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extrait. Nous nous bornerons aux faits principaux, et à quelques réflexions sur le récit de l'agent irlandois. Le 16 septembre 1815 on confia à M. Hayes les représentations des catholiques d'Irlande, ou, pour parler plus exactement, celles du bureau catholique de Dublin. Car les évêques et la grande majorité du clergé et des Irlandois, ne prirent point de part à cette démarche. M. Hayes, ayant fait toute diligence, arriva le 25 octobre à Rome, et vit de suite le cardinal Litta, préfet de la Propagande, qui lui parut favorablement disposé. Il s'aperçut néanmoins bientôt, dit-il, que sa mission rencontreroit une violente résistance dans le cardinal secrétaire d'Etat, qui se plaignit que le député ne l'eût pas choisi pour l'intermédiaire de ses communications avec le saint Siége. La prudence conseilloit, ce semble, à M. Hayes, de ménager un ministre, qui, par sa place, et par la confiance dont l'honore son souverain, pouvoit accélérer ou empêcher le succès des voeux des Irlandois: mais M. Hayes prétend qu'il auroit encouru le blâme de ses commettans, s'il eût reconnu dans le ministre politique du souverain Pontife le droit d'intervenir dans les affaires d'Irlande. C'estlà un scrupule bien raffiné. Il a toujours été d'usage, quoi qu'it en dise, que les secrétaires d'Etat du souverain Pontife soient intervenus dans les affaires de l'Eglise. C'est toujours à eux que les ministres des puissances s'adressent pour les objets même spirituels, et c'est le secrétaire d'Etat qui a signé en dernier lieu les Concordats de France, de Bavière et de Naples. Les catholiques d'Irlande ne sont apparemment ni plus privilégiés ni plus difficiles que ceux des autres pays, et on ne sauroit penser que la conscience de M. Hayes eût été compromise s'il eût montré quelques égards et quelque confiance pour un cardinal, un ministre, pour celui dont l'issue de sa mission dépendoit en quelque

sorte.

Le 9 novembre 1815, l'agent des Irlandois eut sa

première audience du saint Père, qui le reçut avec bonté, et lui témoigna le désir qu'il remît au cardinal Consalvi les représentations dont il étoit chargé. S. S. l'y invita encore dans une deuxième audience du 22 décembre. Au lieu de céder, M. Hayes remit au Pape une protestation contre l'intervention du secrétaire d'Etat dans cette affaire, et lui fit des plaintes des manœuvres de ce même ministre. Il ne nous dit point comment le saint Père accueillit un acte et des discours aussi déplacés. An sortir de l'audience, le député, fidèle à son systême de modération et de sagesse, se rendit chez le secrétaire d'Etat, et lui adressa directement ses reproches. Il força le ministre, si on l'en croit, de convenir de l'injustice de ses procédés; et puis tout à coup, oubliant sa protestation, il montra au cardinal un plan pour la nomination des évêques d'Irlande, plan qui en assurant, dit-il, les droits de chacun des ordres de la hiérarchie, prévenoit toute influence étrangère. Le cardinal, ajoute-t-il, approuva ou feignit d'approuver te projet, mais il refusa d'en favoriser l'exécution. Au surplus, dans tout son rapport, M. Hayes parle du cardinal dans les termes les moins mesurés.

Il demanda et obtint successivement du saint Père, en 1816, trois audiences, le 9 janvier, le 7 mars, et le 8 octobre, parlant à chaque fois contre le veto, et sollicitant une décision dans ce seus. Il demandoit aussi que la nomination des évêques d'Irlande eût lieu par le clergé même, et avoue qu'il vouloit empêcher par-là et le veto du gouvernement anglois et l'influence du cardinal Consalvi; car, disoit-il, si la nomination des évêques se faisoit à Rome, le cardinal ne la feroit que sous le bon plaisir du ministère anglois. Avec une telle manière de procéder, il n'étoit pas étonnant que la négociation de M. Hayes n'avançâl point, et il paroit que ses discours, publics et particuliers, n'y contribuoient pas peu. Il ne parle que des intrigues et des manœuvres de ses adversaires on seroit tente de croire qu'il les

y

servoit fort bien par sa roideur et ses inconséquences. Il avoit formé le projet de partir en octobre 1816, pour aller passer l'hiver en Irlande, et prendre de nouvelles instructions de ses commettans; mais il changea d'avis, et resta à Rome, évitant tout rapport avec le secrétaire d'Etat. Il se contentoit de solliciter l'examen de son affaire par la Propagande, quand la publication d'une letwe qu'il avoit adressée à un membre du bureau catholique de Dublin, acheva de faire connoître le négociateur. It faisoit, dans les termes les plus déplacés, le portrait le plus défavorable du secrétaire d'Etat, qu'il supposoit être d'intelligence avec le ministère anglois pour sacrifier les intérêts des catholiques. Une telle lettre montroit dans M. Hayes un oubli total des convenances, et dans ses amis une indiscrétion fort maladroite. On apprit dans le même temps à Rome les divisions qui s'étoient élevées parmi les catholiques d'irlande, relativement à ce député, et son crédit en baissa encore davantage. Le 22 mai 1817, la congrégation de la Propagande tint une séance pour discuter le plan de nomination des évêques d'Irlande par le clergé, Quand la question fut mise sur le tapis par le cardinal préfet, tous les cardinaux, dit le rapporteur, votèrent en faveur du plan, à l'exception du cardinal Fontana, précédemment secrétaire de la congrégation des affaires ecclésiastiques instituée par le cardinal Consalvi, et élevé par lui au cardinalat. Ce dernier trait suffiroit pour faire juger le rédacteur du rapport. Ce n'est point le cardinal Consalvi qui a donné le chapeau au cardinal Fontana; c'est le saint Père. Le père Fontana avoit assurément assez de titres à cette dignité. Ses travaux, son zèle, sa piété, ses connoissances, les places qu'il a occupées, les disgrâces que lui a méritées son attachement au saint Siége, le dispensoient d'avoir besoin de la faveur. Si M. Ha yes fait peu de cas des cardinaux créés sous le ministère du cardinal Consalvi, il envelopperoit dans ses préventions la plus grande partie du sacré collége; car il ne reste

guère que cinq ou six cardinaux promus avant qu'il 、 fût secrétaire d'Etat. Quoi qu'il en soit, M. Hayes prétend que ce fut le cardinal Fontana qui fit avorter le plan de nomination domestique ou dans le pays même, et la congrégation arrêta de consulter la congrégation pour les affaires de l'Eglise.

Ce fut deux jours après cette séance que M. Hayes reçut l'ordre de quitter Rome dans les vingt-quatre heures, et l'Etat de l'Eglise sous trois jours. Il protesta, et demanda les motifs de ce traitement. Il assure, dans son rapport, qu'on ne lui en donna aucun; mais nous verrons le contraire attesté par une autorité assez grave, Il déclara que pour ne pas compromettre ses droits, il ne céderoit qu'à la force. L'ambassadeur de la première puissance de l'Europe n'auroit pas mieux soutenu sa dignité. Le 25 mai, il tomba malade; on mit une garde à sa porte dans le couvent qu'il habitoit. Le 18 juillet, il fut escorté jusqu'aux frontières de l'Etat romain, passa quelques jours à Florence, et arriva en Irlande le 2/1 septembre. Il termine son rapport en demandant que l'on s'occupât de payer les dépenses de sa mission, qui se.montoient à 21,000 fr. sur lesquels il en restoit 12,000 à payer. Le gouverneur de Rome fui avoit bien offer! des fonds pour retourner en Irlande, s'il eut voulu obtempérer à l'ordre de Sa Sainteté; mais l'agent ne consentit à rien recevoir d'une cour qui, dit-il, avoit commis tant d'indignités à son égard. L'acquittement de ses dettes souffrit de grandes difficultés. Le bureau catholique nomma un comité pour rassembler les fonds; mais comme il cessa bientôt de s'assembler, et qu'il fut même entièrement dissous, M. Hayes se trouva dans une position désagréable; et lui, qui auroit tenu à déshonneur de rien recevoir du chef de l'Eglise, fut contraint de mendier à Dublin des secours qui le missent en état de payer ce qu'il avoit emprunté. On eut enfin honte de le voir réduit à cette extrêmité. Des cathoLiques de Dublin s'assemblèrent, le 7 février dernier, et

l'engagèrent à discontinuer sa quête. On nomma un co mité pour aviser aux moyens d'éteindre la dette. Des souscriptions furent ouvertes dans la capitale et dans plusieurs villes. Les derniers journaux annonçoient qu'on avoit plus de la moitié de la somme requise, et on espéroit réunir bientôt le reste.

Ainsi s'étoit terminée cette mission; mais son issue avoit donné lieu à de vives plaintes. Les lettres de M. Hayes et de ses amis le peignoient comme une victime des intrigues des agens du ministère anglois. Le bureau catholique crut trop aisément à ces rapports; et à la première nouvelle de l'ordre intimé, le 24 mai, à M. Hayes, il s'assembla à Dublin, et adressa, le 19 juillet 1817, des remontrances à S. S. Dans cette pièce, visiblement calquée sur les dépêches de M. Hayes, le bureau, après des protestations d'attachement et de respect, se plaignoit de n'avoir aucune réponse aux représentations de 1815, de l'indifférence et de la défaveur avec laquelle on avoit accueilli à Rome leurs de- ́ mandes, et surtout de l'expulsion de leur agent. « Il étoit sûr, disoit-il, que cette indignité offensante ne venoit point du défaut de conduite de la part de M. Hayes, et il l'attribuoit à l'influence et aux infrigues des ennemis des catholiques Irlandois. Nous avons appris avec regret, étoit-il dit dans l'adresse, qu'une intervention laïque a eu lieu à Rome dans les affaires de l'église d'Irlande. Nous protestons solennellement contre l'intervention de l'homme d'Etat auquel nous faisons allusion, et nous repoussons formellement toute soumission à lui ou à ses mesures. Nous ne voudrions point céder à un ministre ce que nous n'accorderions. pas à son maître, le droit de se mêler de nos a affaires temporelles. Nos rapports avec Rome sont bornés exclusivement aux intérêts spirituels, et nous ne conseutirions jamais à voir ces rapports réglés par les intérêts d'ane cour, ou dirigés par un ministre politique», Ces reproches assez directs, et ce langage quelque peu.

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