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des restrictions exagérées et inutiles. La richesse d'un port se trouverait rapidement compromise si sans motifs suffisants, se laissant guider par la peur, l'affolement des populations, ce port prenait des mesures, je répète, à dessein, inutiles, mais que ne prendraient pas les ports des nations voisines et rivales. La navigation abandonnerait rapidement ses quais. »

On verra dans la leçon suivante, par l'énumération des mesures prises, au moment de l'apparition de la peste de Bombay, par les différents ports de la Méditerranée et de l'Europe, combien peu de gouvernements ont suivi ces conseils.

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BASSIN DE LA MÉDITERRANÉE ET EN EUROPE AU MOMENT DE L'APPARITION DE L'ÉPIDÉMIE DE BOMBAY.

Je commencerai cette leçon par la relation des deux cas de décès par la peste observés à Londres aux mois de septembre et octobre 1896 sur deux matelots amenés par un bateau venant de Bombay.

Voici le compte rendu qui en a été présenté à la Conférence sanitaire de Venise par M. le Dr Thorne-Thorne, chef de la division médicale du Local Government Board. L'apparition de la peste dans la Tamise concernait deux navires. Le navire sur lequel s'est manifesté le dernier cas prit son équipage à Bombay le 20 août 1896, et entra au bassin, dans la Tamise, le 11 septembre.

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Pendant tout le voyage aucune maladie, aucun soupçon de maladie semblable à la peste ne se montra ni parmi les 300 ou 400 passagers, ni parmi l'équipage. Le médecin visita tous les jours les hommes de l'équipage qui restèrent à bord. Le 26 ou le 27 septembre, un Portugais, aide de cambusier, tomba malade; et le cas devint grave; il entra à l'hôpital le 29 et mourut le 3 octobre. Cliniquement et bactériologiquement, c'était un cas de peste.

Vers la même date du 26 septembre, un autre aide

de cambusier se plaignit d'un mal de gorge; il devint rapidement malade et mourut le 27 septembre, avant d'entrer à l'hôpital. Il y eut, donc, un intervalle de près de quinze jours entre l'arrivée de ces deux hommes dans le bassin et la première manifestation d'une maladie sérieuse; en admettant même qu'il y avait eu des symptômes antérieurs qui n'ont pas été observés, cet intervalle a excédé la durée maxima attribuée à l'incubation de la peste.

<«< Mais un autre navire était arrivé le 7 septembre dans un autre bassin de la Tamise. Ce navire était parti de Calcutta et avait fait escale à Colombo, à Aden et à plusieurs autres ports; il avait pris son équipage quelques mois auparavant à Bombay. Vers le 16 septembre un indigène, qui faisait partie de l'équipage, se sentit malade, son état empira deux ou trois jours après et il mourut, le 19, à l'hôpital.

«Le cas est obscur, mais certains symptômes le rendent suspect. Le navire duquel cet homme débarqua portait près de 120 personnes, et pendant tout le voyage aucune maladie semblable à la peste ne se manifesta à bord.

« On ne saurait douter que la contamination des deux premiers hommes a eu lieu, après leur arrivée, dans des lits adjacents, dans une cabine où dormait également un autre homme qui resta bien portant. Les conclusions d'une enquête rigoureuse tendent à prouver que l'infection résidait dans des effets à usage qui ne furent déballés que lorsque les hommes en eurent besoin à cause du climat froid de la Tamise. C'est à ce fait qu'il faut attribuer le commencement presque simultané de ces cas de peste. Il est bon de rappeler qu'il n'y a eu à bord de ces deux navires aucune maladie suspecte et que plusieurs centaines de personnes qui en débarquèrent se sont répandues dans les environs de Londres et dans le reste du pays, sans

qu'une enquête, très sérieuse, révélat aucun autre cas de pesto en Angleterre. L'infection semble donc avoir été limitée aux seuls effets que contenaient ces deux cabines. >>

On peut conclure de cette relation, que la propagation de la peste peut se faire par les vêtements portés par des malades, par les objets souillés par eux et qu'il y a lieu de ne s'en servir, de ne les laisser circuler qu'après désinfection.

On se rappelle également qu'un autre navire anglais le Dilwara, parti de Bombay, avait eu un cas de peste suivi de décès avant de toucher Suez. Le navire avait passé, malgré le règlement, le canal en quarantaine. Voici quelques renseignements sur les mesures prises à son arrivée en Angleterre.

Le navire était attendu par une commission spéciale de délégués des autorités militaires, composée du médecin major général du district Cuffe, du colonel Ley, de Portsmouth, du colonel Stackpole, du médecin major Parker et du Dr Bulstrode. Cette commission s'est rendue à bord et elle a procédé, de concert avec le service sanitaire du port de Southampton, dirigé par le Dr Harris, à une enquête sur les circonstances dans lesquelles s'est produit le cas de peste signalé.

L'enquête a établi qu'il s'agissait de l'enfant d'un des soldats rapatriés par le Dilwara. Cet enfant était déjà malade le jour où le navire a quitté Bombay, mais sans gravité, en apparence. Son cas étant devenu bientôt suspect, on l'isola ; et dès que les symptômes de la peste furent évidents, on l'installa en plein air, sous une tente, et l'on désinfecta immédiatement la partie du navire où il avait séjourné.

De l'avis des médecins du navire, la maladie n'a certainement pas été contractée à bord. Elle s'est seule

PROUST. Peste.

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ment déclarée après le départ de Bombay. L'enfant venait de Colaba, faubourg de Bombay où plusieurs cas de peste étaient signalés: c'est là sans doute qu'il a pris le germe de la maladie. Il est mort le 18 mars 1897 et a été jeté à la mer à 300 milles de Périm.

En présence de ces faits, le Dr Harris a refusé la libre pratique et ordonné la désinfection du navire et des passagers, particulièrement des 40 à 50 personnes logées près de l'endroit où l'enfant avait séjourné.

La désinfection a été opérée de la façon suivante : Les passagers ont été conduits sur le bateau hôpital, déshabillés, fumigés, puis envoyés au lit pendant que leurs vêtements étaient désinfectés. Les 172 hommes d'équipage et les 1134 soldats rapatriés ont été ensuite examinés individuellement et les malades qui se trouvaient à l'infirmerie ont été dirigés sur l'hôpital militaire de Netley, situé en face de la station sanitaire.

Le Dilwara a obtenu ensuite libre pratique et est entré dans les Docks, mais après avoir été lui-même désinfecté avec tout ce qui se trouvait à bord.

Ces faits sont intéressants surtout si on les compare aux relations déjà anciennes d'importation de peste en Europe et aux récits des mesures restrictives d'une autre époque que des populations affolées ont voulu ressusciter à la fin du XIXe siècle.

Aussi nous allons maintenant exposer la façon dont on a voulu défendre l'Europe par diverses mesures prescrites sur le bassin de la Méditerranée et en Europe. Turquie. En Turquie, le conseil supérieur de santé a imposé une quarantaine de quinze jours à toutes les provenances des Indes et du Béloutchistan jusqu'à la frontière de Perse. Cette quarantaine serait portée à

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