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Mort Noire du XIVe siècle. Les conditions générales d'hygiène sont heureusement bien changées. On ne saurait pourtant considérer comme éteinte une maladie qui depuis quarante ans fait encore périr six mille personnes chaque année.

L'épidémie pestilentielle de l'Inde touche de près la Perse et aussi la Russie qui, par ses possessions en Extrême Orient, est la voisine de l'Inde anglaise. Par la mer Rouge, la peste peut être importée directement en Égypte, son antique berceau; elle peut aussi, par le canal de Suez, gagner le bassin de la Méditerranée. Les gouvernements européens doivent done s'unir pour s'opposer à ce danger redoutable.

Mais avant de préciser les causes du péril et les moyens d'y remédier, remontons aux épidémies de peste qui ont sévi de 1894 à 1896 en Chine. C'est en effet là qu'il faut chercher le point de départ de l'épidémie de Bombay.

II

Pestes de Chine et de l'Hindoustan de 1894 à 1896.

Dans le cours de l'année 1894 l'Europe apprit tout à coup que la peste ravageait les villes de Canton et de Hong-Kong.

On connaissait déjà depuis un certain temps l'existence de la peste à Pakhoï, port ouvert de la Chine, situé au nord du golfe du Tonkin

L'épidémie était signalée au commencement de 1894. En mars elle sévissait dans la grande ville de Canton, et, vers les premiers jours d'avril, elle avait envahi la ville de Hong-Kong. Presque tous les approvisionnements de Hong-Kong viennent de Canton.

Après avoir atteint sa période culminante en juin et en juillet, l'épidémie diminua et prit fin, pour 1894, vers le mois d'octobre ou de novembre.

En l'absence de toute statistique et d'établissement d'acte de l'état civil, on ignorait le chiffre des décès, mais il dut être considérable, à en juger par les enterrements qu'on rencontrait dans les rues, le nombre de maisons ornées de lanternes blanches à caractères bleus, signe de la présence des malades, et l'emploi de nattes pour ensevelir les corps, les fabricants de cercueils ne pouvant suffire aux demandes.

D'après les missionnaires, on peut évaluer à 100 000 le chiffre des décès survenus à Canton pendant deux mois de 1894, l'estimation approximative de la population de cette ville, cité, faubourgs et rivière, étant de 1 600 000 âmes.

A Hong-Kong la mortalité n'a été que de 2500 à 3 000 sur 200 000 habitants, soit une mortalité d'environ un dixième de la population à Canton et un quatrevingtième seulement de celle de Hong-Kong.

Les soins donnés aux malades chinois ont été nuls.

Les médecins n'essayèrent même plus de traiter ces malheureux, que la terreur plongeait dans une sorte d'hypnotisme.

Il semble d'ailleurs qu'aucun d'eux ne se fit illusion sur le sort qui lui était réservé.

Ce découragement s'explique facilement si l'on songe que quelques Chinois à peine sont sortis vivants de l'hôpital, depuis l'origine de l'épidémie de 1894.

J'ajouterai qu'à Hong-Kong la première chose que les malades apercevaient en arrivant à l'hôpital était une pyramide de cercueils.

D'après un rapport du Dr Rennie, médecin de la com

munauté étrangère de Shamcen, à la demande du Sanitary Board de Hong-Kong, aucun cas ne s'est produit parmi les Chinois, coolies, domestiques, demeurant dans les maisons des concessions française et anglaise, où existe un système de drainage bien compris, où les rues sont balayées avec soin par le service de la voirie et où l'on ne boit que de l'eau bouillie et filtrée.

Cependant un des soldats anglais préposés à la désinfection des quartiers chinois a été transporté à l'hôpital, atteint de la peste. C'était le premier cas européen depuis le commencement de l'épidémie et, chacun s'étant habitué à l'idée que le fléau ne s'attaquait qu'aux seuls indigènes, cette nouvelle a jeté une certaine perturbation parmi les populations européennes. Plus tard neuf soldats et un officier, préposés aux mesures de désinfection, ont également succombé.

Un des lettrés du consulat français et deux ouvriers employés à la construction du nouvel édifice consulaire ont été aussi atteints de la peste.

La population indigène qui habite sur les sampans, bateaux en rivière, a semblé être à l'abri du fléau qui a sévi au contraire dans les quartiers les plus malsains de la ville, notamment dans celui de la cathédrale catholique et dans les faubourgs.

Espérant combattre la maladie, les autorités et la population de Canton, après avoir eu recours en vain à tout l'arsenal de la pharmacopée chinoise, se sont livrées à des pratiques superstitieuses qui n'ont pas mieux réussi.

D'après une proclamation officielle du vice-roi, le premier jour du quatrième mois chinois a été choisi comme nouveau jour de l'an, afin de « couper les mauvais mois qui viennent de s'écouler » et d'ouvrir une nouvelle

année, se composant des mois qui restent à courir, sous de plus heureux auspices.

Les mandarins ont loué les services de plusieurs confréries de bonzes à l'effet d'offrir des sacrifices au génie de la peste et de calmer sa colère. Leur exemple a été suivi par nombre de commerçants et de boutiquiers, et l'on entendit presque partout jour et nuit un tapage assourdissant de gongs, tam-tams, et des explosions de pétards.

les

L'émigration des indigènes, favorisée d'ailleurs par le gouvernement de Canton, a été considérable; elle a dépassé 90 000 habitants. Elle a ainsi augmenté la perturbation dans les affaires de la colonie cent trente pestiférés en traitement à l'hôpital chinois de Hong-Kong sont arrivés à Canton à bord de jonques fournies par autorités de Canton et remorquées par des canonnières chinoises; huit malades sont morts en cours de voyage ou en débarquant; les autres ont été conduits dans un hôpital récemment construit en paillottes par un riche négociant indigène.

Mais un fait intéressant fut constaté. A Canton et à Hong-Kong l'apparition de la maladie fut précédée par la mort des rats. La superstition des Chinois fit regarder ces animaux comme des messagers du diable et on essaya de les chasser. Dans certains quartiers on compta jusqu'à vingt mille cadavres de rats.

Dans une seule rue ou en a ramassé plus de quinze cents. Un mandarin ayant offert 10 sapèques pour chaque rat mort qui lui serait apporté, posséda en quelques jours 3000 cadavres de rats qu'il fit aussitôt placer dans des urnes ou jarres enterrées sans délai.

Le nombre des rats morts recueillis à Canton, du 17 avril au 18 mai, s'est élevé à près de 40 000.

La plus grande quantité réunie en un jour a été de 2500, le 27 mai.

On payait d'abord 10 sapèques par rat.

Le prix a été ensuite réduit à 7 sapèques.

Des souscriptions particulières ont été faites en vue de subvenir à ces payements.

Avant le début de l'épidémie, l'animal sort de son trou sur le plancher ou sur le sol de la maison. Il vacille, tourne sur lui-même, rejette du sang et succombe.

La mort des rats n'a pas été signalée dans les épidémies du moyen âge. Cependant Poussin figure un certain nombre de rats dans son tableau de la Peste des Philistins, qui est au musée du Louvre.

Diemerbrock a parlé de la maladie sévissant sur les oiseaux et Mead s'est demandé si on ne trouverait pas, dans l'infection de ces animaux, un moyen de contrôle pour la désinfection. Si les oiseaux placés sur des marchandises ou des linges ayant subi la désinfection tombaient malades, cela voudrait dire que la désinfection n'a pas été suffisante.

On a dit aussi que la race des rats que nous subissons vient de Chine et que peut-être cette race seule peut être affectée de la peste.

D'après M. Netter, un document historique pourrait faire croire que la relation entre la peste et les rats a été reconnue depuis bien plus longtemps. Ce document est fourni par la Bible, livre premier de Samuel, chapitres vi et vii.

A la suite d'une bataille meurtrière, les Philistins avaient pris l'arche de l'Éternel aux Israélites et l'avaient mise dans le temple de leur dieu Dagon, à Aschdod. Le lendemain, ils trouvèrent Dagon étendu face contre terre contre l'arche. Ils le prirent et le remirent à sa place.

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