & la chûte de Rome idolâtre, anéantie avec tous les Dieux. Bullinger lui-même, zélé Sectaire & fucceffeur de Zuingle, qui auroit bien voulu pouvoir trouver l'Antechrift dans le Pape, & Babylone dans l'Eglife Romaine, n'a rien trouvé dans l'Apocalypfe qui ait pû fervit fes préjugés.

Le fameux Miniftre Jurieu, auffi connu par le feu & la vivacité de fon efprit, que par le dérangement de fon imagination, réveilla en 1686. les idées des Vifionnaires ennemis de l'Eglife Romaine. Le Miniftre du Moulin, fon oncle, avoit publié à Sedan en 1624. un Ouvrage intitulé, l'Accompliffement des Prophéties: Jurieu conferva le même titre dans l'Ouvrage qu'il fit paroître en 1686. mais il alla plus loin que fon oncle: non content d'expliquer les Prophéties, il prophétifa lui - même, & il ofa Tome II.

b

peu

avancer qu'en 1689. la nouvelle Réforme feroit glorieu fement établie fur les ruines de l'Eglife de Rome. Malheureusement Jurieu avoit pris un terme trop court, & il eut le chagrin de voir lui-même écrouler fa Prophétie. Cependant, comme le Fanatisme eft une espéce de maladie épidémique qui gagne promptement, on vit, à l'exemple de Jurieu, éclorre de tous côtés, & principalement parmi les femmes, & dans les gens de la lie du ple, quantité de petits Prophétes, qui, fous le mafque de l'infpiration, infinuoient infenfiblement la révolte; mais les foins du Ministère public les diffiperent bientôt. L'air du Fanatifme qui s'infinue avec tant de facilité, donna un grand cours au Livre de Jurieu: il y en eut 3000 exemplaires de diftribués dans l'espace de trois ou quatre mois. M. Jurieu en fit faire la même année une feconde édition augmentée d'un tiers. Il y donnoit, felon fes idées, des explications, non-feulement de l'Apocalypfe, mais des Prophéties de Daniel, & de celle de S. Paul dans la feconde Epitre aux Theffaloniciens. Il préten

doit prouver que le Papisme eft l'Empire Antichrétien ;

que la ruine de cet Empire devoit commencer dans trois ans; que la Réforme feroit établie par autorité Royale, & que la France se convertiroit en renonçant au Papisme.

Le même zéle qui animoit M. de Meaux à travailler à deffiller les yeux de nos Freres errans, fascinés par les illusions du Fanatifme, l'engageoit auffi à précautionner les Fidéles contre le venin de l'erreur que des Catholiques, fçavans à la vérité, mais trop attachés à leur propre fens, s'efforçoient d'infinuer. Ce fut ce qui produifit les deux Inftructions que nous avons placées après l'Abbrégé de l'Apocalypfe. M. de Meaux y cenfure la Verfion

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