Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]
[ocr errors]
[ocr errors]

Critique

Louis XVIII quitte les Tuileries; son Arrivée de Napoléon à Paris. Moniteur de Gand. MM. Pasquier,

[ocr errors]

séjour à Lille; épisodes.
Louis XVIII à Gand.
Desèze, Lainé, Chateaubriand. Waterloo; responsabilité de
Grouchy.

III. Deuxième Restauration. — Le drapeau national et le portrait de Napoléon sont brûlés sur la place publique d'Orléans,

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Zèle des Rapport con

fidentiel du comte Pozzo di Borgo, ministre de la cour de Russie sur la situation politique de la France.

[ocr errors]
[ocr errors]

IV. Mort du prince de Condé et du duc de Berry. Caractère du prince de Condé; ses funérailles. Assassinat du duc de Berry. On cherche à compromettre le duc Decazes, ministre de l'Intérieur. La police était impuissante pour protéger le duc de Berry. Naissance du duc de Bordeaux. - Récit attribué au maréchal Suchet. Doutes sur la grossesse de la duchesse de Berry. Récit attribué à M. du Cayla. - Prétendue protestation du duc d'Orléans contre la légitimité du duc de Bordeaux.

[ocr errors]

[ocr errors]
[ocr errors]

V. Mort de Louis XVIII. Portrait de Louis XVIII. Défauts, qualités et habitudes. Le duc Decazes. La comtesse du Cayla. Derniers moments.

I

LA CHARTE.

Après une Révolution qui a transformé la société et les conditions du gouvernement, Louis XVIII est contraint de renoncer aux traditions d'ancien régime, d'accepter une Constitution, et

il consacre par une Charte les nouvelles conquêtes politiques auxquelles il est forcé de se soumettre.

Avant de se permettre quelques observations sur les dispositions fondamentales de ce pacte social, il convient d'établir les principes et les maximes qui doivent constituer une bonne, une sage et forte Constitution.

Chaque État renferme nécessairement trois pouvoirs celui de faire des lois qu'on appelle la puissance législative; celui de faire exécuter les lois qui se rapportent au droit des gens ou au droit politique des nations, qu'on appelle la puissance exécutive; celui de faire exécuter les lois qui se rapportent au droit civil c'est-à-dire à la jouissance individuelle de la liberté et de la propriété, qu'on appelle la puissance judiciaire.

Le chef, le corps ou l'assemblée qui réunit ces trois pouvoirs. est maître de la vie et de la fortune des citoyens; il est despote et règne sur des esclaves.

La division de ces pouvoirs, sagement établie et fortement protégée, assure la liberté et la propriété de chaque citoyen et garantit l'indépendance politique de l'État.

C'est donc dans la division et la protection de ces pouvoirs que consiste le grand art de la législation, cet art si neuf encore dans tous les gouvernements de l'Europe, excepté en Angleterre, où les rois ont fini par succomber sous les efforts de la nation qu'animait l'esprit de liberté. Dans ce pays, la raison et la liberté ont posé les fondements d'une constitution qui a suffisamment résisté à toutes les causes extérieures et intérieures qui pouvaient l'altérer d'une manière notable, pour faire espérer aux peuples qui ont le bonheur de la posséder, la continuation de ce premier de tous les biens.

La liberté du citoyen se compose de sa liberté politique et de sa liberté civile.

La liberté politique consiste à n'avoir rien à craindre des dépositaires de l'autorité, lorsqu'on ne fait rien de contraire aux lois de l'État. La liberté civile consiste à n'avoir rien à redouter des entreprises d'autrui, pour la sûreté et la propriété personnelles de l'individu.

Il résulte de cet exposé qu'un homme peut être politiquement dans l'esclavage et être libre civilement, quoique, à vrai dire, il soit difficile que la tyrannie politique ne s'étende pas dans son exercice et ne restreigne pas au moins indirectement les droits civils. La plupart des monarchies offrent l'exemple de cette espèce de liberté et de cette sorte d'esclavage, qui se rencontrent surtout sous un gouvernement militaire ou conquérant et dans les nations dont les chefs ont arbitrairement augmenté leurs pouvoirs.

La pire de toutes les servitudes, est celle d'un État dont les lois ne peuvent être invoquées sans danger contre l'oppression, et tels sont plusieurs peuples de l'Asie et même de l'Europe, où la volonté du prince fait les lois, les interprète et les exécute.

Ces principes sont d'une incontestable justesse; la Révolution ne l'a que trop prouvé. En effet, la Convention s'empara du pouvoir de faire les lois et de celui de les exécuter; elle y joignit le pouvoir de juger. Elle imposa ainsi la servitude la plus entière et la plus absolue, comme la plus sanglante, sans qu'il y ait lieu d'examiner ici si le salut de la France fit à la Convention une inévitable nécessité de cette usurpation de tous les pouvoirs.

Après cette sanguinaire tyrannie, après le despotisme vil et honteux du Directoire, un homme arrive et s'empare de l'autorité, il dicte comme lois de l'État ses propres volontés par l'organe d'un corps dont il nomme les membres et qu'il peut diriger selon ses caprices. Cet homme exerce la plénitude de la puissance exécutive, en retenant entre ses mains toute la force publique de l'État; il s'investit de la puissance judiciaire en disposant d'après son bon plaisir de la liberté et de la fortune de chaque citoyen. Cette époque fût celle de l'esclavage le plus complet, comme le plus militaire et le plus brillant dont il soit fait mention dans l'histoire. Napoléon se perd par son ambition, il s'ensevelit dans sa propre gloire, et l'ancienne famille des rois reparaît en France, à la suite d'un million de soldats armés contre elle. L'autorité royale est rétablie, elle donne aux Français une Charte constitutionnelle, nouveau pacte d'alliance entre le roi et le peuple.

D'après cette loi fondamentale, la puissance législative appartient collectivement au roi, à la Chambre des pairs et à la Chambre des députés; ces trois éléments politiques réunis font les lois; le roi n'a pas le droit de les édicter; il a seulement celui de préparer les règlements et ordonnances nécessaires pour leur exécution et la sûreté de l'État ». Il résulte textuellement de cette disposition que la sûreté de l'État est liée à cette exécution, qu'elle en dépend tout entière, ou, autrement dit, que le roi ne peut constitutionnellement faire aucun règlement, aucune ordonnance qui soient contraires à la loi. D'après l'énonciation si positivement fixée par le monarque lui-même, par le législateur qui impose la charte à la France, l'exécution des lois est inséparablement attachée à la sûreté de l'État, et celle-ci ne peut être invoquée pour violer celle-là.

Il résulte donc, incontestablement, de cet état de choses que le roi n'ayant pas le droit de faire des lois, les règlements et ordonnances promulgués par lui ne sont pas et ne sauraient être des lois, et en effet, si les règlements et ordonnances avaient ce caractère, le roi serait maître absolu et la Charte ne serait plus qu'un mot, car le roi s'est réservé la plénitude de la puissance exécutive, sans être tenu de rendre compte aux Chambres, c'est-à-dire à la Nation, de l'usage, de l'exercice de cette puissance. De plus, il a retenu une grande partie de la puissance judiciaire, en faisant administrer la justice en son nom, par des juges qu'il nomme et qu'il institue, et quoique les juges soient inamovibles, la couronne n'en exerce pas moins une grande, une constante influence sur les tribunaux. La couronne s'est adjugé de très grandes prérogatives, elle s'est attribué presque toute l'autorité publique; ainsi la Charte est une Constitution royale, beaucoup plus qu'une Constitution nationale. Louis XVIII, a fait dans sa Charte, au despotisme royal une part bien plus large qu'à la liberté.

La Charte, par l'ambiguïté et le vague de plusieurs de ses articles et encore et surtout par le silence qu'elle garde sur plusieurs points de haut intérêt, pouvait devenir entre les mains d'un roi, ou de ministres pervers une arme fatale aux libertés publiques.

Il faut regretter, en effet, de ne trouver dans cette déclaration de principes et de droits, aucune stipulation, ni même aucune indication relatives aux cas d'imbécillité, de démence, de minorité, de régence, de mariages de membres de la famille royale, d'aggrégations ou de concessions de territoires, de naturalisation, etc. Elle renferme plusieurs irrégularités, et même de graves imperfections.

Et d'abord en promulgant sa Charte constitutionnelle comme pacte d'alliance entre la Nation et le trône, Louis XVIII a parlé et agi en monarque de droit divin; il s'est gardé de dire : « La << souveraineté appartient à la Nation. » Le Bourbon de Coblentz n'a même pas supposé que la Nation eût le droit d'intervenir comme partie, dans cet acte fondamental. Au contraire, d'après le discours solennel prononcé le 4 juin, il octroie, c'est-à-dire accorde la Charte, à certaines conditions dictées par lui seul en vertu de son autorité royale. D'après les déclarations officielles du chancelier d'Ambray, en présentant, par ordre du roi, aux deux Chambres cette ordonnance de réformation, les droits imprescriptibles des citoyens sont méconnus, formellement déniés. Cependant les rois de France ne règnent qu'en vertu du choix, du consentement du peuple. La souveraineté de la Nation est un axiome primordial, accepté, proclamé par les rois euxmêmes, depuis Charlemagne et Hugues Capet jusqu'à Louis XVI : leur sacre en offrait la preuve, indépendamment de la déclaration explicite de Philippe-Auguste, de saint Louis et de presque tous leurs successeurs. Le plus orgueilleux le plus absolu des rois, Louis XIV, l'a reconnu, dans l'écrit intitulé: « Des Droits de la Reine. » Ce n'est pas, en effet, le prétendu droit divin, ce n'est pas l'onction ecclésiastique qui fait les rois, c'est la volonté nationale.

Louis XVIII a donc commis une grande faute et de cette faute adviendra la ruine de sa famille. En évitant de recourir au consentement, à la reconnaissance de la Nation, il s'est dérobé à lui-même, et il a enlevé aux siens une consécration qui eût offert une garantie pour le trône comme pour le pays; il a privé son avènement à la couronne de toute popularité, et a décliné

« PreviousContinue »