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C'est ainsi que la venue de médecins russes et de quelques soldats a été représentée au Chah comme une invasion déguisée du territoire persan, et il a fallu toute l'influence et l'insistance de la Légation de Russie pour éviter un échec et empêcher le Roi de revenir sur sa décision première.

Le ministre de Russie a même dû menacer le gouvernement persan de fermer immédiatement, en cas de refus, les frontières russes de la Transcaspienne et du Caucase.

Quoi qu'il en soit, la sotnia de cosaques russes est entrée, malgré de vives oppositions auprès du Chah, sur le territoire persan, et a gagné Tourbat-Cheik-Djami, village situé sur la route d'Hérat à Méched, et devant être le centre de ses opérations. D'autre part, la sotnia de cosaques persans, sous les ordres d'un capitaine russe, est partie de Téhéran pour se rendre également à la frontière afghane.

Le Dr Lounkevistch, médecin militaire et directeur du laboratoire bactériologique de Tiflis, est arrivé à Téhéran pour centraliser le service et les renseignements des médecins russes sur le territoire persan.

Enfin, les propositions du conseil de santé, en ce qui concerne l'hygiène et la propreté de Téhéran et des diverses villes du royaume, ont été approuvées par le Chah, et des ordres ont été donnés pour leur exécution.

Ainsi donc, en résumé, le Béloutchistan et l'Afghanistan n'étant pas protégés, la Russie et la Perse ont fermé leurs frontières.

La Russie, trouvant que la Perse se défendait mal, s'est substituée à elle. D'un autre côté, trouvant que la Turquie, du côté de la Mésopotamie, était insuffisamment protégée, elle a préparé une sorte de plan de mobilisation pour fermer au besoin la frontière turco-russe.

Sachant en outre qu'un certain nombre de cadavres de Shiites persans, environ 60 000 pèlerins et cadavres, et de cadavres de musulmans indiens sont transportés chaque année à Nedjeff et à Kerbellah, elle a insisté à la Conférence de Venise, par l'organe de son représentant, M. Yonine, afin que la frontière turco-persane fût suffisamment protégée, et a fait décider par la Conférence que des stations sanitaires avec tout l'outillage nécessaire seraient installées à Hanikin et à Kizil-Dizé, près de Bayazid.

DOUZIÈME LEÇON

PROPHYLAXIE DANS L'INDE.

Bombay, qui est toujours fort suspect, l'est aujourd'hui plus que jamais.

Il est l'aboutissant à l'ouest du vaste réseau de chemins de fer qui y déversent les voyageurs de toute sorte, pèlerins, commerçants, militaires, provenant de toutes les parties de la péninsule, du centre et des extrémités de l'Himalaya, de l'Asie centrale, de l'Afghanistan et de quelques points beaucoup plus rapprochés, comme Madras, Calcutta, Lahore, Peschawer.

C'est à Bombay que les attendent et d'où vont partir les grands steamers à marche rapide qui peuvent amener la peste en neuf, dix ou onze jours, dans la mer Rouge, à Suez et dans la Méditerranée.

Autrefois, l'itinéraire suivi était, nous l'avons vu, les plateaux de l'Iran, le sud de la mer Caspienne, son littoral occidental, la Russie et l'Europe.

Mais comme avant la construction du chemin de fer transcaspien l'homme abandonnait cette voie trop lente pour la voie de mer, le choléra, continuant à suivre les courants humains, franchit avec eux les mers qui nous séparent des Indes.

La surveillance des provenances de Bombay et de Kurachie est donc en ce moment ce qui importe le plus pour l'Europe.

D'un autre côté, les épidémies cholériques qui se sont manifestées en 1889, 1890, 1891 et en 1893, du côté du golfe Persique, montrent qu'il faut aussi se préoccuper de défendre l'Europe dans cette direction.

Ainsi, désormais bien plus que par le passé, l'attention doit être appelée sur ces deux grands prolongements de l'océan Indien, le golfe Persique et la mer Rouge, danger permanent de l'Europe qu'ils menacent par la Méditerranée dès que la peste y aura pénétré.

En ce moment, la Turquie est seule chargée de la défense de ces deux passes périlleuses. Il lui est bien difficile de les garder efficacement. Elle ne possède ni le personnel, ni le matériel indispensables; les moyens de police maritime lui font défaut; mais elle pourrait, avec l'aide des puissances intéressées, améliorer ses mesures et ses dispositifs de prophylaxie.

On avait déjà obtenu un premier résultat pour la protection de la mer Rouge à la Conférence de Venise. en 1892.

Une autre conférence qui s'est réunie à Paris en 1894 a complété les résolutions prises à Venise; et elle a en outre indiqué les mesures à établir au golfe Persique. La Conférence de Venise de 1897 vient de confirmer les résolutions des conférences de Venise de 1892 et de Paris de 1894.

Un très grand nombre de pèlerins s'embarquent chaque année à Bombay pour se rendre dans le Hedjaz. Si on faisait une rigoureuse visite médicale des pèlerins à leur départ, visite qui permît d'interdire l'embarquement des contaminés ou des suspects, si on leur imposait pour plus de sécurité, avant leur embarquement, une observation correspondant à la durée de l'incubation de la peste, dans les conditions de l'observation moderne; si on désinfectait d'une manière complète les hardes et les objets de toute

nature qui doivent les suivre à bord, on aurait certainement fait beaucoup pour prévenir l'exportation maritime de la peste.

Si encore on pouvait empêcher un grand nombre d'indigents de partir, on aurait supprimé une des causes les plus favorables au développement de toutes les maladies et en particulier de la peste, et réalisé un grand progrès sanitaire et humanitaire.

La visite médicale devrait être obligatoire dans tous les cas; elle ne devrait pas se faire, ainsi que cela se pratique trop souvent, comme une simple revue des gens qui montent à bord. Mais elle devrait intervenir dans les meilleures conditions pour que le médecin pût se former une idée la plus exacte possible de l'état de santé de ceux qui, pèlerins, passagers ou gens d'équipage, vont accomplir le voyage. C'est ce qu'avait demandé la Conférence de Paris de 1894.

On a depuis longtemps insisté sur la nécessité de donner aux pèlerins, sur les bateaux qui les transportent, un espace suffisant dans l'entrepont.

Actuellement, l'espace concédé est tellement restreint que le pèlerin ne peut pas se coucher, et il est d'autant plus insuffisant, que le pèlerin ne veut jamais se séparer de ses bagages dont le volume vient encore diminuer l'espace qui lui est si parcimonieusement

accordé.

A la Conférence de Paris de 1894, le professeur Pagliani, délégué du gouvernement italien, a insisté avec énergie sur la nécessité d'accorder à chaque pèlerin un espace minimum de 2 mètres carrés. « On doit, dit-il, réserver pour un vivant ce qui est donné à un mort. »

La Conférence de Venise de 1897 a réglé ces différentes questions de la façon suivante :

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