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Discussion du budget de l'Agriculture à la Chambre
des députés. Séance du 19 novembre 1912 (suite).

M. Emile Vincent a ensuite plaidé la cause de l'écorce et demandé à M. le ministre de l'Agriculture d'intervenir auprès des administrations publiques afin qu'elles obligent leurs fournisseurs de cuirs à employer l'écorce de chêne pour le tannage de ces cuirs.

M. le ministre de l'Agriculture. Je retiens avec intérêt vos observations et j'appellerai l'attention de M. le ministre de la Guerre sur le tannage des cuirs de l'armée. En ce qui concerne les exploitations intensives et l'abatage mécanique, vous n'ignorez pas que la législation actuelle ne me permet pas d'intervenir.

Par contre M. LORIOT réclame la liberté pour l'industrie de la tannerie, après une intervention de M. Mauger pour protéger la main-d'œeuvre forestière.

M. le président. Je suis saisi, par MM. Emile-Dumas, Barthe, CompèreMorel, Bonniard, François Deloncle, Mauger, Hubert Rouger, Ternois et Roblin d'une proposition de résolution ainsi conçue :

<< La Chambre invite M. le ministre de l'Agriculture à lui demander d'urgence les moyens nécessaires pour acheter la forêt d'Eu, mise en vente par ses propriétaires afin de faire rentrer cette forêt dans le domaine national, dont elle n'est sortie que comme apanage royal. »

Je rappelle l'observation que j'ai eu l'occasion de présenter en ce qui concerne les deux propositions de résolution déposées par M. Jacques-Louis Dumesnil. Comme il s'agit d'une augmentation de crédit, la Chambre ne peut statuer sans un rapport de la commission du budget.

La proposition de résolution devra donc être renvoyée à la commission du budget.

M. le rapporteur. La commission du budget accepte le renvoi.

M. Emile Dumas (Cher). Nous acceptons le renvoi sous réserve que le rapport sera présenté dans le plus bref délai; cela est absolument nécessaire si on veut que la forêt d'Eu puisse être achetée et conservée par l'Etat républicain, qui se doit de réparer le geste regrettable du duc d'Orléans.

M. le rapporteur. Vous n'ignorez pas que M. le rapporteur général, au labeur et à la bonne volonté duquel nous rendons tous hommage, a fait, au nom de la commission du budget, un rapport à cet égard. Toutes les propositions de résolution de l'an dernier ont été rapportées. Le rapporteur général et le rapporteur spécial continueront cette tradition. (Très bien ! très bien !)

M. le président. La parole est à M. des Lyons de Feuchin.

M. le baron des Lyons de Feuchin. Je me permets de prendre la parole dans la discussion relative au rachat de la forêt d'Eu, parce que ma circonscription en est voisine. Je connais les propositions de vente; elles sont déjà très avancées. Il y a donc urgence à agir immédiatement. Vous pourriez avoir des renseignements très exacts sur la valeur de la forêt d'Eu au service des Eaux et Forêts dont le siège est à Abbeville. Mais je sais que l'acquéreur se propose de vendre immédiatement la haute futaie de hêtres qui a une valeur considérable, puis, par une nouvelle méthode d'assolement, de réaliser des bénéfices tels que le prix d'achat de la forêt serait couvert dans un délai très rapproché. Il lui resterait donc comme bénéfice le produit du sol et des baliveaux d'une partie de forêt à exploiter immédiatement.

L'Etat, en un mot, ferait une excellente affaire en rachetant cette forêt. Je supplie donc la commission du budget de se réunir sans retard, vu l'urgence. Il est facile de trouver le crédit nécessaire. Nous en avons voté bien d'autres. (Très bien! très bien!)

M. le président. La parole est à M. le vicomte de Villebois-Mareuil.

M. le vicomte de Villebois-Mareuil. Avant que se termine la discussion du budget de l'agriculture, je voudrais présenter une très courte observation qui m'est suggérée par le discours de notre collègue M. d'Elissaga

ray.

Toute une région est détruite par la maladie du chêne, d'autres régions sont dévastées par l'encre, maladie du châtaignier, d'autres par la maladie du pin. Il résulte de ce que nous avons entendu que le public n'est pas renseigné. Pourquoi ne l'est-il pas ? Probablement parce que le service forestier se cantonne d'une façon trop absolue dans l'exploitation du domaine de l'Etat, parce que ses attributions ne sont pas suffisamment étendues. Je peux citer un exemple tout récent.Je sors de la commission des douanes, où nous nous sommes occupés de la question des bois contreplaqués. Certains renseignements avaien été demandés au ministère de l'Agriculture sur les bois que peut produire la France. Le ministère a répondu qu'il ne pouvait pas donner de renseignements en ce qui concerne les peupliers parce que les peupliers ne sont pas dans des forêts. (Exclamations.)

Il me paraît que, sans augmenter le nombre des agents, on pourrait étendre les attributions des forestiers. Cela ne coûterait rien au budget et cela rendrait des services très appréciables à tout le monde. (Très bien ! Très bien !) Je demande à M. le ministre de l'Agriculture d'étudier la question et d'examiner s'il ne serait pas possible de faire sortir quelque peu le service forestier du Code forestier dans lequel il me semble emprisonné. (Très bien ! Très bien !) M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Agriculture. M. le ministre de l'Agriculture. Je partage entièrement l'avis de M. de Villebois-Mareuil et je tiens à dire que la direction générale se propose d'orienter de plus en plus les agents des Eaux et Forêts dans la voie des études économiques.

De jour en jour, les questions ressortissant au ministère de l'Agriculture prendront une extension plus grande; aussi, la Chambre devra-t-elle, à un moment donné, nous accorder les crédits nécessaires pour effectuer à la fois les études et les applications qui nous sont demandées et qui doivent procurer une richesse nouvelle au pays. (Très bien! Très bien !)

Vous comprenez, Messieurs, que jusqu'à présent, nous n'ayons pas pu terminer toutes les études sur lesquelles notre attention est appelée, mais ce que je puis affirmer, c'est que nous les entreprenons et que nous les mènerons bientôt à bonne fin. (Applaudissements.)

M. Plissonnier. Les forêts rapportent 35 millions.

M. le président. La parole est à M. Compère-Morel.

M. Compère-Morel. Il résulte des explications qui viennent de nous être fournies par M. Emile Dumas et par M. des Lyons que la vente de la forêt d'Eu va avoir lieu à une date très rapprochée. Si donc nous ne prenons pas de dispositions immédiates, nous arriverons, comme les carabiniers d'Offen bach, après la bataille. Il est nécessaire que nous demandions à la commission du budget quand elle compte rapporter la proposition de résolution que nous sommes disposés à voter ici à l'unanimité et qui donne à M. le ministre de l'Agriculture le moyen de racheter une des plus belles forêts de notre pays. M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. le rapporteur général. Messieurs, je n'ai pas besoin de vous dire quel est mon sentiment à cet égard ; je suis, d'une manière générale, très favorable à tout ce qui est relatif à la conservation du patrimoine national.

Vous me demandez à quel moment je pourrai rapporter la proposition de résolution que vous avez rédigée il y a moins d'une minute. Quels que soient les travaux multiples qui incombent en ce moment à la commission, j'y mettrai toute diligence. Je ne puis vous dire rien de plus. Il ne vous échappe pas que sur une question de cette importance il faut que la délibération du Gouvernement intervienne, que M. le ministre des Finances soit consulté et qu'avec son collègue de l'Agriculture il soit appelé à s'entendre avec la commission du budget.

Nous ferons tout le nécessaire pour activer cette petite procédure et rapporter le plus tôt possible la proposition de résolution. C'est tout ce que je peux dire. (Très bien ! Très bien !)

M. Hubert Rouger. Nous demandons que l'on réserve le chapitre.
M. le rapporteur général. Pourquoi le réserver ?

M. le rapporteur. Vous protestiez tout à l'heure contre cette méthode. M. Compère-Morel. Je prends acte de la réponse de l'honorable rapporteur général du budget, mais je tiens à faire constater que si le rapport arrive trop tard, ce n'est pas à la Chambre, mais bien à la commission du budget qu'en incombera la responsabilité.

M. le rapport général. Je ne peux laisser dire cela. Le Gouvernement et la commission du budget viennent d'être saisis. La commission du budget n'apporte jamais de retard, vous le savez bien, dans l'examen des questions qui lui sont soumises. Vous cherchez avec raison à conserver une forêt que vous voulez faire entrer dans le patrimoine national.

M. Mauger. Et qui en était sortie.

M. le rapporteur général. Nous apporterons toute diligence à l'étude d'une question de cette nature, notre bonne volonté ne fera pas défaut, mais il le Gouvernement, lui aussi, prenne sa responsabilité. (Très bien ! Très

faut que bien !)

Il ne s'agit pas de faire appel en toute circonstance à la responsabilité de la commission du budget et d'oublier celle du Gouvernement.

Je suis, pour ma part, trop respectueux des prérogatives gouvernementales

pour accepter, si honorable que ce soit, une responsabilité qui ne m'appartient pas. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Emile-Dumas.

M. Emile-Dumas (Cher). Il est impossible de laisser dire ici que la question du rachat de la forêt d'Eu est une surprise pour le Gouvernement et la commission du budget.

A sa dernière session, le conseil général de la Seine-Inférieure s'est ému de cette situation. Il a pris une délibération qui a été transmise au Gouvernement. Je me demande de quoi s'occupe la direction des Eaux et Forêts en présence d'une situation aussi sérieuse, aussi grave, à l'heure où une partie du patrimoine national est en train de disparaître, à l'heure où une des plus belles forêts de notre pays va être massacrée. Qu'a-t-on fait depuis le mois d'août ? Nous sommes aujourd'hui au 19 novembre. On nous répond: Nous sommes surpris; il est difficile de faire un rapport.

M. le rapporteur général. Je n'ai pas dit cela.

M. Emile-Dumas (Cher)... alors que le Gouvernement est saisi de cette question depuis le mois d'août. Toutes les fois qu'une forêt de la France, que ce soit une forêt domaniale ou une forêt privée, est menacée de destruction, je pense que la direction des Eaux et Forêts doit en être informée; elle doit être saisie de la question.

En ce qui concerne la forêt d'Eu, elle en a été saisie par une lettre de M. le préfet de la Seine-Inférieure, le 3 octobre...

M. le baron des Lyons de Feuchin. C'est très exact.

M. Emile-Dumas (Cher)... à la suite d'une délibération prise, au mois d'août, par le conseil général de la Seine-Inférieure.

Si le service des Eaux et Forêts ne s'émeut pas, ne s'inquiète pas d'une menace comme celle-là, je me demande si, au lieu de lui donner le titre du conservateur des forêts, il ne serait pas plus juste de l'appeler destructeur des forêts. (Très bien! très bien ! à l'extrême gauche.)

M. le rapporteur général. En ce qui la concerne, la commission du budget n'est saisie que depuis un instant. Si le Gouvernement veut bien lui faire des propositions, elle les examinera immédiatement.

M. le rapporteur. Chacun sait ici que c'est l'habitude de M. le rapporteur général.

M. Jacques-Louis Dumesnil. Je demande la parole.
M. le président. Vous avez la parole.

M. Jacques-Louis-Dumesnil. Une simple observation. Ce qui est inté ressant à retenir dans les indications de notre honorable collègue M. EmileDumas, c'est la façon d'acheter la forêt d'Eu. Il a indiqué que cette forêt pouvait être achetée avec les crédits déposés à la caisse des dépôts et consignations et provenant des dépôts versés pour les retraites ouvrières et paysannes. C'est là un moyen à examiner par la commission du budget, car il donnerait satisfaction à la réclamation qui a été présentée sans qu'il en coûte un centime au budget. Et ce serait même un excellent placement des fonds des retraites. Cela permettrait aussi au rapporteur général du budget de faire avec toute l'ur gence nécessaire le rapport qui est demandé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je tiens à présenter une observation qui, je l'espère, nous mettra tous d'accord.

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