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louse vient de dénoncer à l'assemblée nationale une des mille et une infamies de l'ancien régime; c'est au sujet de la concession faite à la famille Riquet Caraman des profits de la navigation sur le canal de Languedoc.

En 1684, par un arrêt du conseil du 26 septembre, il fut permis aux sieurs Riquet d'établir un bateau de poste sur le canal, pour faire le transport exclusif des passagers, à raison de trente sous par jour pour chaque personne: les soldats, les matelots et domestiques ne furent taxés qu'à quinze sous.

Le désir d'accroître des revenus déjà énormes fit imaginer, il y a trois ans, un moyen de rançonner le sot orgueil, ou la vanité (c'est l'arrêt du 26 juin 1787 ): on divisa l'intérieur des barques de poste, et sous le prétexte de quelques commodités ou de quelques décorations puériles dans l'un des compartimens, le prix de ces places distinctives fut élevé à trois livres. Voici l'injustice.

La partie du peuple la moins aisée et la plus nombreuse, celle enfin qui mérite le plus de faveur, fut confinée dans un réduit, d'autant plus insuffisant et mal sain, qu'il n'a que la moitié de l'ancien espace: ainsi entassée pêle-mêle avec les valets et les équipages des voyageurs plus fortunés, on exige d'elle cependant le mênie salaire, quoiqu'on lui ait enlevé les trois quarts de ses jouissances (1). Voici l'atrocité.

«La famille Riquet demande et obtient la permission de percevoir trois livres par jour et par place des personnes qui occuperont la chambre particulière pratiquée dans chaque bateau montant et descendant le canal, sans que les soldats, ma

(1) L'établissement d'un second bateau destiné à ceux qui ont les moyens ou la volonté de voyager plus agréablement, seroit sans doute exempt de censure.

telots, domestiques et ouvriers puissent y étre admis, méme en payant le prix de trois livres, les autres places du bateau demeurant fixées suivant l'ancien tarif.

Le cœur se soulève à cette exclusion (1), les réflexions s'offrent en foule, notre sensibilité les rejette pour ne pas charger ce tableau.

Nous avons eu occasion de parler quelquefois des mésintelligences que pouvoient faire naltre parmi les citoyens, les distinctions que le commandant général de Paris avoit introduites dans les compagnies de la garde nationale. Ces distinctions entre les grenadiers, les chasseurs et les simples fusiliers, ont été imitées dans les provinces et dans quelques villes. Elles ont été l'occasion d'un schisme dangereux pour la chose publique. A Troyes, les grenadiers et les chasseurs portent des épaulettes. Cette différence de costume avec celui des autres compagnies de la garde nationale, a causé des dissentions et des querelles. La municipalité, pour les faire cesser, a ordonné l'incorporation des grenadiers et des chasseurs dans les compagnies de fusiliers, le département s'y est opposé, et de là est résulté une espèce de conflit de jurisdiction entre le directoire et la municipalité. L'affaire portée à l'assemblée nationale, les municipaux ont été condamnés comme coupables d'insubordination envers le département. Ils annoncent un mémoire qui aura pour objet de prouver qu'ils ont été condamnés injustement.

On nous mande de Nimes, que les Capucins de cette ville, toujours filèles à leur parti, ne cessent d'exciter le peuple, en lui montrant des

(1) Les soldats sont aujourd'hui appelés aux premiers emplois, si leur méite les y porte.

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taches de sang de quelques-uns des leurs qui périrent par leur faute à la malheureuse journée du 13 juin dernier. Il ne tient pas à eux qu'on croie que ce sang est indélébile, malgré tout le soin qu'ils ont pris, disent-ils, pour l'enlever. Le doigt de Dieu, ajoutent ils, est là, et indique vengeance.

Après les scènes de Nancy et de quelques autres villes, croiroit-on qu'il se trouve encore des officiers assez hardis, pour traiter les soldats comme sous l'ancien régime. Le 20 novembre, trois sergens de la compagnie des chasseurs de VieilleMarine, en garnison à Nîmes, invitèrent les chasseurs de la garde nationale à assister à l'enterrement d'un de leurs camarades. Tout s'y passa avec beaucoup d'ordre. Eh bien! les sergens ont été cassés et mis à la queue de la compagnie. Ce fait n'a pas besoin de commentaire.

Pour déférer à la demande qui nous a été faite, nous nous empressons de publier la lettre suivante, adressée originairement à MM. les curés, maires et officiers municipaux des départeméns de la Correze, Lot et Dordogne.

MESSIEURS,

Vous avez su la disparution de mon frère M. Jérôme de Chiniac des Aillieux, procureur de la commune de Brive, et élu premier juge du tribunal du district de Brive, arrivée le 10 de ce mois sur les huit heures du soir. A-t-il été enlevé dans les murs de Brive, y a-t-il été assassiné? C'est ce qu'on ignore. Chacun raisonne suivant ses passions sur les causes de cette disparution; mais depuis huit jours toutes les recherches ont été infructueuses. Il importe à la sureté publique que les coupables soient découverts; je vous prie, messieurs, de vouloir bien publier, que je don

nerai cent louis d'or à quiconque décélera la retraite de mon frère, s'il est vivant, et cinquante louis d'or à quiconque m'indiquera le lieu où est son corps, si malheureusement il a été assassiné. J'en contracte l'engagement par cette lettre. J'espère, messieurs, de votre patriotisme, que vous voudrez bien rendre ma lettre publique, de manière que personne ne l'ignore, et que vous contribuerez ainsi à faire punir les auteurs de l'attentat le plus inoui et le plus incompréhensible.

Je suis avec respect, etc. DE CHINIAC.

Uzerche, le 17 novembre 1790.

Les personnes qui auroient quelque renseigne mens à donner sur l'objet de cette circulaire, trouveront au bureau du Journal des Révolution de Paris, une lettre de M. de Chiniac, signataire de la circulaire, dont ils pourront se faire un titre envers lui, aux clauses et conditions qu'elle renferme, et qu'on leur, remettra en laissant un reçu motivé.

Nous avons dit, dans le numéro 71, que le curé de Thin-le-Moutier s'étoit, au lit de mort, confessé au doyen de Charleville, d'avoir contribué de 400 livres, pour sa part, à un projet de contrerévolution; que le doyen de Charleville, indigné des dispositions de son pénitent, lui avoit refusé l'absolution, et que le curé de Thin n'en avoit pas moins fait la déclaration publique de sa faute. Nous avions été mal instruits; M. Gobert, curé de Thin, vient de réclamer contre cet article en nous envoyant un certificat des officiers mu cipaux de Thin-le-Moutier, qui constate que ledit sieur curé n'a fait aucune déclaration semblable à celle énoncée; comme encore que M. le doyen de Charleville n'a pu lui refuser l'absolution, ne l'ayant pas confessé.

Colonie de la Martinique.

Le sang français a coulé à la Martinique avec abondance. M. de Damas, ennemi décidé des habitans et de la constitution française, est celui auquel on doit attribuer le massacre qui a eu lieu. Pour avoir dans ses mains le moyen d'asservir les blancs, il s'est formé une horde de satellites composée de nègres et de mulâtres, à la tête desques il a attaqué les colons patriotes. Plus de 200 personnes de ce dernier parti ont péri victimes des dissentions intestines. L'assemblée nationale n'a pas été plus tót instruite de l'état où se trouve la Martinique, qu'elle a décrété que le roi seroit supplié d'y faire passer sur le champ deux vaisseaux de ligne, et deux régimens commandés par un général patriote. Les troubles de la Martinique, s'ils se s'ils se propagent, sont d'autant plus dangereux, qu'ils peuvent influer singulièrement sur la tranquillité de nos colonies. Calle de Saint-Domingue est à peine remise des secousses qui l'ont agitée. La force publique est entre les mains des ennemis de la patrie; si on, leur donne le temps de mettre à exécution leurs perfides desseins, qui peut calculer jusqu'où pourra se porter leur vengeance? N'est-il pas affreux que les gouverneurs s'entourent de nègres pour en imposer aux blancs! Cet état de guerre entre les maîtres et les esclaves peut causer des malheurs terribles. Encore si c'étoit le désir d'améliorer le sort des nègres (1) qui les fit agir? Mais ils ne veulent qu'asservir les maîtres et non libérer les esclaves. Nos frères de la Côte de Guinée seront libres un jour, c'est le vœu de la raison et de la philosophie; mais l'heure n'est pas encore venue,

(1) Voyez notre n°. 66 sur la liberté des nègres.

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