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Torrent de Clévieux. Barrages III et III. (Cliché BERNARD.)

LE TORRENT DE CLÉVIEUX

A la suite des grandes pluies des 17 et 18 mai 1902, le versant de droite du torrent de Clévieux, couvert d'une futaie d'épicéas centenaires formant le canton du Vernay de la forêt communale de Samoëns (Haute-Savoie) affouillé à son pied, détrempé par des eaux d'infiltration, se mit à glisser, au-dessous du plateau de la Rosière. Le gypse du sous-sol mis à nu, dissous, érodé, favorisa le mouvement du terrain. Il fallut étayer le pied de la région instable par des barrages en gradins: il reste à fixer en amont la rive droite du torrent, ébouleuse, soluble, sans cohésion, alors que la gauche constituée par des schistes liasiques, tendres, affouillables, s'effrite en plaquettes boueuses. Comment résoudre pratiquement ce difficile problème ?

A PROPOS DE LA LOI « SUR LA CONSERVATION DES FORÊTS PRIVÉES »

ORIGINES, ANALYSE ET OBSERVATIONS

La proposition de loi « sur la conservation des forêts privées », appelée déjà par anticipation « loi Audiffred », du nom de son dernier rapporteur au Sénat, s'inspire de trois propositions antérieurement faites à la Chambre des députés, savoir: 1° proposition Ferdinand Bougère et Fernand David, donnant aux particuliers la faculté de soumettre leurs bois au régime forestier; 2o proposition Ferdinand Bougère, accordant aux associations de la loi de 1901 la faculté de posséder des forêts ou des terrains à boiser; 3° proposition Fernand David et Pierre Baudin, tendant à faciliter la coopération de divers établissements et associations à l'œuvre du reboisement.

Le but commun de ces propositions est « d'orienter vers les placements forestiers » les capitaux considérables des sociétés financières et des particuliers, et en même temps de donner une garantie aux propriétaires de forêts ou de terrains à boiser, en leur accordant la faculté d'en confier la gestion aux bons soins de l'Administration forestière. Ce n'est donc pas d'une loi de coercition qu'il s'agit, mais d'une aide, d'un secours désintéressé que l'Etat offre aux propriétaires pour la conservation et la mise en valeur de leurs forêts. En outre, le législateur entend (52 ANNÉE).

- 15 MARS 1913

XI. — 11

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faire appel, plus largement que ne le permettent les textes actuellement en vigueur, à certains propriétaires impérissables tout à fait désignés pour des opérations à longue échéance telles que la création ou l'amélioration des forêts; il espère ainsi augmenter la proportion, par trop faible en France, des « forêts publiques » auxquelles le régime forestier est nécessairement applicable. Ce sont deux ordres d'idées assez voisines, mais cépendant distinctes, et qui dominent toute cette matière.

Le rapport fait à la Chambre des députés par M. Louis Vigouroux, à la séance du 26 juin 1908, est très remarquable; il contient des appréciations fort justes sur les conditions dans lesquelles particuliers, sociétés et établissements financiers peuvent être admis à invoquer le bénéfice du régime forestier, jusqu'à présent étroitement limité par l'art. 1er du Code de 1827.

Nous trouvons d'abord dans ce rapport la distinction fondamentale que nous venons d'établir entre les catégories de personnes, personnes naturelles ou personnes morales, auxquelles s'appliqueront les dispositions de la nouvelle loi. Aux particuliers doivent être jointes les sociétés civiles et financières (les sociétés d'assurances par exemple); pour cet ensemble de propriétaires, le régime forestier ne peut et ne doit être que facultatif; et de plus il ne sera pas nécessairement intégral. C'est, une innovation essentielle, et dont il faut bien faire ressortir l'importance, attendu que, jusqu'à présent, l'un des caractères du régime forestier, tel que l'a organisé le Code,c'est l'indivisibilité.

« Certaines prescriptions du régime forestier peuvent s'appliquer sans inconvénients aux bois des particuliers comme aux autres...; mais les restrictions indispensables lorsqu'il s'agit de l'Etat ou des communes deviennent inutiles quand il s'agit de propriétés privées, et vont à l'encontre du but qu'on poursuit... On ne comprendrait guère, par exemple, que des particuliers ou des sociétés financières ne puissent disposer à volonté des produits normaux de leurs propriétés... Nous ne voyons pas la nécessité de confier aux agents de l'Administration toutes les opérations de conservation et de régie des bois que leurs propriétaires demanderaient à placer sous le régime forestier. Il nous a semblé suffisant d'organiser pour les bois privés un régime de protection répondant au but proposé et dont les frais seraient compensés par des avantages équivalents, à la suite d'une entente librement conclue par les intéressés avec l'Administration. »

C'est en effet d'une sorte de contrat « do ut des » qu'il s'agit. L'Etat prêtera aux particuliers des agents pour assurer la surveillance et même la gestion de leurs forêts, mais en retour ces propriétaires devront lui

payer une rémunération équivalente au service rendu, qui pourra être variable suivant que le régime forestier aura été réclamé dans une mesure plus ou moins complète. Il ne suffit donc pas de renvoyer à ce égard à l'art. 106 C. for., et au tarif fixe qui a pu être établi pour les bois communaux. Il est certain que si l'Etat veut bien se charger de la gestion communale au prix très faible de 1 fr. par hectare, il s'impose de ce chef une charge assez lourde; mais on ne peut exiger qu'il se montre aussi large envers les particuliers; appliquer ce même tarif aux six millions et demi d'hectares que comportent les forêts privées serait une trop lourde charge pour le budget; c'est une remarque très judicieuse qu'il ne faut pas perdre de vue, si l'on veut que les mesures libérales de la loi soient pratiquement applicables.

par

D'ailleurs, croit-on qu'il soit bien nécessaire de charger les agents de l'Etat de la gestion intégrale des bois particuliers? On s'imagine à tort que ces bois sont toujours exploités d'une manière abusive; c'est que l'on a en vue les réalisations faites dans certaines grandes forêts des marchands de biens et autres spéculateurs. Mais ces réalisations, regrettables sans doute au point de vue de l'intérêt public, sont en somme exceptionnelles. Très souvent le propriétaire, loin de faire des coupes prématurées, attend, pour exploiter ses bois, une échéance importante; de ce qu'il les coupe alors en une seule fois, cela ne veut pas dire qu'il abuse; mais il entend être le maître de ses exploitations, il ne consent pas à se soumettre à un aménagement inflexible, il veut se réserver son droit de disposition en temps opportun. Tout cela est parfaitement vrai. Le rapporteur nous cite comme exemple certaines forêts de montagne qu'il connaît bien, et surtout celles possédées par de petits propriétaires, qui détiennent au moins les deux tiers des forêts françaises non soumises au régime. Mais cette observation n'est pas seulement applicable aux petites forêts de montagne : ainsi, dans la plaine, et même pour des massifs importants, on trouve encore fréquemment des propriétaires soigneux de leurs bois, enrichissant leur matériel ligneux par de prudentes épargnes.

Sans doute, depuis 1908, les réalisations prématurées sont plus fréquentes et certains particuliers paraissent vouloir abandonner les vieilles habitudes d'épargne et de prévoyance qui caractérisaient les propriétaires français. Mais à qui la faute? à l'Etat, qui semble prendre à tàche de les effrayer par ses menaces de lois coercitives et par des superpositions d'impôts, auxquels ils espèrent échapper en transformant cette richesse forestière trop visible aux yeux du fisc. Combien se fait encore d'illusion à cet égard le rapporteur de 1908! Il compte que la

Chambre va profiter de la discussion de l'impôt sur le revenu « pour organiser une meilleure répartition des charges trop souvent exorbitantes qui pèsent actuellement sur la propriété forestière ». Il nous assure que « la grande réforme fiscale dont les Chambres s'occupent en ce moment va fournir une excellente occasion au législateur pour encourager les particuliers, les sociétés et les associations en vue de la conservation de la propriété forestière. Aujourd'hui, personne n'est plus dupe de ces mirages trompeurs; nous ne savons que trop dans quel esprit se poursuit la prétendue révision du revenu imposable des forêts, et nous pouvons être certains que si l'on continue à marcher dans cette voie, sous la double charge de l'impôt foncier et de l'impôt sur le revenu, les propriétaires forestiers se trouveront encore plus lourdement grevés qu'ils ne le sont actuellement. Et ce n'est pas le régime forestier facultatif qui pourra pallier ces tristes résultats. Mais il est temps encore d'enrayer cette marche vertigineuse vers l'accroissement indéfini des charges fiscales. A cette condition seulement les prévisions favorables du rapporteur de 1908 pourront se trouver justifiées.

Après avoir ainsi traité des particuliers et des sociétés qui leur sont assimilables, le rapport s'occupe de la faculté qui peut être accordée « à certaines catégories d'associations » de posséder des bois ou des terrains à boiser. Sont alors passées successivement en revue : les associations de la loi de 1901, les sociétés de secours mutuels, et enfin les caisses d'épargne.

Pour les premières, on distingue très justement les associations simplement déclarées et celles reconnues d'utilité publique; c'est à celles-ci seulement que doit s'appliquer la faveur de posséder des propriétés forestières en effet, elles ont fait leurs preuves, et l'on peut avoir confiance en leur stabilité. Quant aux sociétés de secours mutuels, l'autorisation d'acquérir des bois semble si naturelle que le rapport n'insiste même pas. Enfin, pour les caisses d'épargne, on remarque qu'en vertu de la loi de 1895 elles peuvent déjà placer la totalité du revenu de leur fortune personnelle et le cinquième du capital de cette fortune en acquisitions ou constructions d'habitations à bon marché : l'acquisition ou la création de forêts est une opération qui n'offre pas plus de risques et qui peut être au moins aussi profitable; il convient donc que les caisses d'épargne puissent y employer leurs fonds libres dans une proportion identique.

Quel sera maintenant le régime applicable aux forêts des associations autorisées, des sociétés de secours mutuels, des caisses d'épargne? d'hésitation : ce sont des êtres moraux du droit administratif,

Ici, pas

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