Page images
PDF
EPUB

F

regardera personnellement comme intrus les évê. ques et curés qui seront nommés suivant la nouvelle forme, il proteste qu'il ne communiquera pas avec eux in divinis. Dans une lettre aux curés de son diocèse, après avoir débité sa doctrine anti-patriotique, il ajoute: Il est nécessaire que nous soyons unis, et que notre conduite soit uniforme.

Plusieurs évêques se sont joints à cette sainte ligue. Ceux de Soissons, de Dijon, de Verdun, de Nantes et de Vienne ont protesté contre les décrets, en déclarant qu'ils attendroient pour se décider la réponse du pontife romain à la lettre du roi. L'évêque de Beauvais a nommé à une cure dans son diocèse; il refuse de concourir à la formation de sa cathédrale en paroisse. Le ci-devant archevêque de Lyon est dans le même cas. Plusieurs chapitres ont également protesté. Celui de Lyon a épuisé toutes les ressources de la vieille diplomatie, pour prouver que la souveraineté de Lyon lui ayant appartenu, il avoit le droit de résister à celle de l'assemblée nationale. Il a poussé la démence jusqu'à publier le serment qui termine sa protestation; celui de ne recevoir parmi ses membres que ceux qui auroient fait preuve de

noblesse.

Quelques curés fanatiques ont imité leurs évêques et leurs chapitres, ils prêchent ouvertement à leurs paroissiens la résistance aux décrets du corps législatif.

Enfin, comme pour couronner ce délire sacerdotal, les évêques, membres de l'assemblée nationale, ont répandu, avec la plus grande profusion, une espèce de protestation signée, remplie de sophismes et de principes absurdes sur la prétendue distinction des deux puissances. Cet écrit est terminé par cette phrase: « Nous pensons que notre premier devoir est d'attendre avec confiance la réponse du successeur de Saint-Pierre, qui, placé dans le centre de l'unité catholique et de

la communion, doit être l'interprête et l'organe du vou de l'église universelle (1) ».

Il est bien étonnant que les évêques de France regardent aujourd'hui le pontife romain comnic l'organe de l'église universelle, eux qui, dans tous les temps, ont affecté de lui refuser toute autre qualité que celle d'évêque de Rome, et toute autre suprématie que celle qui seroit purement honorifique.

L'article 4 des libertés de l'église gallicane dit précisément que le pape ne peut rien commander ni ordonner en France de ce qui concerne les choses temporelles. Or, si de l'aveu du ci-devant clergé le pape ne peut rien ordonner ni commander sur les choses temporelles, il ne peut donc se mêler en aucune manière de la circonscription des nouveaux diocèses; car cette opération est purement temporelle, purement politique: elle ne touche aucunement à la jurisdiction spirituelle de l'église; il ne s'agit point de borner les pouvoirs de l'épiscopat, mais seulement l'étendue de la jurisdiction civile de celui qui en est revêtu. Or, les représentans du souverain ont le droit incontestable de régler les relations extérieures des ministres du culte, de fixer le nombre de ceux qui seront en fontions, et cela indépendamment de la volonté et de l'intervention d'un prêtre étranger, dont les entreprises et les usurpations n'ont déja été que trop funestes à la France.

Les évêques nous assourdissent d'une prétendue puissance ecclésiastique, qui, disent-ils, doit concourir avec le pouvoir civil pour l'union et la sup

(1) Le jour de la sanction du décret du 27 novembre, qui die au clergé sa dernière espérance, les évêques ont fait demander au roi une audience pour l'engager à retarder jusqu'après la réponse du pape. On les a remis au lendemain. Aujourd'hui il n'y a plus de remède le pontife romain mettroit le royaume en interdit, que les choses n'en iroient pas moins leur train.

:

pression des bénéfices. Quelle est donc cette puissance ecclésiastique? C'est sans doute celle d'un concile; mais un concile ne doit se mêler que des questions du dogme et de la morale de l'église. En matière civile, il ne doit pas avoir plus d'autorité qu'un club quelconque, ou toute autre assemblée de citoyens. Si l'état reconnoissoit le pouvoir ecclésiastique par rapport au régime extérieur du culte, alors il reconnoîtroit une corporation de prêtres indépendans des agens du gouvernement, et qui occasionneroit une division de pouvoirs impraticables dans un état libre.

L'assemblée nationale, en traçant les limites des diocèses du royaume, ne blesse aucunement les droits de l'épiscopat; elle ne met aucune borne à l'autorité spirituelle de l'évêque, elle déclare seulement ce qui est de sa compétence, c'est-àdire, qu'elle ne reconnoîtra l'exercice extérieur de sa jurisdiction, que lorsqu'il ne passera pas telle et telle limite.

Et n'est-il pas étrange que les évêques chicanent aujourd'hui l'assemblée nationale sur ses opérations par rapport au régime extérieur du culte, eux qui ont souffert si patiemment que les parlemens les dépouillassent successivement de la plupart de leurs prérogatives jurisdictionnelles ? Les appels comme d'abus, sous l'ancien régime, avoient porté un coup mortel aux prétentions épiscopales; et cependant les prélats supportoient en silence la réforme de leurs ordonnances de la part des cours souveraines. Tant qu'on ne les for-. çoit pas à une résidence incommode, tant qu'on les a laissé jouir tranquillement des usurpations scandaleuses de leurs prédécesseurs, ils toléroient les entreprises les plus hardies; leur ferveur ne s'est ranimée qu'au moment où on a voulu les rappeler à une vie un peu plus conforme à l'esprit de l'évangile. Laissez aux prêtres leurs richesses, ils seront traitables sur les matières du dogme

et de la morale attaquez vous ce qu'il leur plate d'appeler leurs propriétés, ils crieront à la profanation, au sacrilége: voilà l'esprit de l'église.

Les évêques s'élèvent contre les élections des curés et des évêques confiées au peuple. Mais ignorent-ils que dans l'ancienne église le peuple élisoit lui-même les ministres de la religion? ils disent que c'est aux ecclésiastiques seuls à les nommer. Mais croent-ils donc que les ecclésiastiques sont les seuls membres de l'église ? Cette église n'est-elle pas dans la collection des fidèles assemblés? Que veulent-ils nous dire en nous rappelant aux anciens usages? Saint Ambroise fut-il élu par les ecclésiastiques, lui qui n'étoit pas même simple tousuré lorsque le peuple de Milan le porta par acclamation dans la chaire pontificale? Presque tous les évêques de la primitive église. étoient élus par le peuple; ce n'est que depuis le relâchement des principes religieux, que l'église s'est concentrée dans un gouvernement purement représentatif, en excluant le peuple du droit de voter dans les élections. Et d'ailleurs comment les évêques peuvent-ils se montrer difficiles sur l'institution des choix populaires, eux qui ont vu tranquillemont les dignités ecclésiastiques distribuées et vendues de la manière la plus infâme par d'indignes courtisans, par des valets et des femmes perdues? Ministres des autels, soyez plus sincères dans vos réclamations. Ce n'est pas le changement du régime ecclésiastique qui vous anime contre la nouvelle constitution; vous regrettez votre scandaleuse opulence, votre vie molle

et délicieuse, si peu faite pour les successeurs des

apôtres. Renoncez de bonne grace à des prétentions que vous ne pouvez plus soutenir sans danger. Soumettez-vous, il en est temps encore, ou craignez la justice sévère d'un peuple que vous avez trop long-temps foulé aux pieds.

Danger des ordres de chevalerie.

On a fort judicieusement comparé les ordres de chevalerie aux chiffres tracés sur les jetons qui valent chacun dix, ou cent, ou mille, sans cesser d'être une unité, sans que la valeur intrinsèque du jeton soit augmentée. Les ordres sont donc une étiquette numérique que les rois ont imaginée pour donner une plus value à tels individus en comparaison du reste des hommes.

Dans les gouvernemens anciens nous n'avons pas d'exemple de cette invention. Le C. brodé sur le soulier, la bande de pourpre et l'anneau désignoient des cartes, chez les Romains, jamais dans leur république roi, consul, décemvir, dictateur, tribun ou empereur n'ont accordé le C. à qui que ce fut; tout citoyen descendant des cent preinières familles patriciennes le portoit sur sa chaussure si cela lui faisoit plaisir. C'est ainsi que chez les Mahometans, tous les descendans du prophète portent, et ont seuls le droit de porter le turban vert et de prendre la qualité d'EMIR ce ne sont point là des ordres de chevalerie. Le mouchoir des sultans ressemble beaucoup mieux à nos cordons.

La Porte est la seule cour de l'Europe où l'on ait dédaigné jusqu'ici la méthode de se chamarrer de bleu, de rouge et de jaune, pour avoir l'air de valoir plus qu'on ne vaut en effet. La cause de cette politique est dans le principe du gouvernement turc, de ne point admettre la noblesse héréditaire, pas même la personnelle.

Puisque nous avons aboli la noblesse héréditaire et personnelle, pourquoi conserver les ordres de chevalerie qui forment un véritable ordre de noblesse? Rien n'est plus impolitique, rien n'est plus inconséquent.

Examinons d'abord pourquoi, et à quelle fin ces ordres ont été inventés et multipliés, quels fruits en ont résulté pour les inventeurs et les distribu

« PreviousContinue »