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- Les Grecs donnaient le nom de Géodésie, radaría, à la science qui enseigne à mesurer et diviser les terres ( yñ, terre, dala, diviser, partager ). Sous cette acception, on entendait donc la même chose par Géodésie et Géométrie (yň, terre, Airpov, mesure). Mais depuis un temps immémorial, ces dénominations ont été appliquées à des sciences tout-à-fait différentes. La Géométrie considère les dimensions et les figures de tous les corps, et la mesure de la terre n'est qu'une de ses plus faciles applications; la Géodésie embrasse toutes les théories qui concernent la figure de la terre, tant dans son ensemble que dans ses parties solides ou fluides. Cette science se sert de méthodes simples ou, compliquées, selon la nature des objets qu'elle considère; ce qui conduit à la diviser en trois parties tellement distinctes, qu'elles composent autant de traités différens, la Topographie, la Géomorphie et la Navigation.

Lorsqu'on veut déterminer la forme, les accidens et les divisions territoriales d'une localité peu étendue, on n'a besoin d'employer que des instrumens peu compliqués, et de n'appliquer que des théories élémentaires fort simples, parce qu'on fait abstraction de la rondeur de la terre, et qu'on n'attend des opérations qu'une exactitude limitée. L'ensemble de ces procédés forme une section de la Géodésie qu'on appelle la TOPOGRAPHIE, comprenant le levé des plans, l'arpentage, le nivellement et la division des héritages. Les opérations du cadastre, les cartes et plans des parcs, bois, jardins, communes, sont du ressort de la Topographie.

Mais lorsqu'on recherche la forme du globe terrestre, ou qu'on veut embrasser dans les opérations la surface d'un état, ou même d'une province, les considérations exigent plus de précision dans les résultats du calcul et de l'observation; les

théories deviennent plus compliquées et d'une nature tout-àfait différente. Ces doctrines composent la section que nous ́appelons GEOMORPHIE (г, terre, Mopoĩ, forme), et à laquelle les auteurs donnent le nom de Géodésie, mais qui pour nous n'est qu'une des divisions de cette science. La Géomorphie comprend, outre les méthodes d'observation et de calcul relatives aux objets célestes, celles qui se rapportent aux observations terrestres, et qui se rattachent à l'Astronomie : elle comprend aussi le nivellement des hautes montagnes, les. mesures du pendule à seeqndes, et le dessin géométrique des cartes de géographie. Les procédés qu'on emploie dans cette science doivent être d'une extrême précision, et les instrumens construits avec un soin particulier.

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Enfin, lorsqu'on a pour objet de traiter de la surface fluide du globe terrestre, des procédés propres à faire connaître le lieu où se trouve un navire, la direction à suivre pour arriver au port qu'on veut atteindre, comme l'observateur est placé sur un sol mobile, les méthodes éprouvent des modifications, et les instrumens sont construits d'une manière spéciale. Comme les expériences ne sont susceptibles que d'une exacti tude limitée, on donne aux équations des formes plus simples, La science qui comprend les théories applicables à ces circonstances prend le nom de NAVIGATION: une de ses divisions est fondée sur l'Astronomie.

En exposant successivement les principes de ces trois sec tions, nous compléterons tous ce qui est relatif à la forme du globe terrestre et de ses parties solides ou fluides.

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La Topographie n'est qu'une suite d'applications des théorèmes de Géométrie et de Trigonométrie rectiligne. L'usage qu'on y fait de ces théorèmes est aussi varié que la figure. même du sol. Ce serait donc se perdre dans une foule de détails que de prétendre analyser tous les cas, résoudre tous les problèmes de levé des plans que la campagne peut présenter. Mais il nous suffira d'indiquer la construction et l'usage des divers instrumens qu'on y emploie, et de poser les principes généraux de la science. L'intelligence de l'ingénieur suppléera

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facilement à des développemens que nous ne pourrions donner sans prolixité.

La Géomorphie est une science beaucoup plus étendue, et fait le sujet d'un examen bien plus attentif; c'est elle qui est la partie principale de ce Traité. Un grand nombre d'auteurs l'ont enrichie de leurs découvertes. Mais loin d'avoir l'intention de présenter ici tous ces travaux, nous nous bornerons à exposer les seuls procédés qui sont en usage, parce qu'ils sont d'une application facile, et qu'on n'y sacrifie jamais l'exactitude des calculs au désir de les abréger. Nous ne donnons donc pas un traité complet de Géomorphie, mais seule ment l'ensemble des méthodes reconnues utiles, exactes, et propres à satisfaire à tous les besoins. Les personnes qui désireront connaître les grandes théories analytiques qui s'y rattachent, consulteront la Mécanique céleste, le Traité du Système métrique, et surtout le bel ouvrage de Géodésie de M. Puissant.

La Navigation est bien plus limitée dans ses ressources que la Géomorphie, quoiqu'elle emprunte l'usage des mèmes doctrines, parce que le marin, placé sur un observatoire en mouvement, ne peut se servir de niveau ni de fil-à-plomb; ses instrumens sont donc appropriés à la condition où il se trouve. Nous exposerons les méthodes qui suffisent aux besoins des gens de mer, et qui ont le degré de précision que comportent les observations, lesquelles sont soumises elles-mêmes à tant de chances de petites erreurs.

Comme la division du cercle en 360 degrés est en usage parmi tous les peuples de la terre, que les tables de logarithmes de Callet sont les plus répandues, enfin que les instrumens d'observation sont ordinairement divisés sur ce principe, j'ai cru devoir préférer ce mode de division à celui en 400 grades. Ce n'est donc pas par un esprit de résistance à cette innovation que j'ai adopté, dans les exemples que je présente, la division ancienne du cercle, mais seulement pour me servir d'idées plus connues et même devenues populaires dans tout le monde savant. Je conviens volontiers que la division en 400 grades

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est plus commode pour les calculs et plus rationnelle; elle doit un jour remplacer l'autre. J'ai partout employé le système métrique français, qui a, sur tout autre, l'avantage de la simplicité et de l'uniformité, et l'on comprend que la division du cercle en 360 degrés ne peut pas être repoussée par les mêmes motifs que les anciennes unités de longueur, de surface, de poids et de capacité.

Pour mieux faire comprendre l'usage des formules, j'ai pris le soin d'en faire de nombreuses applications; et quand j'ai dû tirer de la Connaissance des Tems les données relatives aux problèmes d'astronomie, j'ai formé tous les exemples pour l'année 1836, parce que cet ouvrage a reçu récemment des améliorations, et est arrivé maintenant au degré de perfection qu'il était loin d'avoir dans les temps antérieurs...

L'ouvrage que je présente au public est composé de sujets que depuis long-temps je professe à la Faculté des Sciences de Paris. Ce livre sera particulièrement utile aux élèves qui suivent mes Cours, et aux ingénieurs que leurs fonctions appellent à faire des opérations géodésiques. Au reste, il s'en faut de beaucoup que tous les sujets que j'ai renfermés dans ce Traité aient été enseignés dans mes Cours. La Topographie ne présente pas de doctrines assez élevées pour mériter d'être traitée à la Faculté des Sciences; le dessin des cartes de géographie est d'une nature spéciale qui se rattache à la Géométrie descriptive; une grande partie de la Géomorphie et de la Navigation rentre dans les attributions du professeur d'Astronomie, etc.

Je terminerai en exprimant ma reconnaissance envers M. le colonel Corabœuf, qui a bien voulu m'aider de ses excellens conseils, et redresser quelques erreurs qui m'étaient échappées.

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