Page images
PDF
EPUB

Quant à madome Calas, le poëte l'a, pour ainsi dire, réservée pour la fin; mais alors elle ne parle pas assez tant que son mari est avec elle, et elle parle trop quand il est sorti. Sa léthargie dure trop long-temps, er son délire vient un peu tard. Elle eût dû peut-être s'évanouir dans le dernier adieu de son mari; et aussi-tôt que Calas est monté pour marcher au supplice, la chute de la toile auroit laissé les spectateurs dans une situation véritablement dramatique qu'affoiblissent l'avant dernière scène conforme à la représentation, et la dernière qui se trouve restituée dans l'imprimé. Une pièce de théâtre et un livre doivent laisser quelque chose à faire à l'imagination et à la sensibilité dú lecteur et de l'auditeur.

L'édition de ce drame est précédée de l'histoire abrégée de la mort de Jean Calas, tirée des œuvres de Voltaire: nous nous attendions à de la chaleur et de la force. Quelie fut notre surprise, en hsant ce précis, d'y trouver tout le froid, tonte la réserve, toute la timidité qui caractérisoient jadis les ouvrages soumis à la coupelle des censeurs royaux; est-ce ainsi qu'on parle d'une atrocité qui imprime une flétrissure ineffaçaEle sur les juges et sur le ministère de ce temps là? La mémoire de Calas fut réhabilitée précisément le 9 de mars, jour de son supplice; mais ce fut après lorgues années, après maintes sollicitations, et il falut supplier long-temps le roi pour en obtenir une charité mesquine de 36 mille livres envers une famille qui avoit tant de droits à une réparation égale à la grandeur du forfait juridique dont elle étoit la victime. M. Lemierre d'Argy appelle un devoir de bienfaisance, cette restitution entière et solennelle à laquelle auroient dû être condamnés les tribunaux de Toulouse et le gouvernement.

Littérature.

La religion mal interprétée a fait bien du tort aux hommes. L'évangile mal expliqué nous prive depuis des siècles de la ressource du divorce. On a été chercher dans ce livre où se trouve la règle des mœurs, des autorités pour consacrer une législation destructrice des mours. En suivant la méthode des commentateurs, il

Da

[ocr errors]

West point d'absurdités qu'on ne puisse étayer d'un passage de la bible. Du moment qu'on pose en principes que la lettre tue, et que c'est l'esprit qui vivifie, on aura de tout dans les saintes écritures. Un abbé Barfuel y prendra des armes pour combattre le divorce et même pour injurier ses apologistes: et voici qu'un député du département de l'Aube ramasse dans les deux testamens tous les passages qu'il pouvoit désirer pour légitimer le divorce, et en faire sentir les avantages et la nécessité.

Peut-être auroit-il dû s'en tenir aux argumens d'une saine logique et d'une bonne politique; mais il a pensé appareminent que le clergé soutenant jusqu'au bout son caractère, poursuivroit l'établissement projerté du divorce avec le même acharnement qu'il a manifesté contre toutes les autres institutions qui font honneur à la philosophie du peuple français devenu libre et par conséquent plus éclairé.

L'ouvrage de M. Bouchotte a pour titre : Observations sur l'accord de la raison et de la religion, pour le réta blissement du divorce, l'anéantissement des séparations entre époux, et la réformation des loix relatives à l'adul tère. A Paris, de l'imprimerie nationale; 200 pages in-8°. En tête est une jolie gravure représentant ce mot connu de Caton: « Vous voyez mon brodequin; il vous paroi me convenir, mais vous ignorez où il me blesse ».

Ce traité, très méthodique, est divisé en deux parties: conformément à l'énoncé du titre, la première est destinée à démontrer au citoyen que la raison et la nature demandent que le divorce soit remis en usage; la seconde doit prouver aux catholiques que l'institution du diverce n'est nullement contraire au dogine ni à la morale de la religion.

L'auteur, dans une introduction, apostrophe ainsi un sexe né pour le bonheur de l'autre :

« Et vous, femmes, qui, malgré les avantages dont elle vous a pourvues, vous plaignez quelquefois de la nature, et qui avez droit de vous plaindre des loix, félicitezvous... ... renoncez au droit d'agir en souveraines; c'est-là le foible des esclaves; ils n'aiment à commander que parce qu'ils se souviennent trop d'une servitude qui les dégradé à leurs propres yeux. Compagnes fidèles, chéries des maris que vous rendiez heureux....:. vous ne serez plus séparées avant d'être veuves, ni venves avant

d'être séparées. La loi vous préservera d'une tyrannie éternelle, par les mêmes moyens qui mettront à couvert de celle que vous pourriez exercer, ces hommes qui sont vos égaux, et qui doivent être vos protecteurs, comme -vous devez être leurs consolatrices ».

Cet ouvrage, composé dans les bons principes, et plein d'érudition, d'un style nourri de choses, quelquefois aux dépens de la clarté,, comme en peut le voir dans l'échantillon ci-dessus, pourra servir à rédiger un traité élémentaire un peu plus à la portée du plus grand, nombre des femmes (1). Il leur manque un livre court sur cette matière, écrit comme pour elles, c'est-à dire, qui parle tout-à-la-fois au cœur et à la raison..

NOUVELLES ÉTRANGÈRES.

Londres. Qu'il est glorieux pour la France de servir d'exemple à l'Angleterre jusque dans ses fibertés sur la tolérance religieuse. M. Mitford a présenté une motion à la chambre des communes, pour demander l'abolition des loix barhares portées contre les catholiques dans des temps de troubles et d'ignorance. Cette motion alloit être généralement adoptée, lorsque M. Fox a proposé un amendement, non pas pour en affoiblir les principes, mais au contraire, avec la ferme résolution d'engager la chambre à s'élever à la hauteur des décrets de l'assemblée natiorale, et d'établir cette tolérance universelle qui va faire le bonheur et la prospérité de la France. Jamais M. Fox

paru plus sublime que dans le développement de ses talens pour soutenir une si belle cause. Cependant M. Pitt est parvenu à faire rejeter l'amendement; et après avoir opposé l'ordonnance de 1774, qui prescrit de référer à un comité toutes motions relatives aux bills de religion, il a été décidé que la chambre se formeroit en comité général au premier mars, pour examiner la motion proposée. La chambre des lords a voté des remercîmens à l'évêque de Chester, à l'occasion du sermon qu'il a prononcé pour la commémoration du supplice de Charies Ier. Le texte de ce discours étoit : Craignez Dieu, honorez le roi; n'eût-il pas mieux fait de dire: Aimer Dieu dans vos semElables, et honorez le peuple dans la personne du roi; le prélat courtisan a parié de la révolution de France comme un évêque attaché aux distinctions, à la chambre haute,

(1) Voyez notre article sur le divorce,

1

!

er sur-tout à la cour; il ne voit, dans la nouvelle conetitution, qu'une confusion de vingt millions d'hommes qui se sont fondus en une seule masse informe. M. Fox a vu différemment, Lorsqu'il a dit que la Prusse étoit une monarchie despotique, et l'Amérique et la France une démocratie perfictionnée.

L'armée commandée par le général Meadows s'avance Toujours de plus en plus sur le territoire de Typo. Sans avoir livré aucune bataille, les Anglais se trouvent déjà maîtres de toutes ces possessions. Typo touche au mnoment de perdre la couronne, et le roi Mysore, dont il avoit usurpé le trône, sera rétabli dans tous ses droits: des avantages aussi considérables donnent à l'Angleterre une prépondérance assurée dans Pindostan. C'est ainsi qu'elle retrouve le dédommagement de ses pertes avec Amérique, et les soldats qui auront soutenu des campaEnes aussi pénibles, procureront ensuite à leur patrie des hommes bien précieux pour sa défense.

Benjamin Kemp, écuyer, vient de faire une bonne découverte dans son chantier de Blackwall, où il faisoit dépecer un vieux vaisseau espagnol pris dans la derBière guerre. Les ouvriers ont trouvé, entre les planches de ce vaisseau, une quantité de lingots d'or, dont la valeur monte déjà à plus de treste mule guiades. Benjamin Kemp, depuis cet heureux événement, ne quise plus les débris de son vaisseau, et fait visiter soigneusemens jusqu'aux moindres parties; il a déclaré que cet accroissenient de fortune scroit entièrement employé au soulagement des malheureux.

Lisbonne. La reine de Portugal vient de créer nac compagnie de 400 nobles pour la garde de sa personne. Cetre Compagnie est composée des cavaliers des mieux tournés de royaume; les Porngais non-moldet, mais qui n'en sont pas moins vigoureux et d'une belle figure, ont présenté une requête pour partager toutes les fatigues du meme service. Cette prétention ne plaut mulement à la noblese, et le clergé la qualifie d'hérétique. Un docteur de Puniversité de Conimbre a publié un ouvrage, dass lequel il établit poar principes que les nations sont faites pour leurs chefs, et que les rois sont de droit divin. Cet ouvrage, imprimé à Lisbonne, avec approbation, a valu à son auteur, non seulement une pension de la cour, mais encore les éloges de la sainte inquisition.

Bruxelles. Les étars de Brabant assemblés à Bruxels

ont été tout-à-coup assais par le peuple; il a mal traité plus particulièrement les évêques et les nobles; ensuite M. de Mercy a, mis sa médiation pour rétab ir la paix et faire reprendre aux états la continuation de leur séance. Ce n'étoit qu'une légère correction habilement donnée par le ministre, qui fait mouvoir le peuple à son gré, afin d'apprendre aux deux ordres privilégiés combien il est de leur intérêt d'avoir, dans la personne de l'empereur, un soutien assez fort pour les maintenir dans tous leurs droits. Par cette politique, la division du peuple avec les grands affermira la puissance de Léopold dans les Pays-Bas; les deux partis se trouveront appuyés tour-à-tour par la force militaire, et leurs délibérations seront parfaitement libres au milieu des baïonnettes impériales, et sous l'ascendant de M. de Mercy.

par

4

Le peuple de Bruxelles, après avoir mis les états du Brabant en déroute, s'est porté dans les couvens des moines. Les capucins ont été chassés de leur couvent, et très-rudement. On a fait ensuite courir un imprimé la ville. Cet écrit étoit dans les termes suivans: « La satisfaction due au souverain et à la nation doit être aussi complette que l'injure a été grande; vive Léopold, moines à bas, et juges sans tache ». Aussi-tôt après cette publi- cation, M. de Mercy a procédé à la réintégration solennelle du conseil de Brabant. Les moines à bas et des juges sans tache sont deux excellentes choses; mais lorsque nous considérons qu'on ignore encore à Bruxelles que le souverain c'est la nation même, l'espoir de voir bientôt s'établir dans le Brabant une constitution vra:ment libre, est prêt à s'évanouir.

Liége. La chambre impériale de Wezlar a rendu un nouveau décret qui permet aux pauvres Liégeois, réduits à l'esclavage, de donner tout leur argent en forme d'enprunt pour payer les troupes impériales qui ont si bien travailié à les asservir. Cette chambre ardente, organe de la vengeance du prince évêque, a lancé un autre décret souverainement injurieux et attentatoire à tous les droits du peuple. Il ordonne de faire appréhender tous les auteurs de la révolution. Eh bien, bon Liégeois, ne valoit-il pas mille fois mieux périr les armes à la main que dans les prisons ou sur l'échafaud? Quel charme a donc la vie, lorsque des brigands armés vous abreuvent à chaque instant du fil de l'opprobre et de la douleur ? Un monceau de cendres n'offre pas un aspect aussi affiie

« PreviousContinue »