Page images
PDF
EPUB

Ces précautions sont certainement bonnes, mais elles sont insuffisantes. Lorsque nous avons eu le choléra au Havre en 1892, nous avions prescrit pour tous les passagers quittant cette ville la visite médicale et la désinfection des bagages; nous étions ainsi parvenus à arrêter l'exportation du choléra du Havre et les navires partis de cette ville n'ont importé le choléra dans aucun port.

Il y avait là un exemple à suivre pour empêcher l'exportation de la peste des Indes.

TREIZIÈME LEÇON

OBSTACLES A OPPOSER A LA MARCHE DE LA PESTE PAR LA VOIE

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Les mesures prises dans l'Inde peuvent offrir une certaine garantie, mais même si elles étaient plus complètes qu'elles ne le sont, elles ne donneraient pas encore une sécurité absolue.

Un accident peut toujours survenir; on est à la merci d'une fausse déclaration; aussi faut-il encore, pour le cas où la peste serait à bord des navires, échelonner des obstacles sur son passage depuis l'Inde jusqu'au fond de la mer Rouge. Ce n'est pas en Égypte et en Europe, c'est sur ces routes lointaines qu'on doit attendre l'arrivée de la peste ou du choléra pour les y combattre.

Le canal de Suez est un défilé à la sortie duquel se fait un rayonnement immense de relations maritimes considérables avec tout le bassin de la Méditerranée.

Avant donc d'arriver à la Mecque, le pèlerin doit être soumis à une sanitation complète dans une station appropriée.

Actuellement, cette station est Camaran dans la mer

[merged small][graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][ocr errors]

l'outillage sanitaire de Camaran. La sanitation qu'on y pratique ne paraitra pas superflue à ceux qui savent ce

qui se passe à bord des navires transportant les pèlerins. Ainsi que l'indique le D' Ferrari, directeur du service de santé à Suez, par conséquent bien placé pour formuler un jugement autorisé, « le transport des pèlerins est presque toujours fait par des navires déclassés »; les pèlerins, dont le nombre est excessif, y sont entassés pêlemêle, il n'y a aucun espace libre sur le pont ou dans les cales; le nombre des pèlerins constatés à bord est toujours supérieur au chiffre indiqué sur la patente délivrée par les autorités sanitaires du Hedjaz.

Plusieurs fois ces navires sont dépourvus de tentes servant à abriter les pèlerins placés sur le pont, de sorte que ces derniers sont exposés des journées entières aux rayons du soleil; l'eau est de mauvaise qualité et insuffisante. Les informations fournies par les commandants des navires et par les médecins sont souvent très inexactes. « Il m'est arrivé très souvent, dit-il, de recevoir du capitaine et du médecin du bord des certificats déclarant que l'état sanitaire des pèlerins était parfait, tandis que, en faisant une visite médicale, je constatais la présence de malades agonisant au milieu de leurs ordures, sans pouvoir obtenir aucun secours de la part du médecin et du personnel du bord. »

J'ai décrit ailleurs le pèlerinage de la Mecque. Il doit être considéré au point de vue de l'hygiène privée ou individuelle et à celui de l'hygiène publique ou internationale.

Plus on fera pour la première, moins on aura à réglementer la seconde. Malheureusement, l'hygiène individuelle des pèlerins est déplorable; ils arrivent à Djeddah épuisés déjà par un long voyage accompli dans des conditions détestables d'encombrement à bord des navires, et quels navires!

Brûlés le jour, ces malheureux sont exposés pendant les nuits très froides du désert à de brusques changements de température. Un grand nombre dort à la belle étoile sur la terre nue, s'imprégnant de miasmes très souvent pernicieux. La nourriture est mauvaise et hors de prix. L'eau vendue fort cher est souvent saumâtre et exposée à toutes les souillures.

Mais les questions de salubrité et d'hygiène qui touchent à cet exode annuel du monde musulman vers les villes saintes sont très difficiles à régler.

La bonne volonté des autorités ottomanes elles-mêmes sera souvent exposée à échouer devant l'ignorance et le fanatisme de la foule, et aussi il faut bien le dire, devant des sentiments respectables, un attachement inviolable à des traditions vénérées, à des usages séculaires.

En 1893, on savait un mois avant les fêtes que le choléra sévissait à la Mecque. Deux à trois mille pèlerins qui attendaient à Suez n'en sont pas moins partis.

En s'y opposant on eût commis un sacrilège. Il est politiquement et matériellement impossible d'empêcher le pèlerinage. Mais les puissances doivent veiller à ce que les pèlerins soient placés à l'aller et au retour dans les meilleures conditions possibles.

En les rendant plus forts on les rendra plus aptes à résister à des maladies qu'ils ne nous rapporteront pas. Plus on fera pour le pèlerin et moins on aura à faire contre lui.

Le gouvernement de l'Inde a pris une résolution importante. Il a prononcé la suspension, pour cette année, du pèlerinage annuel du Hedjaz.

Cette décision a été bien accueillie par le commerce anglo-indien qui, à la suite de l'ouverture des ports de

PROUST. Peste.

16

« PreviousContinue »