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Que l'article 5 du cahier des charges de l'adjudication des coupes domaniales de la forêt de la Braconne impose à l'adjudicataire l'obligation d'assurer aux bûcherons le bénéfice de la loi de 1898 par application de la loi du 18 juillet 1997;

Attendu que Marty, prenant droit de cette clanse du cahier des charges, prétend de plus fort être protégé par la loi sur les accidents;

Mais, attendu qu'il n'est nullement justifié que Guérin ait accompli les formalités prescrites par la loi de 1907 et que lui imposait le cahier des charges; que Marty n'établit pas non plus qu'il ait donné son adhésion sur le carnet prévu par les articles 1 et 2 de la dite loi;

Que, dans ces conditions, on ne saurait le considérer comme bénéficiant des dispositions de la loi du 18 juillet 1907, et, par conséquent, garanti et protégé par la loi de 1898; qu'il faut encore, de ce chef, rejeter ses prétentions et le condamner aux dépens;

Par ces motifs,

Le Tribunal, après en avoir délibéré : sans s'arrêter ni avoir égard à tous autres moyens, fins et conclusions contraires, les rejetant ;

Dit que l'accident survenu le 17 mars 1910 à M. Marty, en abattant un arbre, n'est pas garanti par la législation sur les accidents du travail ;

En conséquence, rejette son action comme irrecevable; l'en déboute, et le condamne aux dépens.

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Attendu, en fait, qu'il est constant qu'au moment oùsil fut blessé par la chute d'un arbre, Marty travaillait dans la forêt de la Braconne, en qualité de bûcheron, pour le compte de Guérin ; que ce marchand de bois, qui avait acheté une coupe forestière de l'Administration des Eaux et Forêts, l'exploitait pour les besoins de son commerce;

Attendu, en droit, que ce n'est pas la nature du travail effectué par l'ouvrier qui emporte assujettissement à la loi, mais bien la nature de l'entreprise pour laquelle il effectue ce travail; que si une coupe forestière est, en elle-même, un travail agricole, elle n'en constitue pas moins une entreprise ommerciale, lorsque l'exploitation est faite par un négociant, non propriétaire, qui ne s'y livre que dans un but de spéculation; que, dans ces circonstances, l'ouvrier blessé est fondé à se prévaloir des dispositions de la loi du 12 avril 1906;

Attendu, au surplus, que le cahier des charges dressé par l'Administration des Forêts, et auquel Guérin a adhéré en devenant adjudicataire, porte, dans l'art. 5, que « les adjudicataires seront tenus d'assurer aux bûcherons les bénéfices de la loi du 9 avril 1898, sur les accidents du travail, par application de la loi du 18 juillet 1907 »; que cette clause, qui fait la loi des parties, contient une stipulation pour autrui qui a créé un lien de droit direct entre le bûcheron Marty et l'exploitant Guérin, qu'on ne peut contester que la stipulation a été connue de l'ouvrier et acceptée par lui, puisqu'il en réclame aujourd'hui l'exécution; que l'intention de Guérin, de donner à la clause la portée ci-dessus indiquée, se dégage des termes d'une lettre écrite le 5 août 1910,

par « la Mutuelle générale française » assureur et mandataire de l'intimé, lettre qui sera enregistrée, dans laquelle elle fait connaître à l'appelant qu'elle lui ferait, devant M. le Président, au moment de la tentative de conciliation, une proposition conforme aux droits que conférait à cet ouvrier l'article 3 de la loi du 9 avril 1898; qu'on retrouve encore la preuve de l'engagement direct de l'intimé vis-à-vis de ses ouvriers dans le fait, reconnu dans les conclusions de Guérin, que l'indemnité temporaire « a été servie à Marty pour le compte de l'exploitant, par les soins de la même société la Mutuelle générale française » ;

Attendu, dans ces conditions, que vainement l'intimé essaie-t-il de se prévaloir de sa faute personnelle en ce qu'il n'a pas rempli les formalités de la loi du 18 juillet 1997, destinées à assurer à l'ouvrier le bénéfice de la loi sur les accidents du travail; que le défaut d'exécution de son obligation ne le laisse pas moins tenu de fournir à Marty, en cas d'accident, les avantages de la loi du 9 avril 1898, dont il a promis la prestation ;

Attendu que Guérin ne peut tirer argument de ce que la loi sur les accidents du travail est d'ordre public, puisque, par l'effet de son engagement, il avait promis, au moyen de la loi du 18 juillet 1907, et en s'y conformant, de fournir à son bûcheron les prestations prévues par la loi de 1898; que ce pacte n'était point illicite ;

Qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter au défaut de signature, par Mariy, du carnet prévu à l'art. 2 de la loi de 1907, alors que c'est la volontaire inexécution de l'obligation de Guérin qui en a été la cause; que l'intimé doit donc la prestation promise, c'est-à-dire le bénéfice de la loi sur les accidents du travail;

Mais attendu que Marty ne justifie pas que l'incapacité de travail dont il se dit atteint soit permanente; qu'il n'existe aucun élément permettant de déterminer le degré de cette incapacité, et la date de la consolidation de la blessure;

Qu'il convient, par suite, de recourir à une expertise;

Par ces motifs,

Dit Guérin responsable, aux termes des lois du 12 avril 1906 et du 9 avril 1898, de l'accident survenu le 12 mars 1910 à Marty;

Dit, tout au moins, que, par la stipulation contenue à l'art. 5 du cahier des charges de l'adjudication, il est tenu de procurer à l'appelant par suite de l'accident survenu à ce dernier les avantages déterminés par la loi du 18 juillet 1907 et la loi du 9 avril 1898, etc.

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Du 13 avril 1911. Cour de Bordeaux (4e chambre), MM. Jean Marquet, prés.; Zambeaux, av. gén.; MM. Boyveau et David, av. (Gazette du Palais, no du 12 juillet 1911.)

Observation. Une proposition de loi faisant rentrer les exploitations forestières dans les travaux auxquels s'applique la loi du 9 avril 1898 a été déposée et sera probablement adoptée dans un avenir prochain. En attendant, une décision de l'Administration (Circ. no 752, du 6 août 1909) a introduit dans le Cahier des charges de la vente des

coupes une stipulation obligeant les adjudicataires des coupes domaniales à placer leurs bûcherons sous le régime de la loi de 1898, par application de la loi du 18 juillet 1907. D'après cette dernière, tout employeur non assujetti à la législation concernant les responsabilités des accidents du travail peut placer ses ouvriers sous le régime de ladite législation, au moyen d'une déclaration à la mairie,qui doit être suivie de l'adhésion des ouvriers employés inscrite sur un carnet spécial.

Dans l'affaire qui précède, le marchand de bois avait négligé d'observer ces formalités de la loi de 1909: pas de déclaration, pas de carnet portant la signature de l'ouvrier; il paraît seulement qu'il y a eu de sa part assurance contractée à une société « la Mutuelle générale française >> qui intervient en son lieu et place à la suite de l'accident éprouvé par le bûcheron. Dans ces conditions, le tribunal d'Angoulême nous semble avoir justement décidé que l'ouvrier ne peut se considérer comme garanti par la loi du 9 avril 1898. Mais est-ce à dire que l'obligation contractée par le marchand de bois par suite de son adhésion au Cahier des charges de l'Administration, doive rester sans sanction? Nullement; il peut et il doit être obligé à fournir à son ouvrier des avantages équivalents à ceux que la loi de 1898 lui aurait procurés, et le tribunal devait ordonner des mesures propres à lui faire obtenir ces avantages, soit par l'effet d'une assurance soit par tout autre moyen.

C'est que reconnaît bien la Cour de Bordeaux, dans le paragraphe des motifs ci-dessus relatés. Mais cette Cour pouvait se dispenser des considérations qui précèdent, relativement à l'assimilation de l'exploitation forestière à une entreprise commerciale régie par la loi du 12 avril 1906. Il est inadmissible que la nature d'un travail change suivant la personne qui le dirige: l'exploitation d'une coupe est un travail agricole, qui doit demeurer tel, que l'exploitation ait été faite pour le compte du propriétaire ou que celui-ci ait transféré ses droits à un tiers. C'est ce qu'a d'ailleurs formellement reconnu la Cour de cassation : Civ., 4 août 1903, Guincêtre; 26 oct. 1903, Farineau (Revue, 1904, 307). Voir aussi Trib. d'Ambert, 30 déc. 1909, Granger (P., 1910, 2, 50).

:

Dans le sens de l'arrêt de Bordeaux

lin (P., 10, 2, 40).

Chambéry, 16 déc. 1909, Jeanno

Sur l'application des lois de 1898 et 1906 aux exploitations forestières, voir notre Cours de droit forestier, tome II, nos 1380 et suiv.

Ch. GUYOT.

CHRONIQUE FORESTIÈRE

Ministère de l'Agriculture. - Par arrêté du ministre de l'Agriculture en date du 24 mars 1913:

M. Leroy (Paul), chef de bureau au ministère de l'Agriculture, est nommé chef du cabinet du ministre de l'Agriculture.

M. Jeannin (Jules), ingénieur agronome, ancien professeur d'agriculture, et M. Keim (Albert), docteur és lettres, sont nommés chefs adjoints du cabinet.

M. Clémentel (Stéphane) est nommé secrétaire particulier.

Les augmentations de traitements. Le retard du vote du budget laisse pendante l'importante question du relèvement des traitements forestiers. Et pendant qu'on parle de nous augmenter (et encore combien péniblement!) de 200 francs par an, voilà qu'un nouveau projet s'élabore pour les officiers de l'armée active qui verraient leur solde majorée de 200 francs par mois. Le journal le Matin a ouvert une campagne dans ce sens et le ministre de la Guerre a déclaré le projet viable. Ainsi les officiers avaient déjà une forte avance sur les forestiers; ils vont les distancer d'un nouveau bond; il serait temps qu'on avisât, si on ne veut pas nous faire jouer le rôle humilié de parents pauvres, et, par voie de conséquence, tarir notre recrutement.

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Un agent.

Ministère des Finances. Par arrêté du 23 mars 1913, M. Charles Dumont, ministre des Finances, a nommé attaché à son cabinet M. Gerdil (Henri), Inspecteur des Eaux et Forêts.

-

La Chine des montagnes et des forêts. Il convient de distinguer dans l'Empire Chinois la Chine cultivée (la Chine des jardins), ou Chine maritime, de la Chine du centre, montagneuse, sauvage, en grande partie inexplorée (la Chine des montagnes et des forêts).

La Chine des jardins n'a presque plus rien à nous donner de nouveau, tant nous avons mis d'ardeur à moissonner ses chrysanthèmes, ses bambous, ses lis, ses lotus, ses camélias et tant d'autres espèces qui gardent encore si fidèlement leur physionomie native. Mais la Chine du centre et des provinces intérieures, la Chine des montagnes et des forêts, nous réserve mille surprises, les plus fécondes découvertes végé

(52 ANNÉE). 15 AvALL 1913.

XI. - 16

tales et florales. Quelques cartes encore incomplètes, de trop rares relations de voyages ne donnent qu'une idée inexacte de l'ensemble de cette région, dédale de vallées étroites serpentant entre d'irrégulières masses de montagnes qui renferment de merveilleuses ressources naturelles et présentent en particulier une flore d'une richesse inouïe. Un énorme manteau de forêts recouvre les épaules des colosses hinterhi_ malayens. Il y a là, en fait de conifères, d'essences forestières superbes, précieuses et rares, de quoi alimenter pendant des siècles nos industries européennes. Les Chinois se sont montrés encore plus imprévoyants que nous; ils ont déjà stupidement anéanti des forêts entières par le fer ou par le feu pour un très mince résultat. Mais le nombre et l'immensité des massifs boisés défient en somme la folie humaine et les effets du gaspillage et tout ce que nos explorateurs ont rapporté de ce pays merveilleux nous donne une idée des incalculables richesses forestières qu'il nous réserve.

La flore du Far West Chinois renferme entre autres des plantes oléagineuses dont les Chinois ont entrepris la culture. L'huile qu'ils obtiennent ainsi est produite par les semences de deux espèces d'arbrisseaux que nos botanistes ont baptisées: Aleurites Fordii et Aleurites cor

vata.

On connaît les superbes laques de la Chine et du Japon. L'arbre qui les produit, la Rhus vernicifera, pousse à l'état sauvage et en abondance dans les forêts de la Chine centrale. Une autre espèce voisine, largement représentée aussi dans ces régions, la Rhus succedanea, a des graines d'où l'on extrait une substance analogue au suif et dont on fait des chandelles au Japon.

Citons encore, parmi les précieuses essences de la Chine Centrale, la Rhus semiolota qui produit une excroissance analogue à notre noix de galle et excellente aussi pour la tannerie; un arbre à caoutchouc, qui nous sauvera peut-être de l'épuisement de cette substance dont nous menacent d'une part, le gaspillage des forêts du Brésil et du Congo, et de l'autre la demande grandissante de l'industrie; le pin térébinthe, dont le nom indique assez le précieux produit; et tant d'autres espèces connues ou inconnues, qui croissent et qui meurent inemployées dans l'un des derniers coins inexplorés du monde, où les civilisés iront sans doute quelque jour chercher des ressources nouvelles ou réparer la perte de produits indispensables que commencent déjà à leur refuser des terres trop longtemps exploitées.

(Le Tour du Monde.)

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