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dépens de quoi que ce puisse être enfin (et l'on ne peut retracer sans horreur ces propres mots) QU'IL FAUT LOUER BEAUCOUP LE BIEN, ET GARDER LE SILENCE SUR LE MAL!

Je me verrai trahir, mettre en pièces, voler,

Sans que je sois. ... Morbleu! je ne veux point parler, Tant ce raisonnement est plein d'impertinence.

MOLIERE, Misant. act. 1, scène 1.

Qui d'entre nous ne sera pas saisi d'une généreuse colère, quand il verra, dans cette pièce, l'Alceste de Molière, sans autre raison que sa haine pour les hommes, et avec la dureté d'un fermier-général, chasser un infortuné qui cherche assistance auprès de lui, et le tout par une ruse d'auteur, c'est-à-dire, pour transporter le mérite de la bonne action qui se présente à faire à son personnage favori, à une demoiselle Ursule, apôtre doucereux des maximes des geas du monde ?

Indigne abus de la fiction dramatique, de prêter gratuitement un crime à la vertu austère, pour attribuer un bienfait au vice aimable! Que diroit-on de celui qui mettroit une maxime des tyrans dans la bouche de Caion, pour relever une opinion patriotique qu'il feroit avancer par Antoine?

Qui ne souriroit de pitié de voir cette Ursule, mettant à profit l'amour d'Alceste pour elle, donner en plein. théâtre des leçons de politesse et de maintien à l'anstère héros de Molière, le faire marcher, rire, saluer, tourner son chapeau, danser et capituler avec cet homme sévère sur les sacrifices de sa franchise et de sa vertu, qu'elle exige et qu'elle obtient de lui en faveur de l'amabilité de nos coquettes, de la complaisance de nos égoïstes, et de la bonté de nos merveilles de corruption?

Et c'est au jour de la régénération française, que l'on vient débiter au peuple ce poison trop dangereux de l'ancien régime, cette nourriture des esclaves, ces principes de lâcheté, qu'il suffiroit d'écouter un seul jour, pour rentrer dans cette apathie honteuse qui nous mérita si long-temps la verge et le mépris des tyrans!

Au reste, si, après avoir insulté à la morale et à Molière, il peut rester à l'auteur des motifs de consolation dans le triste avantage de montrer du talent en

faisant le mal, nous ne lui refuserons pas l'aveu de nos sentimens sur ce point, en y ajoutant l'avis d'employer à l'instruction publique, et non à sa dépravation, les moyens que la nature ne lui donna, et que la patric ne perfectionna que pour ce saint usage.

La manière dont l'auteur a traité cette comédie n'annonce pas une bien grande connoissance du théatre; mais il y a du vrai talent dans la conception du gouverneur ly gascon. Ce personnage, quant l'art et quant aux reurs, est le seul de la pièce qui soit bien traite; il a de l'originalité; ce caractère est vrai, il est même beau de talent. La scène où ce gouverneur fait grace à la cour qu'il déchiroit et dont il étoit oublié, précisément parce qu'il vient d'en recevoir une faveur, est trèscomique de fonds et de situation. La situation où Alceste renvoie le gouverneur dans son gouvernement, a bien quelque effet; mais elle est apprêtée, et sans nécessité: c'est une de ces situations locales, achetées aux dépens du vrai, ce qui n'en pêche pas qu'elle ne soit très- spiritue le. Le style de cette comédie est celui d'une plume exercée, mais foible; il a quelquefois de la facilité, jamais de la force. Le dialogue n'est pas toujours naturel; mais il indique que l'auteur scroit capable de mieux faire, s'il traitoit un sujet plus léger: trop souvent il tombe dans des déclamations; fortes sculement de mots, et par cela même vagues et insignifiantes; en général, de l'esprit, quelques traits heureux, des locutions caressées, du précieux, point de cette abondance éloquente qui naît de la succession juste et rapide des idées, mais quelquefois de la prétention à l'énergie, et très-souvent de la foiblesse d'ame, qu'on nomme graces.

Le maire de Varaise n'a pas s ul été victime de son zèle pour le maintien des loix; celui de la ville de Cloye, district de Châteaudun, recommandable par son civisme, a été de même assassiné par des scélérats, dont on ignore encore le nom. Heureusement il est hors de danger, et les assassins sont arrêtés.

On a des nouvelles certaines sur la disparution de M. de Chiniac. Après dix sept jours de recherches, le cadavre de ce malheureux citoyen a été trouvé au moulin

de la Bouvie; il a paru, d'après l'ouverture du corps, qu'il avoit péri par la faim. Les citoyens de Brives-laGaillarde lui ont rendu les derniers honneurs avec la plus grande pompes

Trois curés viennent d'être promus à des évêchés. M. Philbert, curé de Sedan, au siège du département des Ardennes; M. Davoine, cnré de Gommecourt, à celui de Versailles; et un troisième, à l'évêché de Qnimper. L'idée de curés patriotes rappelle toujours celle des deux braves curés de Soupes er d'Embermenil..

Le bâtiment le Necker, venant de l'ile de France, et nouvellement arrivé à l'Orient, a apporté des nouvelles qui rassurent sur les bruits alarmans qu'on avoit semés touchant les troubles de cette colonie. De deux chefs qui y commandoient, l'un, M. Conway, a cédé au vœu général, et a quitté la colonie; l'autre, M. Dupuis, généralement estimé, est resté et a prévenu tous les désordres qu'on nous avoit faussement annoncés.

On nous demande; 1o. si un notaire peut être élu juge de paix; 2°. comment les frais de voyage et de séjour seront taxés par les sentences des juges de paix.

Un notaire peut être élu juge de paix, parce qu'il n'est point exclu par les décrets. Un netaire, qui, en sa qualité de juge de paix, aura rendu une sentence arbitrale, ne pourra pas recevoir les transactions des parties; il doit se récuser.

Quant aux frais de voyage et de séjour, ils seront taxés suivant les anciens réglemens, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu par les nouveaux.

Un citoyen de Mouceaux nous écrit pour nous demander si les officiers municipaux peuvent être nommés prud'hommes ou juges de paix, sans quitter leurs places municipales.

Nous répondons qu'on ne peut pas cumuler ces der nières fonctions avec les fonctions judiciaires; c'est le vœu des décrets de l'assemblée nationale, et plus encore celui de la raison qui demande, pour condition d'un bon gouvernement, que les pouvoirs soient toujours divisés

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de manière que ceux qui en sont revêtus ne puissent pas en abuser.

Le gouvernement aristocratique de Fribourg continue toujours à poursuivre les citoyens généreux qui avoient conçu et tenté le projet d'arracher à la tyrannie les habitans de ce canton. Iis réclament comme coupables du crime de lèse-nation les neuf Suisses réfugiés à Paris, dont trois sont sortis des galères de Brest. Les sociétés patriotiques des cafés de Foi et du Caveau les ont pris sous leur protection.

Extrait d'une lettre écrite de Dax, département des Landes.

Le 20 novembre 1790, le fanatisme a provoqué, dans la garde nationale du bourg Saint-Esprit, près Bayonne, une dissention qui peut avoir des suites sérieuses. Il existe dans ce bourg beaucoup de juifs portugais qui ont été admis, comme les autres citoyens, dans la formation de la garde nationale. Cette garde est composée de onze compagnies; elle a son comité militaire. Les juifs ont été confondus jusqu'ici parmi les autres citoyens; ils ont été promus à des grades, et nommés membres du comité. La septième compagnie a, ridiculement et injustement, préter du que les juifs devoient être séparés des chrétiens. Cette prétention a été accueillie par le comité militaire, dont l'avis a été requis et ensuite approuvé par la municipalité les juifs se sont plaints au directoire du district, vers lequel ils ont député les sieurs Castro et Sylocyre. Dans l'intervalle, le sieur Mauriet, chrétien, capitaine de la sixième compagnie, où il ne se trouve aucun juif, a eu le courage de s'élever contre un préjugé barbare; il a donné l'exemple à ses concitoyens, en protestant contre la décision bureaucratique et municipale; il en a été puni par sa compagnie, qui a été poussée à le destituer; elle s'est donné un autre capitaine. Le directoire du district de Dax, en exprimant son avis en faveur des juifs, a donné de justes éloges à la conduite du sieur Maurict. On espère que le département des Landes ramenera les citoyens égarés à des principes que l'humanité et la justice ont consacrés, et assurera l'exécution des décrets rendus en faveur des juifs portugais et sur l'organisation provisoire des gardes nationales. ASSEMBLÉE

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ASSEMBLEE NATIONALE.

Séance du mardi 30 novembre 1790.

Il a été fait droit sur les pétitions des assemblées administratives de divers départemens, qui demandoient des tribunaux de commerce.

Décrété que les bureaux destinés à la perception des douanes nationales seront inccssamment rétablis dans les pays limitrophes et du pays de Labour, où il existoit des bureaux de traite.

M. Goudart, au nom des comités d'agriculture et de commerce, a fait un rapport sur le tarif des droits qui devroient être perçus à l'entrée et à la sortie sur les objets qui en ont paru susceptibles. M. de Boislandry a combattu l'opinion du comité. L'impression de son discours a été ordonnée.

Séance du soir. M. Viellard a fait le rapport des événemens arrivés à Saint-Jean-d'Angely, et il a été décrété que l'information commencée contre les prévenus de l'assassinat du maire de Varaise et leurs complices seroit continuée, et leur procès fait devant les juges du tribunal établi à la Rochelle. 2°. Qu'il seroit informé de la conduite des officiers municipaux et notables de Saint-Jean-d'Augely, dans les journées des 21 et 22 octobre dernier.

L'assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit : ART. PREMIER. « Chaque directoire de district sera tenu d'envoyer, avant le 20 décembre prochain, au directoire du département, un état par apperçu, soit des deniers provenant des revenus des biens nationaux qui pourroient être en caisse au premier janvier 1791, soit des traitemens on pensions qui se trouveroient payables à la même époque, au clergé séculier et régulier, y compris les religieuses et chanoinesses; chaque directoire de département enverra ensuite avant le premier janvier 1791, à l'assemblée nationale, un état général formé sur les états particuliers qui lui seront envoyés. II. Chaque directoire de département, par l'intermédiaire de ceux des districts de son arrondissement No. 74.

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