Page images
PDF
EPUB

ment et sans à-coup, après abatage successif des arbres exploitables. Dans cette conception, le gemmage ne peut être que tardif et épar pillé.

Les deux objectifs de la coupe jardinatoire classique, par pied d'arbres, et du gemmage commercial ne paraissent donc pas, de prime abord, superposables.

Le problème me semble cependant pouvoir être résolu, culturalement et pratiquement, en ce qui concerne le pin maritime, par l'application généralisée du jardinage par trous, en « écumoire », ou mieux encore en « damier ».

C'est un fait d'expérience en Corse que dans les pineraies jardinées, il faut, pour obtenir une bonne régénération, faire dans le peuplement des trouées assez larges pour que la lumière nécessaire au développement des semis de cette essence, qui aime les grands découverts, puisse arriver au sol en quantité suffisante.

La forêt, jardinée par cette méthode, se composera donc d'une série de bouquets réguliers, d'âges gradués, mais sans ordre entre eux. Chaque bouquet ou «< case du damier » devra recevoir alors, au point de vue cultural, l'opération que son âge ou sa consistance réclamera : éclaircie, coupe d'ensemencement, coupe définitive.

Dans la futaie de pin maritime ainsi constituée, le gemmage devient commercialement possible et pratiquement réalisable, car on peut dès lors le concentrer par « case », en appropriant sa modalité à l'âge ou à la consistance du bouquet qui l'occupe, comme cela se passe par affectation dans le traitement en futaie régulière.

Conclusion. L'avenir. Le gemmage du pin maritime peut être considéré comme installé actuellement en Corse. Mais si l'exploitation dirigée par le Service des Eaux et Forêts à Zonza est encourageante, il ne faut pas en conclure qu'il doive en être de même sur les 29.370 hectares de peuplements de cette essence que l'on rencontre dans l'île. Pour réussir, trois conditions primordiales et simultanées sont en effet nécessaires :

1o la main-d'œuvre, qu'il faut amener en totalité de l'extérieur ; 2o un terrain d'un parcours assez facile, pour que le rendement de la journée de travail du résinier soit rémunérateur; 3° des exploitations. suffisamment concentrées et convenablement groupées, pour le même motif.

Toute entreprise de gemmage qui ne réunira pas ces trois conditions ne pourra être qu'infructueuse et passagère.

En Corse, les étendues en pin maritime gemmables sont considérable

ment réduites par l'absence de l'une ou de l'autre des conditions essentielles que je viens d'énumérer. La main-d'oeuvre spéciale fait d'abord partout défaut et son recrutement à l'extérieur présente de sérieuses difficultés.

Le terrain, généralement rocheux, à pentes rapides, ou couvert d'un épais maquis, est le plus souvent difficile à parcourir. Enfin les incendies fréquents et les exploitations abusives, dans les forêts non soumises au régime forestier, ont appauvri, déchiqueté ou ruiné nombre de massifs de maritimes, sur des surfaces considérables.

En définitive, on peut dire que, présentement, si l'on rencontre réunies, comme à Zonza, les conditions favorables à l'installation d'un gemmage commercialement fructueux, ce n'est que par exception.

Plusieurs autres tentatives ont été faites, à ma connaissance, depuis deux ou trois ans, par des industriels continentaux des mieux qualifiés, pour installer, sur divers points de la Corse, l'industrie résinière; aucune d'elles ne paraît encore avoir abouti, et c'est à regretter.

L'extension du gemmage peut contribuer en effet pour une bonne part au développement économique de l'île et à l'accroissement de son bien être ; il faut donc souhaiter que les initiatives et les bonnes volontés ne se lassent pas. Mais celles-ci devant toujours compter avec les contingences et les particularités locales, il convenait, dans l'intérêt de tous, de poser nettement les données du problème.

La situation forestière générale de la Corse est susceptible de s'améliorer, mais seulement au prix de deux modifications profondes à apporter au régime pastoral à outrance qui ronge et ruine les forêts insulaires.

En premier lieu, c'est la restriction du parcours, surtout celui des chèvres, ou tout au moins la garde des troupeaux avec observation rigoureuse des mises en défends. Cette dernière condition prime et domine toutes les autres. Acceptée et respectée, ce serait le salut de la forêt et la rénovation des pâturages. Violée, c'est l'aggravation fatale d'un état de choses dont s'émeuvent en ce moment tous ceux qui se préoccupent des intérêts et de l'avenir de l'île.

maîtres incontestés

Ce qu'il faut obtenir en second lieu des bergers du pays —, c'est la suppression de ces incendies volontaires, véritables fléaux, qui sont une des causes principales du déboisement progressif et de la régression très marquée des forêts.

Sans le feu et sans la chèvre, la Corse serait incontestablement un des plus beaux pays du monde. Protégée et alimentée en eau par un

manteau forestier respecté, avec ses châtaigneraies améliorées et son arboriculture développée, elle deviendrait bientôt un des plus florissants.

Avril 1913.

DE LAPASSE.

LE GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG

AU POINT DE VUE DU RÉGIME FORESTIER,
DE LA CHASSE ET DE LA PÊCHE.

Le Grand-Duché de Luxembourg est un petit Etat indépendant et neutre qui est limité: au nord, par la Belgique (prov.de Luxembourg) et la Prusse rhénane; à l'est, par la Prusse rhénane, dont il est séparé par l'Our, la Sûre et la Moselle; au sud, par la Lorraine annexée et la France (département de Meurthe-et-Moselle); à l'ouest, par la Belgique (prov. de Luxembourg.)

La forme du Grand-Duché est à peu près celle d'un triangle isocèle dont la plus grande étendue, du nord au sud, de Beiler à Rumelange, est d'environ 95 kilomètres et pourrait en aéroplane être traversée en une heure. Sa plus grande largeur, prise de Rosport à Martelange, est de 65 kilomètres.

La superficie du Grand-Duché est de 2.587 kilomètres carrés, soit 258.745 hectares; elle est 11 1/2 fois moindre que celle de la Belgique et 208 fois que celle de la France. L'ancien « Duché de Luxembourg » était environ quatre fois plus grand que le Grand-Duché actuel. Par le traité des Pyrénées, en 1659,la partie méridionale (Thionville, Montmédy, Marville, Ivoix-Carignan) fut réunie à la France. Le traité de Vienne de 1815 en fixant comme frontière la Moselle, la Sûre et l'Our,une grande partie du Duché fut incorporée à la Prusse.Enfin par le traité de Londres (1831) la partie wallonne fut cédée à la Belgique et forme actuellement la province de Luxembourg.

Sous le rapport de l'aspect général, de la base géologique et de la nature du sol et du climat,on distingue deux régions bien différentes; ce sont le Bon Pays au sud et l'Oesling ou Ardenne au nord. La première, qui occupe environ 2/3 de la superficie totale, est appelée Bon Pays à cause de sa plus grande fertilité. Elle présente beaucoup d'analogie avec la Lorraine, à laquelle elle est contigue. C'est une contrée de coteaux et de plateaux coupés de larges vallées fertiles dont les princi

pales sont : les vallées de la Moselle, de l'Alzette, de l'Attert et de la Syr. En outre celles de l'Eisch et de la Mamer ainsi que celles des deux Ernz, qui offrent des sites fort pittoresques, voire même grandioses. La vallée de l'Ernz noire, dite Mullertal, a ses versants couverts de belles forêts de hêtre. Ils sont hérissés de chaînes de rochers gigantesques de formes bizarres et variées qui font l'admiration des touristes qui y affluent pendant la belle saison. Cette région, sans doute la plus romantique du pays, on lui a, à juste titre, décerné le nom de « petite. Suisse luxembourgeoise ». L'Ardenne qui, à l'ouest et au nord, se rattache aux Ardennes belges, à l'est à l'Eifel et par là au Hunsrück, constitue de vastes plateaux entrecoupés de vallées étroites et encaissées, alternant avec des montagnes à pentes rapides, parfois abruptes, à sol rocheux de couleur bleu grisâtre.

La principale vallée dans laquelle débouchent des vallées secondaires est celle de la Sûre. D'un pittoresque saisissant, elle est volontiers visipar les touristes.

tée

On distingue trois plateaux principaux : celui de Martelange-Heiderscheid-Bourscheid séparant la Sûre de l'Attert (altitude moyenne 525 m.); celui de Heiderscheid-Marnach-Weiswampach séparant la Clerf de l'Our (altitude moyenne 500 m.), et un troisième qui, s'étendant parallèlement à la frontière belge, sépare l'Ourthe de la Sûre, de la Wiltz et de la Clerf (élévation moyenne 490 m.). La route de l'Etat de Wiltz à Asselborn traverse ce plateau.

Au point de vue géologique, les deux zones, Bon Pays et Ardenne, different notablement. L'Ardenne est la plus ancienne formation géologique du pays. Elle correspond aux terrains primaires, notamment au Coblencien. Le sol est formé de schiste argileux et de quartz dépourvu de chaux, ce qui le rend peu propre à la végétation. Aussi l'Ardenne at-elle de tout temps été connue par son aridité. Mais par l'emploi d'engrais chimiques on a si bien suppléé à l'ingratitude du sol que les grandes plaines, autrefois couvertes de genêts et de bruyères, sont à présent plantées de seigle, d'avoine, de pommes de terre, etc. Les sols les plus pauvres sont couverts de taillis à écorces et de peuplements résineux. La pratique du sartage, qui consiste à brûler la couverture ainsi que les ramilles et tous les remanents de l'exploitation des taillis pour rendre les matières minérales immédiatement assimilables et obtenir une récolte de céréales, disparaît de plus en plus.

Les terrains secondaires comprennent les étages successifs du trias (grès bigarré, calcaire coquillier et marnes irisées), du grès de Luxembourg, des argiles du lias et du Jura brun ou dogger.

Ces sols montrent une grande variété quant à la composition; les terres calcaires alternent avec les terres marneuses, argileuses et sablonneuses.

Les terrains tertiaires ne sont pas représentés dans le Grand-Duché. Les terrains quaternaires comprennent les alluvions anciennes et modernes. Les alluvions anciennes, dites diluviennes, se trouvent tant sur les plateaux que dans les vallées. Ce sont des dépôts de graviers, de sable, de limon, de minerais de fer provenant des courants diluviens qui, en lavant les terrains primaires et secondaires, en ont arraché et enlevé ces matériaux.

Les alluvions modernes se trouvent au fond des vallées, le long des cours d'eau qui les ont formées.

Les alluvions anciennes et modernes forment des terres d'une grande fertilité d'où, sauf quelques rares exceptions, la forêt a depuis longtemps disparu.

Le grès de Luxembourg >> (lias inférieur), qui occupe 1/4 de la superficie du pays, constitue un vaste triangle dont les angles sont marqués par les villages d'Eischen, de Moestroff et de Beaufort. C'est une terre siliceuse, sablonneuse, contenant une certaine quantité de calcaire. Le grès de Luxembourg est composé de grès blancs quartzeux, agglutinės par un ciment calcaire dans la proportion d'environ 33 o/o. La couleur est tantôt le blanc, le blanc jaunâtre ou grisâtre, parfois le jaune d'ocre, très rarement, et seulement par minces couches, le rouge. La fertilité de ces sols est subordonnée à la quantité d'argile qu'ils renferment. Ordinairement cet élément est suffisamment représenté et ils conviennent parfaitement à la culture forestière. Là cependant où le sable est très pauvre en argile, ces sols demandent à être constamment Couverts et les coupes claires ainsi que l'enlèvement des feuilles mortes leur sont funestes.

Par endroit le grès de Luxembourg constitue des « terres à gryphées » de nature argileuse et limoneuse d'une grande fertilité.

Le grès bigarré, qui forme une large bande le long du Sud de l'Ardenne, qu'il sépare du Bon Pays, est représenté par l'étage supérieur; l'étage inférieur ainsi que l'étage moyen (grès vosgien) font défaut. Ce grès bigarré est caractérisé par la finesse des grains de quartz, par l'abondance du ciment argileux et de feuillettes de mica et par la présence de boules d'argile et de dolomies argileuses. Il constitue en général des sols assez fertiles. Les plus beaux taillis à écorces, comme par exemple ceux de Feulen, reposent sur cette formation.

Les sols marneux formés d'un mélange d'argile et de calcaire très di

« PreviousContinue »