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<< CLAIR, MAIS RIEN DE PLUS NÉCESSAIRE AUSSI. » (Page 50.) L'historien est digne du sujet. On reconnaît là un de ces honnêtes gens qui répondent toujours par le mot de guillotine quand ils entendent parler de République. FUSILLER! Le mot et la chose se trouvent à chaque ligne et à chaque pas de l'attentat du 2 décembre. Il n'y eut jamais de révolution plus lâchement meurtrière, plus froidement impitoyable. L'assassin de Boulogne ne s'est pas démenti.

M. Beville, lieutenant-colonel d'état-major, un des aides de camp de l'Élysée, apporta, en fiacre, les manuscrits qui furent livrés aux ouvriers. Pas un d'eux n'eut le courage de se refuser à cette besogne impie, pas un d'eux n'excita les autres à une résistance au moins passive. Ils pouvaient peut-être sauver la République en se croisant les bras, ils ne le firent pas ! Le fusil sur la gorge, ils obéirent....

Ce que les insurgés appellent le décret de dissolution de l'Assemblée et de mise en état de siége de Paris, l'appel au peuple, l'adresse à l'armée, l'acte de convocation des comices, la proclamation du sieur Maupas, comme préfet de police, et sa lettre aux commissaires de police, tout fut composé, tiré à grand nombre d'exemplaires en quatre ou cinq heures, et porté à la préfecture de police. Les afficheurs habituels y attendaient; et, les pièces une fois

distribuées, ils se répandirent, escortés par des sergents de ville, dans toutes les directions, vers six heures et demie 1.

Les ouvriers de l'imprimerie nationale jugeront mieux encore du mal qu'ils ont fait, en lisant cette exclamation de M. P. Mayer au mo ment où il va parler des affiches des conjurés : « Pour l'honneur éternel de la pensée humaine, « le premier acte du 2 décembre ne fut pas un

4 Pourquoi faut-il que les ouvriers imprimeurs dont le travail fut si funeste n'aient pas suivi l'exemple de leurs ancêtres! Leur conduite était dictée par un précédent que mentionne notre ami Louis Blanc, dans sa puissante Histoire de la Révolution, tome II, page 201.

En 1788, la cour, hostile à la révolution naissante, méditait un coup d'état contre le parlement de Paris, précurseur de l'Assemblée constituante. Gardés à vue dans un atelier, qu'entourait un triple rang de balonnettes, des ouvriers imprimeurs travaillaient forcément à composer le texte d'édits redoutables.

« L'un d'eux, d'accord avec le conseiller d'Espremenil, parvint à lancer par les fenêtres une épreuve des édits roulée dans une boule de terre glaise : c'est ainsi que le parlement apprit qu'on allait fermer le lieu de ses séances, disperser tous ses membres, créer une autre compagnie dont les fonctions seraient d'obéir.

On dirait l'histoire du jour. Mêmes procédés de la part du despotisme. Mais quelle différence dans les résultats! Les pères déjouèrent la conspiration de Louis XVI, les fils prêtèrent les mains à celle du neveu de l'Empereur.

« coup de canon, mais un coup de presse. C'est « de l'imprimerie nationale que partit ce prélude << consolateur.» (Page 49).

Il y avait trois placards; notre rôle d'historien nous oblige à transcrire ici ces monuments de violence, de mensonge et de fraude :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Décrète :

ARTICLE I.

L'Assemblée nationale est dissoute.

ARTICLE II.

Le suffrage universel est rétabli. La loi du 31 mai est abrogée.

ARTICLE III.

Le peuple français est convoqué dans ses comices, à partir du 14 décembre jusqu'au 21 décembre suivant.

ARTICLE IV.

L'état de siége est décrété dans l'étendue de la première division militaire.

ARTICLE V.

Le conseil d'État est dissous.

ARTICLE VI.

Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.

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« La situation actuelle ne peut durer plus longtemps. Chaque jour qui s'écoule aggrave les dangers du pays. L'Assemblée, qui doit être le plus ferme appui de l'ordre, est devenue un foyer de complots. Le patriotisme de trois cents de ses membres n'a pu arrêter ses fatales ten

dances. Au lieu de faire des lois dans l'intérêt général, elle forge des armes pour la guerre civile; elle attente au pouvoir que je tiens directement du peuple; elle encourage toutes les mauvaises passions; elle compromet le repos de la France; je l'ai dissoute, et je rends le peuple entier juge entre elle et moi.

La Constitution, vous le savez, avait été faite dans le but d'affaiblir d'avance le pouvoir que vous alliez me confier. Six millions de suffrages furent une éclatante protestation contre elle, et cependant je l'ai fidèlement observée. Les prvocations, les calomnies, les outrages m'ont trouvée impassible. Mais aujourd'hui que le pacte fondamental n'est plus respecté de ceux-là mêmes qui l'invoquent sans cesse, et que les hommes qui ont perdu deux monarchies veulent me lier les mains, afin de renverser la République, mon devoir est de déjouer leurs perfides projets, de maintenir la république et de sauver le pays en invoquant le jugement solennel du seul souverain que je reconnaisse en France : le peuple.

« Je fais donc appel loyal à la nation tout entière, et je vous dis: Si vous voulez continuer cet état de malaise qui nous dégrade et compromet notre avenir, choisissez un autre à ma place, car je ne veux plus d'un pouvoir qui est impuissant à faire le bien, me rend responsable d'actes

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