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principe, le partage peut être ordonné; qu'il serait contraire à la règle de la séparation des pouvoirs que l'autorité judiciaire se prononçât sur la demande alors qu'il appartiendrait à l'autorité administrative de ne pas tenir compte de cette décision; Attendu que la commune de Vignec demande encore à la Cour de la déclarer propriétaire pour trois quarts des biens indivis entre elle et la commune de Cadeilhan-Trachères; Attendu que les questions de propriété qui naissent du partage sont de la compétence de l'autorité judiciaire, qui peut seule en connaître; Mais attendu que la question de propriété ne se posera que lorsque le partage sera ordonné; que, jusque-là, les deux communes continueront à exercer leurs droits comme par le passé, que la Cour ne peut statuer sur un litige qui n'est pas né, qui ne se produira peut-être pas, et dont elle ne sera appelée à connaître que sur le renvoi de l'autorité administrative ayant ordonné le partage; Par ces motifs, infirme...

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Du 27 décembre 1911.- Cour d'appel de Paris, MM. le cons. Maury, prés.; Sens-Olive, av. gén.; Lamaignère et Crouan, av.

(Pal., 1912, 2, 245.)

Observations. L'attribution de compétence en matière d'action en partage entre communes est fort controversée, et l'interprétation donnée aux art. 1 et 2, section V, de la loi du 10 juin 1793, a donné lieu à des systèmes très discordants. Les textes, à vrai dire, sont peu explicites. D'après l'art. 1er, « les contestations qui peuvent naître à raison du mode de partage entre les communes seront terminées sur simple mémoire par le directoire du département (actuellement le préfet) ». Et ensuite, l'art. 2 dispose que « le directoire du département prononcera pareillement, sur simple mémoire, sur toutes les réclamations qui peuvent s'élever à raison du mode de partage des biens communaux ». Enfin, en vertu de la loi du 9 ventôse an XII, les Conseils de préfecture connaissent des difficultés relatives à l'application des bases du partage ou à la validité des actes de partage.

On voit qu'il n'est question, dans aucun de ces textes, de l'action en partage, et l'on pouvait croire que, nonobstant la loi de 1793 (qui d'ailleurs a été faite dans un but tout différent, le partage entre habitants), l'art. 875 C. civ. doit recevoir son application, aussi bien entre communes qu'entre particuliers. Dès lors, en cas de résistance ou d'inertie de l'une des communes co-propriétaires, faisant obstacle au partage amiable, il semblait que le tribunal civil dût conserver sa compétence pour ordonner qu'il fût procédé au partage, dans les formes de la législation spéciale. Cette manière de voir est adoptée par plusieurs décisions judiciaires et par de nombreux auteurs. (Voir notre Cours de droit forestier, II, no 1513.)

Notre arrêt, au contraire, dénie à l'autorité judiciaire toute compé

tence pour ordonner le partage entre communes : la demande en partage ne peut être adressée qu'au préfet. Sans doute, il résulte de ce système une simplification de la procédure, puisque l'on serait toujours obligé de revenir devant le préfet pour exécuter le jugement du tribunal civil. Mais il en résulte aussi cette conséquence, beaucoup plus grave, que le préfet aurait un pouvoir souverain d'appréciation pour statuer sur l'opportunité, c'est-à-dire pour décider s'il y lieu d'accorder ou de refuser le partage. Si tel est bien le sens de notre arrêt (et quoi que l'on ne trouve dans la loi municipale ou ailleurs aucun texte conférant au préfet ce pouvoir), sa portée dépasse celle d'une question de compétence, et il en résulte qu'entre communes le principe de l'art. 815 C. civ. serait entièrement inapplicable.

Sur un autre point, la décision de la cour de Pau peut être critiquée. Bien que tout le monde soit d'accord pour admettre que les questions de propriété entre communes dans l'indivision restent de la compétence des tribunaux civils, la Cour, saisie d'une de ces questions en même temps que de l'action du partage, refuse de statuer, sous le prétexte qu'il s'agit d'un litige qui n'est pas encore né. On peut soutenir au con traire que, même en faisant abstraction du partage, il y a un intérêt actuel pour les communes co-propriétaires, à faire statuer sur l'étendue de leurs droits respectifs, et que pour cela le tribunal civil n'a pas besoin d'attendre un renvoi de l'autorité administrative ordonnant le partage. Sic Paris, 23 déc. 1889, com. d'Arrigny (cité en note, P., 12, 2, 245). Ch. GUYOT.

CHRONIQUE FORESTIÈRE

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Changement de la direction de la Revue. Nos lecteurs ont appris, à la lecture de notre dernier numéro, que M. Lucien Laveur cesserait, à partir du 1er janvier 1914, d'être Directeur-Gérant de la Revue des Eaux et Forêts.

Cette nouvelle leur a causé certainement une surprise mêlée de beaucoup de regrets. L'éditeur de la Revue avait su en effet se faire apprécier du Corps forestier par la distinction et l'affabilité de ses manières, l'accueil bienveillant qu'il réservait à tous ceux qui avaient recours à lui, l'intérêt soutenu qu'il portait à notre vieille publication forestière, sa préoccupation constante de la maintenir au niveau de ses traditions et de sa réputation.

C'est de plus par ses soins qu'avaient été publiés d'importants ouvrages forestiers, auxquels son nom restera attaché, à côté de celui de leurs auteurs, dont plusieurs comptent parmi les notabilités les plus marquantes de l'Administration.

Il avait succédé, en mars 1902, à M. Rothschild, qui lui-même avait été propriétaire de la Revue pendant 16 ans. Les douze années qui viennent de s'écouler permettent à M. Laveur de se considérer comme ayant obtenu ses lettres de naturalisation, en qualité de forestier.

Il se retire pour convenances personnelles, mais son départ ne saurait rompre les liens affectueux qui subsisteront entre lui et ses collaborateurs. Il peut être assuré de la fidélité de leur souvenir et de leur gratitude.

LA RÉDACTION.

Nomination du ministre de l'Agriculture. Par décret en date du 9 décembre 1913, M. Raynaud, député, a été nommé ministre de l'Agriculture en remplacement de M. Clémentel, démissionnaire.

M. Raynaud avait déjà occupé ce poste du 4 novembre 1910 au 2 mars 1911, M. Briand étant alors Président du Conseil. Le nouveau ministre de l'Agriculture est né en 1860 ; il est entré au Parlement en 1906, comme député de la Charente, après avoir exercé les fonctions. d'avoué à Paris.

Pension civile. Par décret du 19 novembre 1913, la pension civile ci-après est approuvée :

Dubreuil (François-Julien), directeur de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts; 43 ans 11 mois 15 jours de services. Pension avec jouissance du 1er octobre 1913... 6000 francs.

L'Ordre du Mérite agricole. On se souvient que M. Clémentel, ministre de l'Agriculture, a créé un Conseil supérieur de l'Ordre du Mérite agricole. La première réunion de ce Conseil vient d'avoir lieu. La note suivante a présentée l'analyse de cette réunion:

M. Clémentel a installé le Conseil. Il a exposé les dispositions essentielles du décret du 30 juillet, montré leur utilité et défini, d'après le décret luimême, le rôle du Conseil supérieur du Mérite agricole.

Le ministre a soumis au Conseil la promotion d'ensemble du premier semestre et les promotions diverses au titre des cérémonies, publiées pendant cette période. Le Conseil a constaté avec satisfaction que ces nominations avaient été faites en conformité des règles de l'Ordre et les a approuvées.

Le Conseil a pris ensuite diverses résolutions sur des questions de principe qui lui ont été soumises par le ministre. Il a décidé, notamment que les délais

d'inscription des candidatures expireront au 1er novembre et au 15 mai respectivement, pour les promotions de janvier et de juillet.

Les divers titres agricoles nécessaires pour prétendre à la distinction du Mérite agricole ont été nettement définis et spécifiés dix ans de services sont exigés avec un minimum de trente ans d'âge. Les mouvements d'ensemble seront publiés du rér au 15 janvier et du 14 au 21 juillet. Les cérémonies à l'occasion desquelles pourront être décernées des distinctions devront avoir un caractère purement agricole et être présidées effectivement par un ministre ou par un haut fonctionnaire du ministère de l'Agriculture.

Afin de réserver aux sociétés ayant un caractère d'intérêt général la possibilité de récompenser les plus intéressants de leurs collaborateurs pourvus du titres agricoles, le Conseil a reconnu à ces sociétés la faculté de présenter offi. cieusement des candidats en vue des mouvements d'ensemble, mais sous la réserve que ces présentations seront adressées au préfet du département de résidence du candidat et transmises par celui-ci au ministre de l'Agriculture avec son avis.

Le Conseil a décidé, en principe, la création d'un contingent spécial de décorations à attribuer à la suite des expositions internationales.

M. Mougeot, ancien ministre, se faisant l'interprète de ses collègues du Conseil supérieur a adressé au ministre de l'Agriculture des félicitations à l'occasion de la décision qu'il a adoptée. Le Conseil a été heureux de l'appuyer de façon à mettre fin à des abus que déploraient tous les amis de l'agriculture.

Le Conseil supérieur se réunira à nouveau dans le courant de décembre pour examiner la prochaine promotion.

Le parc national du Palatinat. Le projet de « parc national >> du Palatinat― destiné à servir de réserve aux plantes et aux animaux à l'état sauvage émis dès 1903 par le professeur Lautenberg et repris en 1907 par la Société botanique du Palatinat, à l'occasion des fêtes de Linné, vient d'aboutir. Le gouvernement a affecté au parc un territoire entre les vallées de Spensel et de Wildstein. Il est défendu d'y exploiter les bois et de s'y livrer à aucune entreprise industrielle ou agricole. La cueillette des plantes n'y est permise qu'aux botanistes, et encore à ceux seulement qui sont porteurs de permis spéciaux délivrés avec une extrême réserve on estime, en effet, que le zèle des collectionneurs est, pour les plantes rares, plus dangereux que celui des profanes. Parmi les espèces rares, ou en voie de disparition recueillies dans le parc du Palatinat et en train de s'y remultiplier, citons le Corbeau à reflets d'or, le Grand-Duc, l'Aigle, l'Orfraie, le Martin-Pêcheur, le Héron, la Cigogne, le Vanneau, le Pic noir, la Huppe, le petite Effraie. Le parc embrasse dans son enceinte le massif du Donnersberg, dont le point culminant, le Konigstuhl, est la plus haute montagne, assez modeste du Palatinat. (La Nature.)

La fin d'un arbre historique. Les élèves des promotions de l'Ecole forestière antérieures à 1870 ont tous connu, dans la forêt d'Haguenau, l'arbre remarquable que l'on appelait « chêne de Saint-Arbogast »,ou « chêne de Barberousse », ou simplement « le gros Chêne ». Il se trouvait vers le centre de l'ancienne « forêt sainte », au canton Einsiedel, sur les bords du ruisseau dit Eberbach, près de la route conduisant de Haltenhausen à Schwabwiller. Il mesurait 12 mètres de tour à l'empattement et 7 mètres à hauteur d'homme, mais son fût était court et trapu, et ses premières branches naissaient déjà à 7 mètres au-dessus du sol. On ne lui attribuait pas moins d'un millier d'années d'existence; il jouissait, en tous cas, d'une grande notoriété depuis un temps immémorial et M. J. Kolb, inspecteur des Forêts à Haguenau sous le premier Empire, lui a consacré un article dans les Annales forestières de 1813 4.

Les journaux d'Alsace nous apprennent la fin accidentelle de ce survivant de l'époque médiévale. A la suite des pluies persistantes de l'été dernier et du présent automne, le terrain où le chêne avait crû s'est détrempé et l'arbre, perdant son assiette, est tombé à la renverse. Sans cette circonstance malheureuse, le contemporain des Hohenstaufen n'aurait probablement pas terminé de sitôt sa glorieuse carrière. Au moins il n'aura pas, comme tant d'autres célèbres vétérans de son espèce, péri de la main sacrilège du bûcheron.

E. R.

Le Roman de la Forêt. Tel est le titre d'un volume très émouvant, dont l'auteur, Jean Nesmy, est déjà connu de nos lecteurs par d'autres œuvres, notamment l'Ivraie et les Egarés,qui ont été couronnées par l'Académie française et par l'Académie des Sciences morales.

Sous le pseudonyme de Jean Nesmy se cache un agent forestier; nous n'apprenons sans doute rien à personne en le dévoilant, et, si nous ne l'eussions pas dit, la révélation se serait faite d'elle-même pour les lecteurs de ce nouveau roman, car le forestier, amoureux de son métier et de ses bois, s'y reconnaît à chaque page.

L'action se déroule en pleine forêt, et c'est la hutte d'un charbonnier, ce sont ses meules qui figurent au premier plan du décor. Les passions

-'I

- L'inspecteur J.Kolb était le grand-oncle d'un des doyens vénérés de notre Corps, M. A de Sainte-Fare, ancien conservateur qui habite sa propriété patrimoniale à Saverne, entouré d'une universelle sympathie. Puisse la vigueur physique et intellectuelle de ce digne représentant de toute une dynastie de forestiers franco-alsaciens être longtemps encore comparable à celle du « gros chêne » de Haguenau !

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