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peines qu'une personne sans droit qui viendrait couper du bois dans la forêt d'autrui. L'art. 79 C. for., qui impose cette sanction pour les usagers domaniaux, est rendu applicable aux bois particuliers par l'art. 120. On en déduit que l'acte qui rend son auteur passible de peines correctionnelles ne peut être invoqué par le délinquant comme fondement de son droit. Tout ceci ne peut faire l'objet d'aucune difficulté.

Nous n'en dirons pas autant de ce passage des motifs de notre arrêt: <«< à moins que, par convention expresse, le propriétaire ait renoncé à leur observation de la part des usagers.» Il en résulterait que le propriétaire peut notamment dispenser l'usager de la délivrance, l'autoriser à se servir lui-même. Une convention de ce genre serait-elle valable? Ne pourrait-elle pas être arguée de nullité, comme contraire aux principes de la législation forestière? La question ainsi soulevée est fort délicate. Il s'agit d'apprécier le caractère de la délivrance usagère : est-elle ou non d'ordre public? Le caractère d'ordre public ne fait pas de doute pour les usages grevant des forêts domaniales; mais, dans les bois particuliers, une jurisprudence déjà ancienne de la Cour de cassation admet qu'aucune disposition de loi n'interdit au propriétaire, en faveur de qui l'obligation de la délivrance a été introduite, d'y renoncer par une convention expresse. Dans ce sens : Cass. civ., 4 août 1858, de Dormas. (Cf. notre Cours de Droit forestier, no 1092.)

Quelle que soit notre déférence pour les décisions de la Cour suprême, nous ne pouvons comprendre comment ce qui est défendu à l'Etat propriétaire est reconnu valable pour les propriétaires particuliers. On oublie trop, à notre avis, que l'obligation de la délivrance n'est pas seulement imposée dans l'intérêt du propriétaire; son but est d'empêcher des abus de jouissance qui entraîneraient la destruction de la forêt ; or, la protection de la propriété forestière est une règle d'ordre public, et comme telle elle ne peut être l'objet de conventions particulières. (Cf. op. cit., n. 1739.) La conséquence de ce système serait que des actes de jouissance de l'usager sans délivrance préalable sont impuissants à fonder une possession civile, lors même que le propriétaire aurait formellement autorisé l'usager à se servir lui-même. De tels actes ne pourraient donc être invoqués pour faire admettre une complainte possessoire.

CH. G.

CHRONIQUE FORESTIÈRE

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Conseil supérieur du tourisme. Par arrêté du ministre des Travaux publics, en date du 30 septembre 1913, M. Dabat, directeur général des Eaux et Forêts, a été nommé membre du Conseil supérieur du tourisme et membre du Conseil d'administration de l'office national du tourisme, en remplacement numérique de M. Chaix, démissionnaire.

Légion d'honneur. A la revue qui a eu lieu à l'Ecole militaire le 1er octobre dernier, la croix de la Légion d'honneur a été remise à un certain nombre d'officiers de la réserve et de l'armée territoriale, parmi lesquels figurait M. Chancerel, inspecteur des Eaux et Forêts.

Liste supplémentaire des élèves reçus à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts. Par arrêté du ministre de l'Agriculture en date du 4 octobre 1913, rendu sur la proposition du conseiller d'Etat, directeur général des Eaux et Forêts :

Sont nommés, dans l'ordre de mérite suivant, élèves à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts, les élèves diplômés de l'Institut national agro

nomique, ci-après dénommés:

M. Augier (Raymond-Alfred).

M. Gazin (Marie-Charles-Jean).

M. Gauthron (Maurice-Constant-Joseph), en remplacement numérique de M. Roux, démissionnaire.

Pension civile.

Par décret du 22 septembre 1913, la pension

civile ci-après est approuvée :

Henry (Auguste-Edmond), sous-directeur, professeur à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts. Services militaires, 8 mois; services civils, 40 ans. Pension avec jouissance du 1er septembre 1913. 5,796 francs.

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Observations faites depuis 1908, sur les différentes causes d'usure et de détérioration des chaussées. Six rapports très différents furent présentés sur cette question assez imprécise au Congrès international de la Route.

Le Congrès prit les conclusions suivantes :

1° L'influence des agents atmosphériques est réduite quand on emploie des revêtements imperméables sur des fondations bien sèches;

2o Les véhicules à traction mécanique produisent des détériorations qui sont fonction de l'équilibrage des moteurs, du rapport de la force propulsive au poids adhérent. du poids des wagons non suspendus, de la progressivité de l'action des bandages, de la suspension, du diamètre des roues, de la largeur des jantes, etc.;

3° Les lourds véhicules peuvent n'occasionner que de faibles dégradations si leurs roues sont de grand diamètre et à large jante, avec bandages en caoutchouc, et s'ils sont pourvus de ressorts;

4o Les automobiles légères ne constituent pas une cause sérieuse de détérioration sur les routes bien établies. Pour les véhicules à traction animale, il faudrait rechercher une amélioration de la largeur des jantes des roues et de la ferrure des chevaux ;

4o Les causes d'usure sont mal connues; la Commission permanente établira le programme des observations scientifiques qu'il convient de faire.

(Rapports présentés au III Congrès international de la Route. Londres, juin 1913.)

Nécrologie.-M. Duchaufour, conservateur des Eaux et Forêts, est décédé, à Nice, le 5 octobre dernier, quelques jours après la date officielle de sa cessation de service.

Ses obsèques ont été célébrées le 8 octobre, au milieu d'un grand concours d'amis. L'Administration était représentée par M. le conservateur Tourtel, MM. les inspecteurs Piche, Violette, Arlen, Dinner, Vieil, Roy, les inspecteurs adjoints de Lachadenède, Faure, Perdrizet, Massias, Peyran, les gardes généraux Deslandres, Ellie, Faggianelli. Un piquet composé de vingt préposés escortait le cercueil; il était commandé par M. le Garde général Ellie. On remarquait aussi dans le cortège une délégation de douaniers.

Des couronnes avaient été envoyées par les officiers forestiers et les préposés de la Conservation, par le Conseil général, etc... Les cordons du poêle étaient tenus par le Préfet, le premier adjoint remplaçant le maire de Nice absent, le Trésorier général, le Directeur des Domaines. A la gare, avant le départ pour Senlis, où a eu lieu l'inhumation et où fut célébré un second service, M. Tourtel, conservateur, a pris la parole en ces termes, au nom de l'Administration :

M. le Conseiller d'Etat, Directeur général des Eaux et Forêts, prévenu télégraphiquement, ayant bien voulu me faire l'honneur de me déléguer pour le représenter à cette triste cérémonie, c'est au nom de tous les anciens collaborateurs en retraite ou en activité, sans aucune distinction de grades - de

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M. le conservateur Duchaufour, c'est au nom du Corps forestier tout entier, frappé dans l'un de ses membres les plus hautement qualifiés, que je m'incline respectueusement, en proie à une émotion profonde, devant ce cercueil où dort si prématurément son dernier sommeil celui qui fut mon chef, qui emporte dans la tombe tant d'estime et de regrets.

Fidèle au rendez-vous qu'il m'avait donné en juin dernier, j'étais venu pour m'inspirer de ses instructions, et de ses conseils, et ce sont des nouvelles alarmantes bien inattendues, puis des angoisses qui m'ont accueilli.

La situation, désespérée le 28 septembre, s'était ensuite sensiblement améliorée; on se reprenait à espérer en escomptant la résistance d'une constitution physique particulièrement vigoureuse et nous voilà, en ce moment, devant l'irréparable, serrés autour d'une famille, d'autant plus éplorée qu'elle a dù se diviser, serrés pour essayer d'amortir, par notre présence, la violence d'un choc si brutal.

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Avant-hier c'est une image, Messieurs avant-hier, coup sur coup, Truchot, puis, Bonnet; hier, le pauvre Mion; aujourd'hui, le Conservateur Duchaufour; entre temps, mon malheureux camarade Lombard soumis à la plus horrible des tortures.

Il semble que sur cette Côte d'Azur si fleurie et si souriante, sur cette Côte d'Azur où tant d'humains viennent chercher la santé et le plaisir..., il semble, dis-je, que le Corps des Eaux et Forêts soit marqué par la fatalité.

N'attendez pas de moi une apologie à la hauteur du défunt.

Je ne connais de ses services que ce qu'en donne sèchement l'ouvrage de M. Weyd et il m'était matériellement impossible de remonter jusqu'aux sources pour y puiser abondamment et me documenter de façon à pouvoir placer le Mérite sur un piedestal digne de lui.

Né à Vervins, le 8 janvier 1850, M. Duchaufour entra à l'Ecole forestière de Nancy en 1871 avec la 47e promotion.

En 1847, garde général sur place, puis, à Argelès et, en 1875, à Coucy-leChâteau ; en 1881, sous-inspecteur au service des aménagements, à Chambéry. Le 12 mars 1884, commission des aménagements à Paris. Le 15 mai 1884, Administration centrale, où, pendant plus de 7 ans, il se fit apprécier par sa puissance de travail et ses aptitudes remarquables.

Le 7 novembre 1891, inspecteur, chef du service des aménagements, à Chambéry, le 30 mars 1899, mêmes fonctions, à Paris.

Enfin, le 12 janvier 1904, conservateur à Nice, où il a représenté l'Administration durant 9 ans avec une haute compétence, une courtoisie et une distinction auxquelles M. le député Raiberti, le si éloquent et si sympathique Président du Conseil général, a bien voulu rendre hommage, ea ma présence, à la fin de la séance publique du 2 octobre.

Comme on le voit, il s'était spécialisé dans le service des Aménagements et je regrette bien vivement de ne pas être en mesure d'exposer - comme le fera sans doute ultérieurement quelque ancien collaborateur de commission ou camarade du 2e bureauexposer les travaux qui le mirent en vedette et le désignèrent au choix de l'Administration.

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Mais ce qu'il fut, soit à Chambéry, soit à Paris, se reflète nettement dans cette appréciation formulée devant moi, en 1908, par une haute personnalité du Ministère : « Duchaufour......, c'est l'Administrateur de demain ».

Les circonstances en ont décidé autrement. Et il disparaît brusquement après avoir franchi tous les échelons de son grade, il disparaît, la poitrine ornée de la Légion d'honneur et de la rosette d'officier du Mérite agricole, au moment même où, après de violentes secousses qui avaient miné l'intérieur tout en respectant la façade, il allait pouvoir se partager sans contrainte entre ses chers enfants.

Comme chef, c'était la bienveillance personnifiée, et une bienveillance affinée sous la plus exquise délicatesse.

Sous des dehors réservés, plutôt froids, se cachait un cœur d'or assoiffé de justice, d'indulgence, de générosité, un cœur d'or qui le poussait à ne faire usage de ses prérogatives qu'à la dernière extrémité, à pallier constamment les fautes de ses subordonnés et, le cas échéant, à se substituer à eux sans souci des fatigues inhérentes à ce mouvement spontané.

C'était aussi la conscience administrative, l'intégrité dans l'acception propre du mot.

Que dire de l'homme privé, du père de famille?

Si l'on soulève le voile dont aimait à se draper jalousement sa modestie, on aperçoit harmonieusement groupées toutes les vertus qui caractérisent l'homme de bien et de devoir par excellence, le père de famille vivant uniquement pour les êtres chers auxquels il vient, pour la première fois, de causer du chagrin, et essayer de les énumérer serait d'abord aller à l'encontre de ses désirs et, ensuite, m'exposer à des omissions qui dépareraient une si belle figure.

Le soin que prenait M. Duchaufour à dissimuler à son entourage immédiat ses souffrances morales dans les circonstances les plus douloureuses et à se priver ainsi des adoucissements que procure l'épanchement, plaide éloquemment en faveur de cette nature d'élite, si impressionnante de dévouement et d'abnégation.

Et il est permis de penser que sa fin si inattendue, sa fin que semblaient repousser bien loin les apparences, malgré de rudes attaques, a été hâtée par une concentration excessive, par les efforts faits de tout temps pour sourire en souffrant, pour prodiguer aux siens et aux autres les soulagements dont il avait tant besoin lui-même.

Des paroles qu'il prononçait, le 31 décembre 1907, sur la tombe de M. Gallot, j'extrais ce qui suit :

<< Tous ceux qui l'ont connu ou qui ont été ses collaborateurs sont là pour attester la hauteur de ses vues, son attachement au devoir et sa bienveillance. Son énergie est restée légendaire.

« Une âme trempée comme la sienne sait toujours rester maîtresse du corps « qu'elle anime.

« Rendu à la vie privée, M. Gallot a trouvé dans la bonté naturelle de son « cœur et dans l'exercice d'une philanthropie éclairée l'aliment qui manquait à son activité.

<< Pas une infortune qu'il se soit refusé à secourir, pas une œuvre humanitaire qui ait fait un vain appel à son concours. »>

Mais c'est là, Messieurs, la photographie frappante de M. Duchaufour et comme ma vénération à l'endroit de M. Gallot était sans borne, je crois ren

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